Le recrutement devient de plus en plus compliqué pour les entreprises depuis l’arrivée du Covid. (Photo: Shutterstock)

Le recrutement devient de plus en plus compliqué pour les entreprises depuis l’arrivée du Covid. (Photo: Shutterstock)

Les statistiques de l’Adem et de différents sites d’offres d’emploi confirment une situation jamais vue en termes de postes vacants. La crise a bouleversé la vision du travail des candidats, plus exigeants sur leurs conditions de travail. Ce qui aggrave la pénurie de main-d’œuvre, déjà présente depuis des années à cause de l’inadéquation entre offre et demande.

ArcelorMittal, Delhaize, Voyages Emile Weber… Ce vendredi 25 mars, 140 sociétés chercheront de nouveaux talents au Moovijob Day à Luxexpo. «Pour notre retour en présentiel, nous sommes sur les mêmes niveaux qu’en 2019», annonce Yannick Frank, directeur de la plateforme de recrutement organisatrice. Qui était alors un record, après des hausses de participation d’environ 10% chaque année. «On ne s’attendait pas à cela», explique-t-il, alors que le Covid continue d’inquiéter certaines entreprises. «S’il n’y avait pas eu ces craintes sanitaires, je pense qu’on aurait battu tous les records.»

Car les entreprises semblent, plus que jamais, à la recherche de talents. on comptait 11.027 postes vacants en février 2022. Un chiffre jamais atteint depuis juin 2006, données les plus anciennes disponibles.

Le nombre d’offres a doublé sur Moovijob

La situation se confirme sur le site de Moovijob. «Nous sommes sur des records absolus» en termes d’offres d’emploi. Jusqu’en 2021, «les fourchettes les plus hautes tournaient autour de 2.000 offres». En mars 2022, «on est à 5.407. En l’espace d’un an, on a plus que doublé les annonces.»

Comment expliquer de tels niveaux? «Il y a un réel bouleversement depuis deux ans. Les gens se posent des questions, veulent changer de métier, quitter le Luxembourg pour ne plus passer leur temps dans les trajets.» Alors que «le marché du travail est toujours dynamique». Les sociétés doivent donc entrer dans des «opérations séduction. Celles qui avaient surfé sur leur image ne peuvent plus s’en contenter, il faut qu’elles communiquent.»

Un filtre télétravail sur Monster

Les candidatures déposées augmentent, elles aussi, d’année en année. Chaque annonce reçoit en moyenne 60 propositions, calcule Yannick Frank. Depuis le début de 2022, le site en a reçu 722.737. Elles étaient 1.576.512 sur l’année 2021. Ce qui s’explique aussi par la notoriété grandissante du site.

«Nous constatons également une forte croissance du nombre d’annonces sur Monster entre le premier trimestre 2021 et le premier trimestre 2022», corrobore le site d’offres d’emploi, sans pouvoir fournir de données antérieures. «Les candidats sont de moins en moins mobiles», explique-t-il, en raison de la conjoncture. «Elle est bonne, mais avec des interrogations qui planent», à cause de la guerre en Ukraine, après le Covid. À cela s’ajoutent «les questions autour de l’équilibre vie privée/professionnelle, qui devient un impératif». Si bien que dans les filtres de recherche de la plateforme, on peut désormais sélectionner «télétravail». Résultat: «Nos clients vont chercher leurs candidats de plus en plus loin et augmentent leurs investissements sur la marque employeur.»

Des temps partiels à compenser

La pénurie de candidats post-Covid n’épargne pas l’intérim. Le nombre de jobs ouverts chez Manpower est «40% plus élevé qu’en 2018 ou 2019», calcule Mathilde Lambin, chef des opérations. Et 64% plus élevé si on compare à la période Covid, «mais ce n’est pas pertinent». Cela touche «tous les secteurs», ajoute-t-elle, «industrie, BTP, tertiaire, finance…». «C’est du jamais-vu» depuis 2010, année la plus ancienne à laquelle la jeune dirigeante peut se référer. Si, avant, une entreprise trouvait un réceptionniste ou un technicien de maintenance en deux semaines, aujourd’hui, cela prend plusieurs mois. «Les personnes sont plus exigeantes sur leurs conditions de travail. Elles veulent plus de flexibilité», détaille Mathilde Lambin. Il y a aussi de plus en plus de salariés qui passent en temps partiel à 60% ou 80%. «Il faut le compenser avec d’autres personnes.» Sans oublier le phénomène du «big quit», qui touche aussi le Luxembourg, selon elle. «Énormément de gens ont quitté leur travail pour partir on ne sait où: créer leur petite structure ou élever des chèvres dans le Larzac.»

L’agence de recrutement participera d’ailleurs au Moovijob Day vendredi. Pour lequel Yannick Frank s’attend à dépasser les 8.000 visiteurs de l’édition 2019.

Certes, le nombre de postes à pourvoir est au plus haut. Et le nombre de demandeurs d’emploi diminue, pour atteindre 15.340 résidents au 28 février 2022, selon l’Adem, pour un taux de chômage au plus bas depuis 2009, à 4,9%. Mais les demandeurs d’emploi restent plus nombreux que les 11.027 postes vacants. Ce qui traduit une éternelle inadéquation entre l’offre et la demande.