Borner le débat en mettant les partis devant leurs responsabilités: c’est ce à quoi on a assisté à la Chambre des députés lors du débat sur l’avenir des pensions convoqué par Martine Deprez. (Photo: Chambre des Deputes du Luxembourg)

Borner le débat en mettant les partis devant leurs responsabilités: c’est ce à quoi on a assisté à la Chambre des députés lors du débat sur l’avenir des pensions convoqué par Martine Deprez. (Photo: Chambre des Deputes du Luxembourg)

Les députés ont enfin pu se positionner dans le débat sur une éventuelle réforme des pensions. Les partis ont mis en avant leurs solutions. Des solutions tous azimuts qui laissent présager de belles passes d’armes si le gouvernement décidait de réformer le système.

«J’attends avec impatience vos contributions!» C’est ainsi que la ministre de la Sécurité sociale, , a conclu son intervention devant les députés. Intervention qui a ouvert une journée marathon de débat en séance plénière. Sans mentionner la moindre piste de réforme, elle a profité de l’occasion pour donner les dernières estimations chiffrées de l’état du système. Des chiffres compilés par l’Inspection générale de la sécurité sociale. Des chiffres qui font état d’une accélération de la dégradation du régime: dès 2026 et non 2027 comme l’estimaient les dernières projections, les cotisations ne couvriront plus les dépenses. Et ne permettront plus d’abonder le Fonds de compensation. Le déficit est estimé à 100 millions pour 2026 et à 300 millions pour 2027.

Nouvelle dégradation des prévisions

En 2039 et non plus en 2041 lors des précédentes projections, la réserve des pensions passera sous le seuil légal. Et en 2045, la réserve de 27 milliards sera épuisée. La ministre a également mis des chiffres sur les défis démographiques. En 2024, on dénombre 505.000 actifs pour 225.000 retraités, soit 2,5 actifs par retraité. «En 2040, il y aurait 620.000 actifs pour 390.000 retraités, soit un actif par retraité.» Ce qui pour la ministre implique «la nécessité d’une création d’emplois significative dans le secteur privé». Qu’elle estime a 17.500 emplois par an. Objectif qu’elle juge irréaliste vu «la situation actuelle du marché du travail».

Martine Deprez attend des partis représentés au Parlement sinon un consensus, des idées pour que «toutes les générations puissent bénéficier d’une assurance vieillesse qui offre une protection adéquate. Notre principale préoccupation est d’assumer nos responsabilités pour ceux qui viendront après nous, sans devoir prendre des mesures drastiques ou excessives». Elle attend ces propositions sur quatre grands domaines: «l’ajustement» des contributions – tout en rappelant que le gouvernement a décidé de maintenir le taux de cotisation à 24% jusqu’en 2033 –, l’âge de départ en pension, l’évolution des régimes sociaux – «un thème qui s’est imposé ces dernières semaines» –, les périodes de contribution – comprendre la prise en compte ou non des périodes d’étude et de parentalité – et les rôles des deuxième et troisième piliers.

Le CSV veut relever l’âge de départ effectif en retraite

Du côté du CSV, on veut préserver la promesse des pensions, «un contrat de générations passé entre les retraités et la prochaine génération. Une promesse qu’une vie de travail garantisse une vieillesse sans soucis financiers. Les pensions sont une promesse de justice, une promesse de solidarité, une promesse de cohésion dans notre société. Le système ne doit pas être fragilisé au point que le contrat de générations ne soit plus viable. Les conséquences seraient dramatiques», a insisté .

Pour le parti chrétien-social, il faut agir maintenant. Les principaux axes d’une réforme selon lui? Fortifier le premier pilier comme fondement du système tout en renforçant les deuxième et troisième piliers, relever l’âge effectif de la retraite et donner plus de responsabilités au Fonds de compensation au régime général des pensions. Sur les questions qui fâchent, les régimes spéciaux et les périodes de cotisation, il plaide pour un statu quo. Enfin, il plaide pour un renforcement des deuxième et troisième piliers.

Du côté du DP, «nous aurons une attitude constructive», a indiqué à la tribune l. «Nous ferons tout pour rendre le système de pensions viable pour les 20 prochaines années.» Pour le député libéral, il faut éviter de toucher aux cotisations, préserver la prise en compte des années d’études et des baby years. Pour lui, il faut faire porter l’effort sur le renforcement des deuxième et troisième piliers. Des piliers qui pourraient être gérés et garantis par l’État.

Socialistes et Verts méfiants face aux intentions cachées du gouvernement

(LSAP) s’est dite préoccupée «quant à la solidarité intergénérationnelle, à la dignité des futurs retraités et à la pérennité du système actuel». Elle critique l’approche du gouvernement perçue comme potentiellement néfaste et manquant de transparence. À la tribune, elle a souligné «son sentiment de précipitation et de manque de clarté quant aux intentions réelles du gouvernement».

Elle a plaidé pour que toute réforme soit discutée et élaborée en collaboration avec les partenaires sociaux, syndicats et patronat. «Il faut un dialogue social tripartite.» Elle a souligné son opposition à toute privatisation du système et a insisté sur le renforcement du premier pilier. Pour ce qui est du financement, elle souhaite explorer des pistes comme une contribution sur le capital, la richesse, voire une taxe sur les robots sont évoquées.

Les lignes rouges du LSAP? Le recul de l’âge légal de la retraite et la diminution des prestations. Ces points sont considérés comme des lignes rouges à ne pas franchir.

Pour déi Gréng, a critiqué le manque de transparence du système et de vision à long terme du gouvernement et exprimé ses doutes quant à la fiabilité des projections à 20-50 ans. Elle a milité pour le maintien d’un système qui assure la solidarité entre les actifs et les retraités. Face à une réforme d’inspiration néo-libérale, elle appelle à une réforme qui ne pénalise ni les jeunes ni les personnes à faibles revenus et propose une pension minimale de 2.400 euros par mois.

Concernant les sources de financement, elle suggère d’envisager des financements autres que les cotisations salariales en citant comme exemples la taxation du capital ou des transactions financières. À court terme, elle suggère la suppression du plafond des cotisations, la simplification des démarches pour les retraités, et des mesures pour encourager la prolongation de la carrière de manière flexible et sans pénalisation liée à la pénibilité.

Hausse des cotisations pour l’ADR, les Pirates et déi Lénk

Pour (ADR), une réforme est «urgente» et doit s’appliquer au secteur privé comme au secteur public. Les principales pistes à court terme évoquées par l’ADR sont l’ajustement progressif des cotisations à 9% à raison d’une hausse de 0,1% par an, un relèvement graduel de l’âge légal de la retraite d’un an, la possibilité pour les indépendants de cotiser, et des incitations à la formation continue. Le parti réfléchit également à taxer la part luxembourgeoise des retraites des frontaliers au Luxembourg.

À moyen terme, le parti veut permettre au Fonds de compensation d’avoir une gestion d’investissement plus active. Il souhaite également la création de fonds de pension national sur le modèle norvégien alimenté par des contributions issues des deuxième et troisième piliers. L’ADR insiste dans le même temps sur le renforcement des deuxième et troisième piliers. Autant de dispositifs dont la vocation serait de compléter le système actuel «par un système parallèle et durable sur plusieurs générations».

(déi Lénk) a critiqué un débat philosophique sans réelles pistes concrètes. Il propose le déplafonnement des cotisations qui rapporterait 700 millions d’euros par an sans donner droit à des prestations supplémentaires. Il propose également de retirer des dépenses de la Caisse nationale de pension (CNAP) toutes les dépenses qui ne sont pas reliées aux prestations de pensions. Soit un gain supplémentaire de 300 millions. De quoi permettre de gagner du temps avant de devoir augmenter les cotisations. D’ici 2060 estime Marc Baum. Alors, une augmentation de 1% des cotisations suffirait à assurer l’équilibre du système.

Pour (Piraten), pas question de s’attaquer à la durée de cotisation et à l’âge légal de départ. Mais il se dit favorable à un système de retraite dégressif dans lequel le futur retraité réduirait son temps de travail au fil du temps, «d’un jour par an à partir de 60 ans par exemple». Sur le volet recettes, il estime que c’est à l’État de prendre en charge le comblement du déficit qui s’annonce. État qui pourrait récupérer des fonds via une réforme de la taxe routière, une taxe sur les robots ou une hausse des accises pour les produits nocifs à la santé, le tabac, l’alcool et le sucre.