La vie reprend doucement à Pékin, mais les mesures de sécurité restent de mise par crainte d’une seconde vague. (Shutterstock)

La vie reprend doucement à Pékin, mais les mesures de sécurité restent de mise par crainte d’une seconde vague. (Shutterstock)

Responsable du bureau de représentation du cabinet luxembourgeois Arendt à Hong Kong, Stéphane Karolczuk a vécu de près la crise liée au Covid-19 sur le continent asiatique. Pour Paperjam, il fait le point sur la situation en Chine depuis sa résidence à Hong Kong, où il est également confiné.

Vous êtes basé à Hong Kong. Où en est le territoire par rapport à la gestion de la pandémie?

. – «Nous sommes en travail à domicile depuis un peu plus de deux semaines, un peu comme en Europe. Des limitations quant au nombre de personnes se réunissant dans des endroits publics et restaurants, maximum quatre ou quatre par table, ont été mises en place ainsi que des prises de température systématiques.

Ces mesures ont essentiellement pour but de stopper rapidement la deuxième vague de contamination, liée en grande partie au retour des expatriés. Nous comptons pour l’instant 890 cas, alors que dans la première vague et pendant longtemps nous n’en avions pas recensé plus d’une centaine.

C’est très peu par rapport à la proximité de la Chine?

«Oui, mais dès le mois de janvier, les gens ont entendu parler d’un début d’épidémie dans la zone de Wuhan et ils ont réagi très vite. Sans qu’il y ait eu à ce moment d’ordre explicite des autorités – il n’y a pas eu de ‘lockdown’ imposé –, les entreprises et les administrations ont pris des mesures strictes: des mises en quarantaine de voyageurs revenant de Chine, nombreux après le Nouvel An chinois, des shifts parmi le personnel des entreprises pour éviter une contamination importante, et progressivement le travail à domicile qui s’est généralisé…

Il faut aussi se rendre compte que l’épidémie liée au SRAS de 2003 est restée fortement ancrée dans la mémoire collective. La population fait preuve d’une grande rigueur par rapport à l’hygiène. Très vite, les gens ont retrouvé l’usage du port du masque, le réflexe de se laver les mains souvent et d’utiliser du gel hydroalcoolique. On en a directement vu les effets positifs.

Vous êtes en contact fréquent avec la Chine. Quelle est la situation dans le pays actuellement?

«On y assiste à une reprise claire des activités depuis plusieurs semaines. Le ‘lockdown’ a été levé dans des grandes villes comme Pékin ou Shanghai et l’activité y a redémarré progressivement. Pour les employés de bureau, notamment dans le secteur de la finance ou des services, la plupart des sociétés continuent à travailler à domicile pour assurer la sécurité du personnel, mais la circulation automobile est presque revenue à la normale d’avant la crise, ce qui est un indicateur de reprise. Évidemment, les gens n’ont pas encore vraiment repris les métros, bus et autres transports en commun, il y a donc plus de voitures. Mais clairement le personnel retourne travailler dans les unités de production.

On voit que les gens ressortent et se remettent à consommer.
Stéphane Karolczuk

Stéphane Karolczukresponsable du bureau de Hong KongArendt

C’est donc en bonne voie…

«Oui, à ceci près que la production doit être adaptée par rapport à la paralysie de l’Europe et des États-Unis. Les commandes sont donc nettement moins importantes qu’avant la crise et une partie de la production s’est recentrée sur le matériel médical (masques, respirateurs, etc.). Mais la Chine ne compte plus exclusivement sur les exportations. Elle a développé un modèle de croissance également basé sur la consommation domestique. Or, on voit effectivement que les gens ressortent et se remettent à consommer, ils sont donc en voie de reprise.

Pensez-vous que la crise sanitaire a été gérée plus efficacement que dans nos pays?

«C’est très difficile à dire. Ce que je constate, c’est que dans la plupart des pays d’Asie, probablement en raison de la forte densité de population et de facteurs culturels, l’idée qu’il faut respecter un certain nombre de règles de vie en commun est sans doute plus présente dans les esprits. Les populations sont donc plus enclines à accepter certaines mesures, surtout en cas d’épidémie. Le souvenir de l’épidémie de SRAS de 2003 est omniprésent, même pour ceux qui comme moi ne l’ont pas vécue sur place. Au Japon, par exemple, où la crainte d’une deuxième vague de Covid-19 se fait de plus en plus présente, un certain nombre de grandes entreprises ont directement renvoyé le personnel en télétravail pour mieux assurer sa protection. Ça ne leur a pas été imposé.

Votre métier consiste à mettre des investisseurs et entreprises asiatiques ou européens en relation avec les deux continents. Les affaires continuent?

«On pourrait faire le comparatif avec le Brexit, même si ce que nous vivons est un ‘game changer’ nettement plus profond. Les entreprises et investisseurs asiatiques qui n’ont pas encore franchi le pas de s’implanter ou d’investir en Europe pourraient souhaiter attendre un peu, surtout s’ils visent une clientèle européenne pour leurs produits ou des actifs européens. Ceux qui avaient par contre déjà développé des activités se préparent activement à la reprise, en mettant en place de nouvelles structures, de nouvelles stratégies et de nouveaux projets. Ils estiment que c’est le bon moment pour se mettre à niveau et être prêt directement au moment où la machine se remettra en route et prendre la vague de la reprise dès le début.»