Adrien Vescovi a réalisé une installation monumentale pour le Casino Luxembourg. (Photo: Éric Chenal)

Adrien Vescovi a réalisé une installation monumentale pour le Casino Luxembourg. (Photo: Éric Chenal)

Alors qu’une immense installation habille la façade du Casino Luxembourg, Adrien Vescovi invite les visiteurs à découvrir son travail pictural tout en subtilité.

«Jours de lenteur». Le ton est donné avec le titre de l’exposition. Ici, le calme et la contemplation sont de mise, à l’inverse de notre monde contemporain dans lequel tout doit aller vite. Pas de matériaux high-tech et de procédés complexes non plus. Adrien Vescovi préfère travailler avec de vieux draps ou nappes récupérés, des teintures végétales et un montage à l’aide de coutures.

Cela fait plus de dix ans que cet artiste français, résidant actuellement à Marseille, aborde la peinture d’une autre manière. Ses «peintures de paysages» sont des tissus dont la couleur est obtenue par un processus naturel, conçues dans une économie de moyens, mais toujours le fruit d’un travail poussé de composition associé à une recherche profonde sur la teinte.

Son installation, sur la façade du centre d’art côté rue Notre-Dame à Luxembourg, est à la fois souple et monumentale, introduisant un dialogue avec le lieu dans lequel elle s’inscrit. Adrien Vescovi pose des questions en lien avec notre écologie, le monde qui nous entoure, notre rapport aux éléments naturels et au temps.

Détail de l’installation sur la façade du Casino, côté rue Notre-Dame. (Photo: Eric Chenal)

Détail de l’installation sur la façade du Casino, côté rue Notre-Dame. (Photo: Eric Chenal)

Depuis son atelier marseillais, il collecte les ocres qu’il utilise par la suite dans des décoctions qui viennent teinter ses tissus. Ces «jus de paysages», comme il les appelle, sont réalisés à partir de déchets végétaux. Dans son atelier-laboratoire, ou sa «cuisine de couleurs», il travaille à l’aide de bocaux, de balances, de cuillères en bois, de lessiveuses et autres outils traditionnels. Il met en place un processus de création qui fait entrer le grand paysage dans l’atelier.

J’aime aussi l’idée que le tableau puisse se plier comme un feuillet et qu’il raconte une histoire.
Adrien Vescovi

Adrien Vescoviartiste

Délaissant actuellement les peintures atmosphériques réalisées au cours de son séjour dans les montagnes de Haute-Savoie, et pour lesquelles il laissait le soleil, le vent et la pluie décider pour lui du résultat sur les grands pans de tissus superposés et entreposés à l’extérieur, l’artiste opère ces derniers temps une évolution dans son travail. «Depuis 2020, je suis plus dans le dessin, la couture, la superposition. Des formes, dont le demi-cercle, se répètent, glissent les unes sur les autres, forment des compositions. J’aime aussi l’idée que le tableau puisse se plier comme un feuillet et qu’il raconte une histoire.» Car Adrien Vescovi utilise en effet du linge ancien, qui porte en lui une histoire: des draps en lin, coton ou chanvre, monogrammés ou aux bordures ajourées. «Ce sont des tissus qui portent en eux une mémoire et une certaine matérialité.»

Avec cette grande installation sur la façade du Casino Luxembourg, il sort le tableau du musée pour le dévoiler directement dans la rue. Les cordes, autre matériau naturel, sont là pour maîtriser les mouvements des tissus dus au vent. «Un élément que je n’avais pas spécialement voulu, mais que j’ai anticipé», précise-t-il.

À l’étage, il est possible d’observer le verso de cette installation à travers les fenêtres. Des vues cadrées qui plongent le visiteur directement dans la matière. On dit des tableaux qu’ils sont des fenêtres ouvertes sur le monde. Adrien Vescovi, lui, prend le contre-pied de ceci: son œuvre se trouve ainsi recadrée par la fenêtre. Des bancs en bois, aussi teintés, matériau d’ailleurs traditionnellement utilisé pour les châssis, permettent de s’installer pour un moment de contemplation.

Prendre le temps de poser son regard

Dans la grande salle, l’approche est différente: tout le sol est recouvert dans sa partie centrale par un enchevêtrement de tissus vierges. Une œuvre in process, éphémère et fragile, dont les pans ne sont pas encore cousus, mais simplement retenus par des bocaux en verre qui contiennent les jus de décoction. «C’est en fait comme cela que je travaille dans mon atelier», précise l’artiste. Ce grand parterre blanc est pour lui le «souvenir de la réverbération du soleil sur la neige». Depuis le plafond, de longs pans de tissus teintés suspendus viennent se répandre sur le sol. «Ce sont des marque-pages, des éléments verticaux qui ponctuent cette œuvre horizontale tout en imposant un temps d’arrêt.» Il s’agit en fait des bords perdus de la toile exposée en façade. Une œuvre en miroir, où les éléments extérieurs se retrouvent à l’intérieur.

Dans la dernière salle, la toile est de nouveau tendue sur châssis. L’idée du paysage reste palpable, la profondeur picturale prend une autre ampleur. Une variation qui se prête, elle aussi, à la contemplation.

 

«Jours de lenteur», jusqu’au 29 janvier au .