160.000 comptes de pédophiles potentiels ont été fermés par Facebook sans autre forme de procès. (Photo: Shutterstock)

160.000 comptes de pédophiles potentiels ont été fermés par Facebook sans autre forme de procès. (Photo: Shutterstock)

Les rapports se ramassent à la pelle, en cet automne, avec les réseaux sociaux obligés de publier leurs résultats en matière de modération des contenus dans le cadre du DSA européen. Un sujet compliqué, certes, mais sur lequel les pédophiles s’en sortent trop bien.

Les statistiques donnent le tournis. En six mois, d’avril à septembre, Facebook comptait en moyenne 260,6 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans l’Union européenne. Le réseau social de Mark Zuckerberg a supprimé – dans la grande majorité des cas de manière totalement automatique – 49,36 millions de contenus, restreint la diffusion de 28,7 millions de contenus et désactivé 87,8 millions de comptes. Un utilisateur sur trois, en Europe, a «perdu» son compte! Moins de 8% de ces décisions automatisées ont été annulées après la plainte de l’utilisateur.

Des chiffres astronomiques révélateurs de sociétés malades. Profondément malades. Où il ne s’agit plus seulement de rester en contact avec sa famille et ses amis. Un Far West sans foi ni loi, où les États membres ne jouent quasiment aucun rôle. Facebook n’a ainsi reçu que 679 demandes d’action contre des contenus illégaux de la part des autorités des États membres, la plupart du temps pour discours haineux (125 demandes), l’accès aux comptes (30 demandes) et les organisations criminelles (35 demandes), et six fois plus de «demandes d’informations», principalement à propos de harcèlement (211 demandes), de la sécurité des enfants (386 demandes) et de la fraude financière (634 demandes).

Seulement, toutes les raisons d’agir du réseau n’ont pas la même importance: il y a une différence entre dire que Georges Dumoulin (un nom fictif) est un gros nuisible, même élu par ses concitoyens, et proposer un enfant à des inconnus contre rémunération ou photo.

Question: que fait Facebook contre ce dernier type de contenu? Il renvoie vers le même rapport, publié par Meta, la maison mère. Et que dit celui de Meta? Entre le 1er avril et le 30 septembre 2024, Meta a supprimé 312.717 contenus (européens) sur Facebook liés à l’exploitation sexuelle des enfants. Sur ce total, 287.710 suppressions ont été effectuées automatiquement et les autres par les 4.886 modérateurs européens. Et 159.011 comptes ont été fermés.

Comment ça, 159.011 comptes ont été fermés? Ces comptes devraient être transmis à une autorité judiciaire. Et sachant que les organisations de défense des droits de l’enfant dénoncent cette hypocrisie qui consiste à s’offusquer des contenus pédophiles sur les réseaux sociaux mais à tolérer que des opérateurs européens de gestion des données hébergent ces contenus sur leurs serveurs, les Européens devraient aussi avoir une action proactive pour que ces contenus deviennent inaccessibles aux autres pédophiles et clients de ces horreurs, ou même aux enfants eux-mêmes, qu’un simple dispositif consistant à valider une case «J’ai plus de 13 ans» ne risque pas de décourager.

Au Luxembourg, les peines ont été renforcées et peuvent aller, notamment, jusqu’à 30 ans de prison. Et il n’est pas du tout question qu’un réseau social se substitue à la justice. Quand un enfant sur deux a un smartphone avant d’avoir 12 ans, que 87% des enfants de moins de 16 ans vont sur les réseaux sociaux (dont 44% entre quatre et six heures par jour), selon Bee Secure, cette question n’a rien d’anodin. Les enfants, eux-mêmes interrogés par Bee Secure, demandent qu’un logiciel pour arrêter les pédophiles soit mis en œuvre.

Ça tombe bien, ça existe. Si PhotoDNA est justement utilisé par Facebook (et Google) pour détecter les images, Thorn Spotlight reste la référence, d’ailleurs utilisé par Europol, depuis dix ans. 40% des mineurs avaient déjà été contactés par un étranger aux propositions douteuses, selon une étude menée en 2021. Un enfant sur trois de 9 à 12 ans avait déjà reçu une demande d’image de lui nu. Les cas de sextorsion signalés à la CyberTipline sont passés de 44.155 en 2021 à 186.819 en 2023… .

Il serait temps que cette question s’invite davantage dans les débats, même quand X rend son rapport illisible pour ne pas avoir à remplir ses obligations avec la même qualité que Meta, pour Facebook ou Instagram.