Vous êtes le directeur du Lycée des arts et métiers (LAM) depuis septembre 2018, mais vous étiez auparavant professeur au sein de l’établissement?
Fabrice Roth. – «Oui, je travaille au LAM depuis 17 ans. J’ai effectué mon stage ici et j’ai ensuite été nommé enseignant en informatique, et après avoir donné des cours pendant 12 ans, je suis entré au sein de la direction.
Vous êtes aussi à l’origine du BTS informatique en 2009?
«Oui, nous avions déjà des BTS en animation, en réalisation graphique, et nous avons dû attendre une réglementation pour ouvrir le BTS informatique, sur lequel j’étais coordinateur. C’est à partir de cela que nous avons lancé les ouvertures de BTS.
Pourquoi vouloir développer les BTS au sein du LAM?
«Nous avions beaucoup d’élèves qui sortaient de l’école et qui ne savaient pas forcément quoi faire. Et comme le marché du travail requiert de plus en plus de compétences, nous nous sommes dit qu’il fallait mettre quelque chose entre le lycée et l’université. C’était aussi pour se démarquer de l’université, qui est plus théorique, alors que nos formations sont orientées vers le marché du travail, avec 70% de pratique et 30% de théorie.
Les BTS ne sont pas dans les mœurs au Luxembourg?
«Ils l’étaient beaucoup moins auparavant, il a fallu faire un grand travail d’explication, de pédagogie. Avec une équipe motivée au sein du lycée, nous en avons fait la promotion à tous les événements de formation. Le BTS était très connu dans le domaine du commerce, mais pas dans les autres domaines. Et ça, ça a vraiment changé. En tant que LAM, nous avions déjà un ancrage très profond dans l’économie, et nous continuons dans ce sens.
Combien de BTS proposez-vous aujourd’hui?
«Nous en proposons neuf. Les derniers ouverts datent de 2018, où nous avons obtenu l’accréditation des BTS Game Programming and Game Design, Game Art and Game Design, ainsi qu’Internet of Things (IoT, ndlr). Aujourd’hui, nous sommes le lycée qui offre le plus grand nombre de BTS du pays.
Quelle est votre vision pour le LAM?
«Les écoles sont souvent des bulles fermées, et déjà lorsque le lycée a reçu en 2017 le label Future Hub, une des priorités de l’ancienne directrice était d’éclater cette bulle et de travailler de manière très étroite avec le monde professionnel et le ministère de l’Économie. Pour moi, nous préparons nos élèves à un avenir, que ce soit vers l’université ou vers le marché du travail. Nous faisons souvent intervenir des privés ou des entreprises dans notre établissement pour que l’on se connaisse l’un l’autre. La communication et l’interdisciplinarité sont primordiales aussi.
Quels enseignements proposez-vous?
«Nous proposons l’enseignement secondaire classique en informatique et communication – que nous avons ouvert il y a trois ans –, et l’enseignement secondaire général, anciennement appelé technique. Au sein de ce dernier, nous avons soit le DAP (diplôme d’aptitude professionnelle), qui est une formation professionnalisante, le diplôme de technicien (DT) et le diplôme de fin d’études secondaires générales. Les orientations dépendent des résultats scolaires des élèves et de ce qu’ils veulent faire. S’ils veulent apprendre un métier et travailler rapidement, ils font un DAP, sinon ils ont différentes options s’ils souhaitent poursuivre leurs études après le LAM.
Comment expliquez-vous que le LAM n’avait pas de filière classique auparavant?
«Le lycée avait encore un ancrage très technique, nous sommes uniques au Luxembourg avec de nombreuses formations en arts et métiers. Nous avions les classes à partir de la troisième au sein de cette section Informatique et Communication depuis 2015, mais auparavant les élèves venaient d’un autre lycée pour intégrer la troisième.
Une école de tradition résolument tournée vers l’avenir.
Quels sont les débouchés dans le domaine des arts et métiers?
«Nous amenons vers les métiers de la mécanique générale, de la maintenance, du montage de pièces, de l’électrotechnique – section qui s’appelle Smart Technologies –, de relieur, de décorateur et vers les métiers de l’informatique.
Vous proposez des formations très innovantes qui concernent notamment le gaming, l’IoT ou le cinéma, alors que le LAM a fêté en 2021 ses 125 ans…
«Oui, notre slogan est: ‘Une école de tradition résolument tournée vers l’avenir.’ Nous voulons rester à la pointe des métiers d’avenir, et nous avons même, dans certains secteurs, été précurseurs dans le pays, comme l’informatique en 1993. Nous nous sommes toujours adaptés et restons constamment à l’affût des demandes des entreprises. Nous avons la chance d’avoir des enseignants très motivés qui sont impliqués dans le développement de nouveaux domaines et formations. Et nous voulons également garder nos traditions et nos valeurs, tout en ayant une vision à long terme. Il n’y a que le provisoire qui dure.
Vos élèves rencontrent-ils des difficultés pour trouver des entreprises pour leurs stages?
«Cela devient de plus en plus compliqué, nous avons un vivier de 500 entreprises avec lesquelles nous sommes en contact. Pour nous, c’est important aussi que ce soit nos élèves qui fassent ce travail de recherche. Nous avons toujours réussi à placer nos élèves, mais la pandémie et le télétravail ne facilitent pas les choses, car les tuteurs de stage ne sont pas forcément sur site. Nous nous concertons aussi avec les autres lycées du pays pour ne pas avoir les dates de stage au même moment. Mais, pour moi, c’est essentiel que nos élèves aillent dans les entreprises, et un stage réussi est un stage où à l’issue ils se disent que c’est ce qu’ils veulent faire ou que ce n’est pas ce qu’ils veulent faire.
Combien d’élèves sont inscrits au LAM par filière?
«Au niveau de l’enseignement général, nous avons environ 150 élèves qui sortent chaque année, plus ou moins autant au niveau des diplômes de technicien, et pour DAP, environ 75. En enseignement classique, ils sont une vingtaine à être diplômés chaque année. Globalement, 1.732 élèves et étudiants sont actuellement inscrits au lycée, 1.270 élèves sont principalement sur le site Limpertsberg, 299 élèves sont sur le site Dommeldange et 163 étudiants BTS poursuivent leurs études au LAM, dont 92 sur le site Congrégation. Et le lycée compte 269 enseignants en tout.
Les élèves du DAP trouvent-ils tous un emploi?
«Nous n’avons pas de chiffres exacts en pourcentage, mais la plupart trouvent un emploi. Souvent, l’entreprise chez qui ils ont effectué leur apprentissage les embauche à la fin de leurs études. Et le pays a vraiment besoin d’ouvriers. Nous sommes également en train de lancer un alumni pour avoir un lien continu avec les anciens, pour à la fois les stages et les débouchés sur le marché du travail. Pour le nouveau livre des 125 ans du LMA – qui devrait sortir au plus tard à Noël –, nous avons justement contacté 125 anciens élèves.
Et vous arrivez à attirer les jeunes également au sein de vos formations?
«Je dirais que le problème est plutôt effectivement sur le nombre d’élèves qui entrent au LAM que ceux qui en sortent. On travaille énormément sur l’image de marque de nos métiers, parce que les jeunes et leurs parents ont toujours peur d’un métier où l’on se salit les mains, et ce n’est plus du tout ça. Les métiers sont de plus en plus techniques et, le soir, on a la satisfaction d’avoir fait et fabriqué quelque chose. Depuis trois ans, en début d’année, nos nouveaux élèves font le tour, durant une semaine, de l’ensemble des métiers auxquels nous formons, car, pour moi, c’est important qu’ils apprennent à créer quelque chose. Même si je trouve, tout de même, que choisir un métier pour sa vie à 15 ou 16 ans, c’est compliqué.
Ces métiers techniques ont-ils souvent une mauvaise image?
«Oui, nous faisons un effort permanent pour faire la promotion de nos métiers, et on travaille étroitement avec le service de formations professionnelles du ministère de l’Éducation nationale, avec les chambres des métiers. Souvent, on pense que ce sont les élèves qui n’ont pas le niveau qui vont en filière technique, mais, pour moi, c’est l’inverse, c’est une question de profil, de ce que l’élève veut faire.
Comment avez-vous vécu la pandémie et notamment le lockdown lors duquel les écoles étaient fermées?
«Nous avions la chance d’avoir déjà tous les outils pour permettre le travail à la maison. Mais l’utilisation de ces outils n’était pas harmonisée, le Covid a donc été une chance pour changer certaines manières de faire. Au début, c’était compliqué pour les élèves de savoir comment ils devaient travailler, mais, au final, leur développement a été phénoménal. Leur niveau d’autonomie a vraiment augmenté.
Le logo du lycée a également changé?
«Oui, nous l’avons changé dans le cadre des 125 ans du LAM, pour qu’il soit plus dans l’air du temps et mette en avant l’art. C’est un ancien qui l’a créé: Kamil Iwaszczyszyn, qui est à la tête de son entreprise, Studio Kaiwa.»