Paul Philipp (président de la FLF): «Avec les sponsors, on ne raisonne pas sur le court terme. La prime est donnée à la fidélité.» (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Paul Philipp (président de la FLF): «Avec les sponsors, on ne raisonne pas sur le court terme. La prime est donnée à la fidélité.» (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

La présence de l’équipe nationale au prochain Championnat d’Europe de football, cet été en Allemagne, boosterait la croissance du Luxembourg, comme l’explique le président de la première fédération sportive du pays, Paul Philipp.

Où serez-vous le 14 juin?

Paul Philipp. – «Pour le match d’ouverture du Championnat d’Europe? Je serai en Allemagne. L’UEFA (l’instance européenne du football, ndlr) organise une réunion de travail, après quoi les présidents de fédération sont invités au stade. J’espère ensuite rester longtemps sur place. On peut rêver!

Si vous restez, cela signifiera que le Luxembourg aura obtenu sa qualification. Or, le pays ne s’est jamais hissé en phase finale d’une Coupe du monde ni d’un Championnat d’Europe. Pourquoi cela changerait-il cette année?

«Nous disposons de joueurs évoluant dans des championnats professionnels à l’étranger. Tous ne sont pas titulaires, mais la plupart oui. Forcément, la qualité a énormément augmenté. Rien à voir avec l’époque où l’on avait deux ou trois éléments en Belgique, en France ou en Allemagne. Les progrès sont physiques, tactiques, visibles à tout point de vue. Ces joueurs sont allés chercher la difficulté, ils ont un mode de vie professionnel. Le haut de la pyramide s’est beaucoup élargi. Cela s’est fait graduellement, grâce à notre travail de formation, grâce à l’intégration. Aujourd’hui, le Luxembourg existe sur la carte du football. On restera toujours un petit. Mais le regard que l’on porte sur nous a changé.

L’UEFA a prévu de verser 9,25 millions à chacune des 24 nations présentes à l’Euro. Est-ce que cette manne changerait quelque chose?

«9,25 millions, c’est du brut. Pas du net. Car il y aura tous les frais liés au stage de préparation avant l’Euro ou à l’hébergement sur place, entre autres. Un tiers de la somme, je présume. Mais dans la mesure où notre budget annuel est d’environ neuf millions d’euros, ce serait un beau coup de pouce. La majorité de cet argent, comme toujours, on le transférera vers les clubs. Avec des objectifs à atteindre au niveau de la formation des jeunes. Et on continuera à investir dans l’école de football de Mondercange, l’encadrement, les infrastructures. Le foot féminin est en train de grandir, il nous faut construire. On dispose de trois terrains d’entraînement, plus une aire de jeu couverte. Deux terrains supplémentaires sont en projet. Ce sera fini d’ici deux ans.

9,25 millions, ce serait un beau coup de pouce.
Paul Philipp

Paul Philippprésident de la FLF

Au quotidien, qu’est-ce qui fait vivre la fédération sportive n°1 au Grand-Duché et ses 43.000 licenciés?

«Le sponsoring pèse pour 16% du budget. On parle de 15 sponsors principaux, auxquels s’ajoutent des partenaires avec qui il s’agit surtout d’échange de services. La même part du budget, à peu près, est octroyée par les droits télé. Les 55 nations qui composent l’UEFA ont un contrat global en ce sens. Mais le gros morceau, ce sont les programmes [d’aide aux fédérations] de la Fifa (l’organe qui régit le football mondial, ndlr) et de l’UEFA. À peu près la moitié de notre budget. La part restante provient des licences et des subventions du ministère et du comité olympique.

Vous évoquiez les droits télé. Des sommes folles circulent chez les voisins pour la retransmission des matches, tandis que la fédération luxembourgeoise, elle, finance depuis plusieurs années un magazine hebdomadaire sur RTL…

«On a besoin de cette vitrine pour notre football. Donc oui, il faut investir.

Il coûte cher, ce programme?

«C’est du 50-50 avec notre partenaire, la CMCM. 70.000 euros chacun par saison. Le prix de notre visibilité.

Revenons à la sélection nationale. Elle a terminé l’année 2023 à la 83e place du classement Fifa, un rang qu’elle n’avait jamais atteint jusque-là. Un produit qui performe, c’est un produit qui se vend mieux?

«Avec les sponsors, on ne raisonne pas sur le court terme. La prime est donnée à la fidélité. C’est donc surtout intéressant pour le merchandising. Sur les 9.000 spectateurs qui assistent à un match, ils sont 3.000 ou 4.000 à porter un maillot du Luxembourg aujourd’hui. Je me frotte les yeux. Cela constitue une rentrée d’argent, bien entendu, mais ce n’est pas énorme. Et pas le principal. Le principal, c’est l’aspect symbolique.

Les joueurs de l’équipe sont déjà venus frapper à votre porte pour négocier leurs primes en cas de qualification à l’Euro?

«Même s’ils étaient déjà venus, je ne vous donnerais pas le chiffre. Mais ils vont bientôt venir, c’est normal. On doit régler ces paramètres pour avoir l’esprit clair. Les primes sont logiques. N’oublions pas que les joueurs appelés prennent un risque vis-à-vis de leurs clubs. Vous savez, un joueur de la sélection ne s’enrichit pas grâce à elle. Une sélection, cela ne se négocie pas.

Le sélectionneur Luc Holtz est en poste depuis 2010. Une prolongation de contrat a été signée en décembre dernier. Qui a convaincu l’autre?

«On aurait dû se parler plus tôt, mais il y a eu ce fameux «caramel» au Portugal (une défaite 0-9, l’une des pires de l’histoire de la sélection, en septembre 2023, ndlr), ce n’était pas le meilleur moment. Son intention était de rester.

Je suppose que, même si j’insiste, vous n’allez pas me dévoiler l’effort salarial que vous avez consenti compte tenu des bons résultats qu’il est en train d’obtenir…

«Hormis les personnes dont c’est le rôle de contrôler les finances, même en interne, la somme n’est pas divulguée. Il y a déjà eu dans le passé des positions plus inconfortables que celle de Luc Holtz pour discuter d’un contrat, mais il n’en a pas profité. Il connaît la maison. Il sait aussi qu’avec moi, ça ne va pas passer du simple au double.

En France, le salaire du sélectionneur Didier Deschamps est de l’ordre de 3,8 millions d’euros par an…

«Eh bien, Didier Deschamps, je ne crois pas qu’il viendrait passer ne serait-ce qu’une semaine au Luxembourg!

Une quinzaine d’années en tant que joueur de l’équipe nationale, 15 autres au poste de sélectionneur, avant la célébration, en février, du 20e anniversaire de votre présidence de la FLF. À 73 ans, quelle image espérez-vous renvoyer?

«Celle de quelqu’un n’ayant jamais rien fait pour son propre compte. Je n’ai jamais eu de plan de carrière, vers la politique par exemple. Je n’ai rien à négocier puisque c’est bénévole. Je ne cherche pas non plus à m’accrocher à un poste. Seulement à construire.

À deux victoires d’écrire l’histoire

Troisième de son groupe de qualification à l’Euro derrière le Portugal et la Slovaquie, avec tout de même cinq succès au compteur et la bagatelle de 17 points en 10 matches, le Luxembourg n’est pas parvenu pour autant à arracher un billet direct pour le tournoi, prévu du 14 juin au 14 juillet en Allemagne. Frustrant, car le même total de points s’est avéré suffisant dans six des dix poules de qualification. Pour toucher au rêve d’une première participation à une phase finale, les Roud Léiwen devront donc passer par les barrages. La règle est simple: il faudra gagner deux fois. La première en Géorgie, ce jeudi 21 mars. La seconde, cinq jours plus tard, contre le vainqueur de l’autre match de barrage, entre la Grèce et le Kazakhstan. Là, les hommes de Luc Holtz auront l’avantage d’évoluer devant leur public, au Stade de Luxembourg. Ce serait une véritable finale. Déjà sold-out.

Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de Paperjam paru le 28 février 2024. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.  

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