Pour le CEO de Luxaviation, Patrick Hansen, le problème du RBE ne vient «que» de la consultation anonyme et illimitée d’acteurs sans intérêt légitime. Pas de sa consultation par les autorités ou les journalistes. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne/Archives)

Pour le CEO de Luxaviation, Patrick Hansen, le problème du RBE ne vient «que» de la consultation anonyme et illimitée d’acteurs sans intérêt légitime. Pas de sa consultation par les autorités ou les journalistes. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne/Archives)

Le 22 novembre, la Cour de justice de l’Union européenne a mis fin à la consultation anonyme et illimitée du registre des bénéficiaires effectifs du Luxembourg, qui devrait revenir sous une forme plus restreinte sous peu. À la tête de Luxaviation, Patrick Hansen salue cette décision.

«Si je vous mettais un panneau au-dessus de la tête qui indique que vous portez 10.000 euros sur vous, iriez-vous vous promener à la nuit tombée dans la rue de Strasbourg?» marque une pause. «Ce n’est pas contre la rue de Strasbourg, comprenons-nous bien. Mais iriez-vous vous promener dans un quartier réputé dangereux?» Il y a plus d’un an, c’est ainsi que le CEO de Luxaviation essayait de faire comprendre pourquoi certains dirigeants étaient confrontés à des risques personnels si leurs adresses personnelles étaient en accès libre.

Selon nos informations, plus de 3.000 dirigeants ont demandé à bénéficier de l’exception prévue par la loi de 2019 qui organise le RBE (registre des bénéficiaires effectifs). L’article 15 prévoit qu’une entité ou un bénéficiaire effectif puisse demander une limitation de l’accès aux autorités nationales, aux établissements de crédit et aux établissements financiers ainsi qu’aux huissiers et aux notaires agissant en leur qualité d’officier public lorsque «cet accès exposerait le bénéficiaire effectif à un risque disproportionné, au risque de fraude, d’enlèvement, de chantage, d’extorsion, de harcèlement, de violence ou intimidation ou lorsque le bénéficiaire effectif est un mineur ou est autrement frappé d’incapacité».

Ne vous inquiétez pas, que le RBE fonctionne ou pas, les autorités judiciaires et fiscales savent très bien tout de moi et de mes sociétés.
Patrick Hansen

Patrick HansenCEO Luxaviation

«Ça ne veut pas dire que vous êtes invisibles aux yeux des autorités», ajoute aujourd’hui Patrick Hansen. «Ne vous inquiétez pas, que le RBE fonctionne ou pas, les autorités judiciaires et fiscales savent très bien tout de moi et de mes sociétés. C’est cet article 15 qui était appliqué de manière plus ou moins aléatoire par le LBR, qui décidait que soit vous étiez anonyme soit pas. Le problème est là. Ce qui était exagéré, c’était le fait qu’un utilisateur, de façon anonyme, puisse consulter ces données. En soi, le RBE, je ne le trouvais pas et je ne le trouve pas inutile. Au contraire, c’est utile pour un certain nombre de personnes.»

L’«intérêt légitime» abandonné faute de consensus

Désireux de redorer sa virginité, si le Luxembourg est allé plus loin que beaucoup d’autres États membres, c’est aussi et surtout parce que l’Union européenne a été incapable de se mettre d’accord sur la notion «d’intérêt légitime», préférant au dernier moment carrément supprimer cette limite à la consultation illimitée d’un registre de ce type.


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«Si quelqu’un a accès à ces données, il faut que ce quelqu’un soit connu par le RBE et que ce soit traçable. Le fait que la Cour de justice de l’UE ait rendu ce verdict témoigne que la règlementation a été mal appliquée au Luxembourg. Et c’est pour cela que le Luxembourg a aussitôt suspendu son registre avant d’annoncer qu’il serait à nouveau disponible sous une forme différente», analyse le chef d’entreprise, qui s’est étonné de deux choses.

«Dans le débat de la Cour de justice de l’UE – et certains journalistes étaient là aussi – le plus choquant a été l’intervention du représentant du Comité européen pour la protection des données, qui a dit devant les juges que cette application luxembourgeoise de la règlementation n’est pas du tout conforme avec le règlement européen sur la protection des données. Que veut-on? Veut-on la protection de la vie privée ou pas? J’ai l’impression que tous les journalistes et les populations ne sont pas du tout contre la protection de la vie privée.»

Ensuite, «où était le Luxembourg dans la défense de ce dossier devant la justice européenne? Il n’était même pas représenté alors que des avocats d’autres pays étaient là!»

Que les journalistes, que les banques, que les autorités luxembourgeoises s’y promènent, aucun problème.
Patrick Hansen

Patrick HansenCEO Luxaviation

Puis il insiste encore une fois. «Lorsqu’on regarde cela de façon non populiste, personne ne disait qu’il fallait suspendre le RBE en soi. Il y a une allergie à la consultation anonyme partout dans le monde. Que les journalistes, que les banques, que les autorités luxembourgeoises s’y promènent, aucun problème.»

Un anonymat accordé et bafoué

À la suite du verdict, Patrick Hansen a été présenté par certains médias comme un des plaignants qui ont obtenu satisfaction. «Vouloir annoncer qui est à la base de la procédure devant la justice luxembourgeoise, puis devant la Cour de justice de l’Union européenne, est totalement irresponsable puisque cette personne a justement obtenu la garantie de l’anonymat dans la procédure pour des raisons de sécurité basiques. L’attitude de l’ICIJ (Consortium international des journalistes d’investigation) qui publie une copie de ma carte d’identité est totalement irresponsable. C’est une incitation au crime. Ils ne comprennent pas pourquoi la justice agit comme cela.»

Et sur le fond de cet article publié par l’ICIJ, qui le relie à des sociétés dans des juridictions exotiques? «Je respecte toutes les règles et toutes les règlementations. Je ne m’en cache même pas. Par exemple, en 2016, lorsqu’un ouragan a tout détruit dans les Caraïbes, je suis allé sur RTL pour récolter des fonds et aider les gens là-bas. Car oui, j’ai des sociétés dans les Caraïbes et aux Seychelles et des gens qui y travaillent et qui vivent. Quant aux BVI, quand vous montez des partenariats, par exemple, avec des sociétés de Hong Kong, il faut trouver une juridiction qui convienne à tout le monde. C’est très loin de constituer de l’évasion fiscale. Personne ne se rend compte de l’impact que ça peut avoir dans ma vie alors que la moitié des choses sont fausses ou sorties du contexte.»