«Si nous nous limitons à l’augmentation de la densité sur les nouveaux PAP, nous allons forcément nous heurter à des limites de volumes constructibles», pointe Jean-Paul Scheuren en demandant que la mesure puisse être considérée dans certaines zones d’activités existantes. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archives)

«Si nous nous limitons à l’augmentation de la densité sur les nouveaux PAP, nous allons forcément nous heurter à des limites de volumes constructibles», pointe Jean-Paul Scheuren en demandant que la mesure puisse être considérée dans certaines zones d’activités existantes. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archives)

Logement abordable, collaboration avec l’État, densification des quartiers, impôt foncier, commission des agences… Le président de la Chambre immobilière, Jean-Paul Scheuren, passe en revue les enjeux d’un marché dont la dynamique ne doit pas éluder les adaptations nécessaires.

«Le logement abordable est cloisonné, je trouve cela très triste. Or, on ne peut pas gagner un match quand on ne le joue pas.» ne mâche que rarement ses mots. Pour mieux se faire comprendre. Pour mieux sensibiliser aux défis du marché du logement.

«Tous les partis politiques semblent vouloir associer le secteur privé à la construction de logements abordables en location dont nous avons besoin, sauf les Verts», regrette le président de la Chambre immobilière. «C’est tout de même le secteur privé qui réalise 95% des logements. Je pense raisonnablement que l’on ne peut pas résoudre durablement la question du logement abordable sans nous associer à cette démarche.»

À chacun son métier, le nôtre est de faire sortir des mètres carrés de terre.
Jean-Paul Scheuren

Jean-Paul ScheurenprésidentChambre immobilière

Et de prendre pour exemple la réforme en cours de la loi de 1979 concernant l’aide au logement qui énumère une série d’acteurs pouvant tomber dans le champ de «promoteur social». Une liste qui fait l’impasse sur les promoteurs privés en tant que sociétés commerciales.

Pour le président de la Chambre immobilière, il faut revoir les rôles des parties prenantes selon leurs compétences et leurs expertises: aux pouvoirs étatiques et communaux l’organisation et l’encadrement administratifs; au secteur privé le soin de construire. «À chacun son métier, le nôtre est de faire sortir des mètres carrés de terre, avec tous les volets liés et parfois méconnus, comme le développement en tant que tel qui est souvent sous-estimé. Cette étape indispensable avant de voir les artisans arriver sur le chantier consomme pourtant beaucoup de temps et d’énergie.»

Une hausse des coûts… et des locataires

Alors que la remontée des taux se confirme, la question du coût final du logement va continuer à se poser. «Nous devons viser une politique qui permette de limiter les dépenses pour le logement à 33% des revenus d’un ménage.» Restera alors à redéfinir de nouvelles aides à destination de locataires qui seraient voués à devenir plus nombreux, certains candidats-acquéreurs étant pris en étau entre les taux et des niveaux de prix élevés, même si ceux-ci pourraient se tasser.

«Ce que je crains le plus est l’appauvrissement de la classe moyenne, qui sera exclue de l’accès à la propriété malgré des revenus confortables», ajoute Jean-Paul Scheuren. Un phénomène qui pourrait résulter en une prudence accrue des promoteurs vis-à-vis de nouveaux projets. «Les logements vont continuer à se vendre – peut-être moins facilement dans le neuf – mais nous allons nous adresser de plus en plus à une clientèle d’investisseurs qui mettra en location ses biens», ajoute Jean-Paul Scheuren.


Lire aussi


Une nouvelle donne qui trancherait, à terme, avec l’objectif politique affiché depuis plusieurs décennies: maximiser le nombre de propriétaires. «Ce n’était pas nécessairement une mauvaise approche», indique le président de la Chambre immobilière. «Nous devons désormais également nous poser la question de l’accès au logement en imaginant un modèle additionnel: entre la propriété et le logement social.»

La Chambre immobilière propose en effet une voie médiane: le logement locatif à coût modéré, à 25% en dessous du prix du marché. «Nous aurions simplement besoin de l’appui du pouvoir politique pour mettre en place ce nouveau marché via une garantie d’État», ajoute-t-il.

Et de rappeler le projet longuement discuté avec des responsables ministériels d’un «livret vert» à la luxembourgeoise: ouvrir l’épargne privée à destination du logement social avec une exemption fiscale à la clé. Un projet avorté, mais qui reflète, souligne Jean-Paul Scheuren, la volonté du secteur d’apporter sa pierre à un édifice qui revêt de plus en plus un caractère social. Avec en point de mire un parc de logements qui serait pour moitié du locatif.

Construire plus dense… et léguer un étage

Où construire ces logements supplémentaires et indispensables? Le débat de la préservation du caractère rural de certaines localités, de la qualité de vie et donc de la croissance du pays n’est jamais loin. Au besoin de stimuler l’offre, la Chambre immobilière répond par une approche pragmatique: construire en priorité autour des pôles d’activités ou de logements existants.

«La disposition reprise dans qui permet de construire de façon plus dense sur les nouveaux PAP, en contrepartie de la création de 15% de logements abordables, nous semble louable, mais pourquoi ne pas l’étendre sur l’ensemble des PAG existants? Si nous nous limitons à l’augmentation de la densité sur les nouveaux PAP, nous allons forcément nous heurter à des limites de volumes constructibles», pointe Jean-Paul Scheuren.

Il propose une autre solution sur certains PAP existants: «Nous pourrions imaginer une densification accrue sur des zones existantes et ajouter un étage destiné au logement abordable que nous pourrions céder à la commune qui s’engagerait à assurer la bonne marche sur le plan des autorisations. L’idée permettrait de faire évoluer la réflexion sur la création de logements abordables en modérant les dépenses pour l’État.»

Impôt foncier: aller au bout des réflexions

Économique, social et politique, le logement recouvre de nombreux aspects et continue d’occuper l’agenda du gouvernement qui a promis de s’attaquer à . Dans son discours sur l’état de la Nation d’octobre 2021, le Premier ministre, l (DP), promettait une loi ad hoc dans les 12 mois. L’échéance approche et le sujet a été évoqué le 10 juin dernier avec la ministre de l’Intérieur, (LSAP).

«Nous sommes pour la lutte contre les terrains et les logements vacants, mais cette approche va-t-elle s’appliquer à tous? Les chiffres montrent que l’État dispose aussi d’une grande réserve foncière…», lance Jean-Paul Scheuren qui propose, dans le cadre de cette discussion, la mise en place d’un taux de TVA incitatif pour les propriétaires qui mettront en location leur logement en dessous du prix du marché. Et d’en appeler à une vision globale de la fiscalité sur le logement: «Le faible impôt foncier actuel est peut-être l’arbre qui cache la forêt d’un secteur qui est ponctionné à chaque étape, au bénéfice des caisses de l’État.»

Autre sujet évoqué avec Taina Bofferding: Un projet de loi modifiant la loi de l’aménagement communal et le développement urbain doit fixer ce cadre et les sanctions. Mais le Conseil d’État a émis plusieurs oppositions au texte en raison d’insécurités juridiques. Les équipes du ministère de l’Intérieur doivent donc revoir leur copie. «Nous sommes toujours réticents à toute forme d’expropriation, mais si, au bout de la démarche, le propriétaire ne viabilise pas son terrain, nous comprenons l’enjeu», précise à ce sujet Jean-Paul Scheuren.

Nous sommes peut-être arrivés à une limite en matière de nombre et, parfois, de professionnalisme.
Jean-Paul Scheuren

Jean-Paul ScheurenprésidentChambre immobilière

Quant à l’entrevue du 19 mai dernier avec le ministre de l’Économie, elle a permis de revenir sur l’idée de (LSAP) de . «Le prix de vente dépend surtout du promoteur dans le neuf et du vendeur dans le cas de biens existants», note le président de la Chambre immobilière. Qui reconnaît que des particuliers sont soumis à une forme d’enchère sur le prix d’estimation fourni par certains agents, peu scrupuleux pour remporter le marché.

À charge du Conseil de la concurrence de réaliser une étude à la demande du ministre – et saluée par la Chambre immobilière – sur ces commissions qui s’élèvent théoriquement à 3% du prix de vente (hors taxe sur la valeur ajoutée, TVA), à charge du vendeur. Mais qui font, elles aussi, souvent l’objet d’une négociation.

«Nous sommes conscients que nous parlons d’un marché hyper concurrentiel avec 1.000 nouvelles autorisations délivrées chaque année pour exercer en tant qu’agent immobilier. Nous sommes peut-être arrivés à une limite en matière de nombre et, parfois, de professionnalisme», explique Jean-Paul Scheuren. Le renforcement des formations étant en cours, l’idée de la limitation du nombre d’agents et des contrôles fait son chemin.


Lire aussi


Facteur d’attraction, reflet de la capacité des différents intervenants à dialoguer, le logement a occupé L’idée d’assises nationales du logement y avait été partagée.

«D’après mes informations, des assises seront organisées prochainement par le ministère, mais, à cette date, nous n’avons pas été invités. J’espère que nous pourrons rencontrer prochainement le ministre (, déi Gréng, ndlr) qui nous a fait savoir que sa porte était ouverte. Nous espérons que son esprit l’est aussi», conclut le président de la Chambre immobilière.