Selon Eddy Boland, patron de RHS Hygiène Service, les demandes de désinfection ne sont pas un jackpot, puisque «cette activité en croissance permet de compenser les pertes des autres». (Photo: Shutterstock)

Selon Eddy Boland, patron de RHS Hygiène Service, les demandes de désinfection ne sont pas un jackpot, puisque «cette activité en croissance permet de compenser les pertes des autres». (Photo: Shutterstock)

La crise sanitaire a-t-elle été synonyme de profit pour certains métiers de niche? Les cas existent, mais ils sont rarissimes.

Après le gel et les masques, les blouses et les bonnets

Les fournisseurs de matériel de sécurité et d’hygiène ont évidemment été pris d’assaut. «On vend des gels hydroalcooliques et des masques toute l’année. Mais là, ce fut un raz-de-marée», explique Renaud Mancini, directeur commercial de VSM Products. Et avec le déconfinement, les demandes ont changé tout aussi vite: «Ce sont maintenant des vêtements jetables, des blouses, des bonnets qu’on nous demande.» Pour le directeur, la recherche de ces produits et des bons fournisseurs occupe désormais la moitié du temps. «Les tarifs changent tous les jours. Certains produits ont triplé de prix…, dit-il. Mais en général, on prend tout ce qui est disponible.»

Quitte à rogner ses marges en faveur de ses clients réguliers. Mais malgré cela, «il ne faut pas croire que nous sommes des gagnants de la crise. Si on vend bien certains produits, d’autres ne partent plus du tout. C’est un vrai paradoxe: il y a plus de travail d’un côté, mais moins de l’autre.» Même son de cloche chez Ergo Seating, société spécialisée dans l’aménagement d’espaces de travail, qui vend désormais aussi gel et masques. «Cela a été possible grâce à des fournisseurs. De quoi faire face en partie à la mise sous cloche de nos autres activités, et encore, mais pas de quoi faire fortune», note Bernard Petry, son responsable.

La désinfection plutôt que le nettoyage

Patron de RHS Hygiène Service, Eddy Boland confirme des demandes importantes pour la désinfection des locaux: «Notre force est que nous disposions déjà d’une expertise en désinfection depuis longtemps, dans des cas particuliers, comme après la découverte d’animaux morts. Nous sommes donc équipés de nébuliseurs à froid et disposons d’un produit agréé qui est bactéricide, fongicide et virucide. C’est ce qui se fait de mieux.» La pandémie a évidemment changé les choses.

«Durant la période de confinement, on a eu beaucoup de demandes pour venir désinfecter des locaux vides: usines, hangars, halls de stockage… Maintenant, ce sont plus des entreprises qui reprennent leurs activités qui font appel à nous. La désinfection fait partie des mesures prises à l’égard des employés. Certains demandent un passage une fois par semaine.» Jackpot? «Non, car, financièrement, cette activité en croissance permet de compenser les pertes des autres. Durant la crise, les gens ne voulaient par exemple plus qu’on vienne chez eux pour d’autres missions, comme la dératisation.»

Pas de pain bénit pour les livraisons de repas

La pandémie n’a pas été du pain bénit pour les livreurs de repas à domicile. Les principaux acteurs comme Wedely, MiamMiam ou Webfood communiquent peu ou pas sur leurs chiffres. «Mais les premiers temps du confinement ont été difficiles. Les gens étaient chez eux, n’avaient pas envie de commander», note l’un d’eux, souhaitant rester anonyme. De plus, les restaurants étant fermés, «notre offre a aussi été très réduite».

Grouplunch a, pour sa part, été encore plus fortement frappé, puisque son cœur de métier est la livraison de repas en entreprise. «85% de chiffre en moins du jour au lendemain», explique Pierre Pereira Da Silva, son CEO. À la mi-mai, «nous faisions 25% de mieux que durant le confinement au niveau du chiffre. Mais cela ne représente encore que 25% de notre chiffre en temps normal», relève-t-il. Le retour à la normale n’est pas pour tout de suite, puisque nombre de sociétés ne feront revenir leurs équipes que quelques jours par semaine, en alternance. «On se félicite donc d’avoir lancé Foozo, notre projet de livraison de courses et repas chez les particuliers via une plate-forme technologique. Il a été retenu parmi les finalistes du hackathon , lancé par le ministère de l’Économie et ­Lux­innovation», conclut Pierre Pereira Da Silva.

IT: l’espoir de garder les nouveaux clients

Juste avant le confinement, et dans les jours qui l’ont suivi de près, la demande en matériel informatique a connu une hausse, mais à relativiser. «Le mois avant le confinement a été correct au niveau des ventes. Mais durant le confinement, notre chiffre d’affaires a baissé de 50%», explique Rui Da Silva, de la société Xantor à Dudelange. «Rayons de soleil dans la grisaille, une demande sur deux est venue d’un nouveau client, donc susceptible de le rester à l’avenir.»

La reprise est, pour sa part, timide «car les entreprises et les institutions sont prudentes au niveau des achats. Ce qui se vend, ce sont des lecteurs de carte, que les gens veulent en double: un chez soi et un au bureau, les lieux entre lesquels on partage son temps de travail. On a aussi vendu beaucoup de caméras…» La crise n’a donc pas été une bénédiction pour Xantor. «Non, car notre autre activité, le photobooth lors d’événements, est à l’arrêt et va le rester peut-être jusqu’en fin d’année. Tandis que les services photo sont en berne, puisque les événements sont reportés ou annulés, que les gens ne partent pas en vacances…»

De la menuiserie à la découpe du plexi

Les guichets de séparation et plaques de protection en plexiglas ont fleuri dans les différents secteurs. Tout profit pour les menuiseries traditionnelles, souvent déjà bien équipées et disposant d’équipes qualifiées? «La demande a été très forte, c’est vrai. Mais dans le même temps, tout ce qui touche au montage était à l’arrêt sur les chantiers. Les nouvelles demandes ont aidé à garder des ouvriers en activité dans l’atelier et à générer un peu de trésorerie, mais pas au point de compenser notre activité normale. Ce qui nous a réellement sauvés, c’est le chômage provisoire», constate Paul Bisenius, de la menuiserie Jean Fellens à Hosingen.

Une poire pour la soif «qui durera tant qu’il y aura de la demande. Mais le prix du plexi a augmenté, et il n’est pas facile d’en trouver. Et au départ, ce n’est pas notre métier.» Ce n’était pas non plus celui de Gama Lettrage et Design à Bertrange, où l’on s’est également adapté en fournissant des écrans de protection: «C’était une question de survie. Il n’y a donc pas de quoi pavoiser, car cela nous a juste servi à passer un peu mieux un cap difficile. Ceux qui ont fait fortune avec la crise sanitaire sont à chercher ailleurs», dit-on là-bas.