Créée en tant qu’instrument de crise par l’Observatoire de la compétitivité de l’UE, la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM) semble redevenir très pertinente dans le contexte inflationniste actuel. Cette année, elle est directement intégrée dans la lettre de l’Observatoire annuelle publiée ce 21 septembre. Elle montre les performances du Luxembourg, évaluées selon un tableau de bord des déséquilibres externes, internes et liés à l’emploi. Les données ont été extraites jusqu’à la mi-juillet, soit .
L’an dernier, sur base de cette analyse et alors que la crise du Covid n’était pas terminée, la Commission européenne avait conclu que le Luxembourg ne présentait pas de déséquilibres macroéconomiques avérés, bien qu’il existât cependant des risques liés à la hausse des prix des logements et à la dette des ménages. Ces risques ont encore augmenté en 2022, et s’y ajoute cette année le chômage des jeunes, en croissance continue ces trois dernières années.
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Malgré tout, les conclusions de la Commission restent positives puisqu’elle indique qu’«il n’existe pas de déséquilibres macroéconomiques avérés au Luxembourg». Cette conclusion ne doit cependant pas cacher qu’avec la situation économique mondiale dégradée, le Luxembourg est cette année à la limite de certains seuils de déséquilibre, lesquels ont parfois été dépassés pour certains volets, même si cela ne remet pas en cause l’équilibre global de sa situation.
Pas de déséquilibre global, mais une performance mitigée
Le volet des déséquilibres externes n’indique aucun risque. Au contraire, tous les indicateurs de ce volet sont dans le vert pour le Luxembourg. À la date arrêtée du 15 juillet pour le relevé des chiffres, la balance courante des paiements reste stable à 4,5% du PIB sur trois ans (seuil à 6%), la dette publique est en baisse de 24,4% du PIB (seuil à 60%) et le passif de ses actifs à l’étranger est en baisse de -3,6% (seuil à 16,5%). En ligne avec une balance courante excédentaire, le Luxembourg respecte ainsi les critères fixés en ce qui concerne le solde de la position extérieure nette, ses actifs étrangers étant (largement) supérieurs aux passifs étrangers. Les mesures budgétaires qui ont été prises lors de la tripartite pour lutter contre l’inflation énergétique en 2023. Certains volets pouvant alors se retrouver à la limite des seuils critiques de déséquilibre, notamment le coût salarial unitaire nominal, aujourd’hui à 7,8% (seuil à 9%) avec les indexations annoncées.
Par ailleurs, la moitié des indicateurs du volet des déséquilibres internes se situent déjà significativement au-dessus de leurs seuils respectifs, à savoir l’indice des prix des logements, le flux de crédit privé, la dette privée, ainsi que le taux de chômage des jeunes.
Dette privée et prix des logements dans le collimateur
Le prix des logements s’affiche à 11,2% alors que le seuil de déséquilibre est à 6%, donc largement au-dessus. La dette privée des entreprises non financières, des ménages privés et des institutions sans but lucratif est à 316,8% (seuil à 133%), en augmentation, tout comme les flux de crédits privés, à 44,1% (seuil à 14%).
Selon la Commission européenne, «un niveau de flux de crédit élevé semble être l’un des meilleurs indicateurs pour prédire l’incidence des crises à un stade précoce». La crise énergétique actuelle et les ménages; on peut s’attendre à ce que ces chiffres augmentent encore en 2023, malgré le paquet de mesures sociales. Ainsi, les grandes fluctuations de crédit sont très souvent associées à des cycles d’expansion et de ralentissement sur les marchés des actifs, à des vulnérabilités potentielles du système bancaire, à des bulles immobilières et à des déséquilibres des comptes courants. Plus de dettes et plus de crédits pour les ménages combinés à une hausse continuelle des prix de l’immobilier constituent un risque élevé de déséquilibre social.
Selon l’Observatoire, entre 2015 et 2020, l’indice des prix des logements a augmenté de plus de 40%, alors que le revenu médian disponible net ajusté n’a augmenté que de 7% sur la même période. La Commission européenne semble prendre cela au sérieux puisqu’elle indique que cette évolution récente marque «un risque de surévaluation des biens qui, en plus d’accroître potentiellement le risque pour la stabilité financière du pays, détériore la capacité du ménage médian à acquérir un bien immobilier, la croissance des revenus et l’endettement ne pouvant pas suivre le rythme du dynamisme des prix de l’immobilier».
Bonne évolution de l’emploi, sauf pour les jeunes
Sur le volet de l’emploi, la variation sur trois ans du taux d’activité des résidents s’est stabilisée autour de 2 pp (pp= pourcentage de la population active du même âge) depuis 2019 et respecte ainsi largement le seuil (-0,2 pp) défini dans le cadre de la PDM. Cependant, le Luxembourg affiche une variation du taux de chômage des jeunes fluctuant autour du seuil limite (2 pp). Estimé à 2,7 pp en 2022, le seuil critique est dépassé, comme en 2020, lorsqu’il était à 2,8 pp. La lettre de l’Observatoire indique néanmoins que les chiffres sur le chômage des jeunes sont à prendre avec du recul, car la méthodologie utilisée pour le décompte ne fait pas forcément de différence entre jeunes partiellement actifs, étudiants intégrés dans la catégorie des non-actifs et jeunes actifs effectivement au chômage.