La candidate roumaine, Laura Codruta Kövesi, est largement soutenue par le Parlement européen alors que les États membres privilégient la candidature plus consensuelle du Français Jean-François Bohnert.  (Photo: Shutterstock)

La candidate roumaine, Laura Codruta Kövesi, est largement soutenue par le Parlement européen alors que les États membres privilégient la candidature plus consensuelle du Français Jean-François Bohnert.  (Photo: Shutterstock)

Le Conseil de l’UE et le Parlement européen ne sont pas parvenus à s’accorder sur le nom du premier procureur européen qui doit entrer en fonction fin 2020 à Luxembourg.

Un énième rebondissement vient entraver le processus de désignation du futur héraut de la lutte contre les malversations pouvant atteindre le budget de l’UE.

Évoqué pour la première fois en 2013 par Viviane Reding, alors commissaire européenne en charge de la Justice, le Parquet européen devait initialement être installé en 2018 ou 2019. Après un coup d’accélérateur donné par la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE en 2015, le dossier a dû surmonter l’écueil de la réticence de plusieurs États membres – seuls 16 étaient prêts à se lancer en avril 2017 et . En juin 2017, le Luxembourg .

Près de deux ans après et un règlement européen définissant les détails de ce nouvel organe, six pays ont rejoint le mouvement. Outre le Royaume-Uni sur le point de sortir de l’UE, la Suède, la Hongrie, la Pologne, l’Irlande et le Danemark demeurent les derniers réfractaires.

Trois magistrats de haut rang en lice

Reste la question de l’incarnation de ce Parquet européen qui comptera un procureur assisté de deux adjoints. Trois candidats se disputent le poste. Le Français Jean-François Bohnert, 57 ans, actuellement procureur général près la cour d’appel de Reims, spécialisé dans la criminalité financière, s’exprimant en six langues et ayant passé par l’organisme européen de coopération judiciaire Eurojust.

Ensuite, l’Allemand Andrés Ritter, procureur de Rostock – le plus international des procureurs allemands, puisqu’il a grandi au Chili, étudié en Allemagne, travaillé pour la Commission à Bruxelles et conseillé des États d’Amérique latine en droit pénal.

Enfin, la Roumaine Laura Codruta Kövesi, 45 ans, à la tête du parquet anticorruption roumain jusqu’à sa destitution en juillet dernier. Aux commandes des poursuites contre plusieurs milliers d’élus depuis 2013, la candidate n’est pas soutenue par le gouvernement roumain et a été destituée l’été dernier. Elle fait l’objet de poursuites. Placée sous contrôle judiciaire, elle n’est pas autorisée à s’exprimer dans la presse et a interdiction de quitter le pays. Le ministre de la Justice roumain s’est même fendu d’une missive à ses homologues visant à les dissuader de voter pour elle.

Il n’a pas été possible de s’accorder avec les négociateurs du Parlement sur une vision des institutions.

Conseil de l’UE

Mi-février, les pays européens réunis en Conseil se sont prononcés en faveur du candidat français à une grande majorité – 50 points contre 29 pour chacun de ses adversaires. C’était ensuite au tour du Parlement européen de se prononcer à l’issue de l’audition des trois magistrats fin février. La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a donné sa préférence à Mme Kövesi avec 26 voix contre 22 pour M. Bohnert et seulement une pour M. Ritter.

Candidat du consensus d’un côté, figure politique forte de l’autre: difficile pour le Conseil et le Parlement de se mettre d’accord. À l’issue d’une troisième ronde de négociations, le Conseil constate  qu’«aucun progrès supplémentaire n’a pu être fait et il n’a pas été possible de s’accorder avec les négociateurs du Parlement sur une vision des institutions pour le futur Parquet européen et pour le premier procureur de l’UE».

«Le Conseil estime que le Parquet européen a besoin d’un professionnel expérimenté et indépendant capable de mettre en place le Parquet (…) en particulier de construire la structure administrative et opérationnelle et d’établir de bonnes relations de travail avec les autorités judiciaires nationales.»

Autant dire que la candidate roumaine est jugée trop clivante politiquement, du moins pour le choix du premier procureur européen.

Dans l’impasse, les discussions devront probablement reprendre après les élections européennes, puisque le Conseil et le Parlement européen doivent parvenir à un consensus.