Le monde des start-up le sait: si, face à un problème, il n’existe pas encore de solution… c’est peut-être qu’en réalité il n’y a ni problème ni besoin de solution. Une banalité souvent répétée qu’Alex Ootes et Virginia Strong balaient d’un revers de main. Forts de leurs années d’expérience chez Amazon ou HelloFresh, les respectivement CEO et COO de Partao assurent qu’ils ont les «clés» du marché des pièces détachées pour tracteurs et autres engins de chantiers de construction.
Partao, leur start-up, hébergée au Luxembourg City Incubator, entend répondre à un problème presque invisible: quand un agriculteur achète un tracteur, il l’achète pour 50 ans; mais quand il doit trouver rapidement la pièce de son tracteur qui est cassée et qu’il doit s’adresser à celui qui le lui a vendu, les ennuis commencent. Le marché est très fragmenté et les concessionnaires ont souvent des limites géographiques; il n’existe pas de comparateur de prix des pièces détachées – même fabriquées par des fournisseurs alternatifs – pour trouver meilleur marché. Et quand bien même l’agriculteur trouve la pièce, rien n’est facilité pour qu’il la récupère le plus vite possible.
Déjà cinq millions de pièces
C’est là que veut faire la différence avec son catalogue en ligne, déjà accessible, de cinq millions de pièces mais qui augmentera à entre 22 et 50 millions aussi vite que possible. Ces pièces, parfois autant d’hier que d’aujourd’hui, sont déjà un avantage concurrentiel. Avec l’utilisation accrue de l’intelligence artificielle – «qui permet d’aller cinq fois plus vite qu’il y a cinq ans», indique M. Ootes –, la start-up peut aller chercher les informations auprès des fabricants, les intégrer dans son propre catalogue en partenariat avec eux, consolider des données aussi bien sur les disponibilités que sur les tendances et adapter son offre. L’IA permet aussi de mettre en relation clients et vendeurs sur des pièces compatibles, même quand l’information est fragmentée ou incomplète grâce à un «part finder» qui peut s’appuyer sur des dessins de pièces. Enfin, la solution permet autant de gérer un stock de pièces détachées de manière optimale que de réduire le délai de livraison des pièces ou d’imaginer la mise en place d’une maintenance prédictive.
Qu’ils soient agriculteurs, distributeurs de machines agricoles ou de construction, mécaniciens, entreprises de construction, indépendants du marché secondaire ou issus d’autres secteurs comme le chauffage, la ventilation et la climatisation ou les poids lourds, les clients potentiels sont aussi nombreux que démunis pour l’instant.
Des entrepreneurs pressés
Forcément, quand on a, comme le Néerlandais, passé 16 ans chez Amazon à gérer le développement de réseau de distribution du géant américain, à partir de zéro pour l’Italie ou l’Espagne, et qu’on a travaillé sur des verticales comme l’automobile ou le secteur industriel, on a fini par acquérir un certain nombre de compétences sur la manière «d’amener des business de 0 à un milliard d’euros de chiffre d’affaires», dit-il, ce jour-là, dans les locaux de Mangrove Capital Partners.
Habitué à aller chercher des pépites un peu partout sur la planète, le VC luxembourgeois a, cette fois, insisté pour que la start-up s’installe au Luxembourg et se déploie depuis le Luxembourg. Le tour de préamorçage qu’il a emmené a eu beaucoup de succès, assure un des partners, Yannick Oswald, et sa taille, trois millions d’euros, est le signe d’une volonté d’aller très vite et très fort. Un deuxième tour, avant la fin de l’année, est déjà prévu. «Nous avons l’intention, très vite, d’atteindre un chiffre d’affaires en dizaine de millions d’euros!», complète Virginia Strong, elle qui, outre Amazon, a aussi œuvré pour HelloFresh et pour Gopuff, licorne américaine soutenue par la Softbank qui a déjà levé plus de cinq milliards de dollars pour son service de livraison.
Un tandem qui s’est adjoint les services d’un troisième personnage, Hamlet Aslanyan, le directeur technologie qui a fait polytechnique en Arménie et lui aussi passé par Amazon.
«Nos expériences passées nous permettent de prendre plus vite de bonnes décisions», assure Mme Strong. Car là encore, la start-up rompt avec ces codes qui voudraient qu’après un certain âge, les entrepreneurs soient considérés comme ayant moins la «niaque» indispensable à se battre sur chaque centimètre de progrès. Sur un marché qu’ils estiment à 350 milliards de dollars, la start-up luxembourgeoise espère être la «next billion company».