Les deux sàrl qui ont touché 53 millions d’euros de consultance pour le développement international du groupe depuis 2012 sont hébergées chez Radar Business Solutions. (Photo: Paperjam)

Les deux sàrl qui ont touché 53 millions d’euros de consultance pour le développement international du groupe depuis 2012 sont hébergées chez Radar Business Solutions. (Photo: Paperjam)

Le Parquet a confirmé, vendredi, avoir ouvert une enquête sur Fage International pour vérifier «certains faits» dont il a eu connaissance.

Que sont devenus les 53 millions d’euros pour du consulting sur le développement international, que deux sàrl, Theta Phi et Alpha Phi, ont touché depuis 2012 et l’arrivée de Fage au Luxembourg? C’est probablement une des réponses que le groupe grec, spécialisé dans le yaourt, devra apporter à la justice.

Contacté vendredi, le porte-parole du Parquet, Henri Eippers, a en effet confirmé que «le Parquet a eu connaissance de certains faits et qu’il a décidé de faire procéder à une enquête pour la vérification de ces faits», sans préciser le périmètre de cette enquête.

La veille encore, les députés de l’opposition CSV s’étaient une nouvelle fois interrogés sur la réalité de ces frais de consultance. «De la structuration fiscale normale», aurait répondu le ministre de l’Économie, (LSAP), selon des propos rapportés par le député (CSV). À l’issue de cette discussion, s’estimant dans le cadre de ses obligations, le CSV a indiqué avoir transmis les éléments dont il disposait au Parquet.

Les fils Filippou aux manettes

Une nouvelle fois contactés vendredi, les responsables de Fage n’ont pas donné suite à nos e-mails, au moment où nous publions cet article. Ce groupe familial, créé en 1926 et qui avait cherché à échapper à une hypothétique faillite de l’État grec en 2012, semble pourtant remplir scrupuleusement toutes ses obligations, notamment avec le registre du commerce et celui des bénéficiaires économiques: changements d’adresse, d’actionnaires, de superviseur, ou même rapports annuels, parfois corrigés… tout s’y trouve, à la différence de nombreuses autres sociétés…

Les questions restent entières. Pourquoi le groupe, qui publie ses dépenses en consulting, pour des raisons fiscales, par exemple, au niveau du groupe, a-t-il besoin de passer par ces deux sàrl pour du consulting sur le développement international? Ces deux sàrl passent-elles par des consultants extérieurs pour remplir cette mission? Qu’est-ce qui se cache derrière ces conseils, qui seraient apportés directement au tandem des deux frères que le fondateur du groupe a installés aux commandes?

Car, selon le registre des bénéficiaires effectifs, les deux sàrl sont pilotées par les deux fils du fondateur de Fage, Ioannis Filippou et Kyriakos Filippou. Chez les Filippou, le «patriarche» Athanassios a pris soin que ses deux fils restent toujours sur un pied d’égalité. Ils échangent ainsi tous les ans en juin leurs responsabilités. Le premier devient président du conseil d’administration, et le second, CEO.

Ces deux sàrl détiennent chacune 50% des parts de Fage et ont aussi reçu, à ce titre, chacune, 45 millions d’euros de dividende sur la même période. Elles sont «logées» au 287-289 de la route d’Arlon, à Luxembourg, dans un de ces bâtiments vitrés et métalliques. 

Radar Business Solutions y prête sa boîte aux lettres à 33 sociétés, dont toutes les sociétés reliées à Fage International, qui est logée à tire d’ailes de là, rue du Kiem, à Strassen.

Depuis début août, ces deux sàrl ont pour administrateurs-gérants deux experts d’Intertrust, Aurélien Corrion et Dominique Gnaoulé. Elles n’ont aucun employé depuis leur création et ont eu jusqu’à fin 2017 Athanassios-Kyros Filippou, domicilié à la fois aux États-Unis et au 118, avenue de la Porte-Neuve.

Cette enquête intervient alors qu’au bout de quatre ans de procédure, l’État et les communes se demandent toujours s’ils doivent accueillir la première usine du groupe au Luxembourg. Elle devait entrer en fonctionnement fin 2018 pour répondre à une hausse de la demande.