Hélène Tomsin a été soulagée de voir que d’autres parents avaient le même sentiment qu’elle par rapport aux enfants. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Hélène Tomsin a été soulagée de voir que d’autres parents avaient le même sentiment qu’elle par rapport aux enfants. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Le burn-out parental est moins connu que le burn-out professionnel. Pourtant, il existe bel et bien, et mène nombre de parents à des situations douloureuses. Hélène Tomsin est passée par là et a choisi de témoigner, sans langue de bois.

C’est l’histoire d’une famille ordinaire. Hélène Tomsin et son conjoint vivent en Belgique, dans la région d’Arlon, et travaillent dans le secteur bancaire au Luxembourg. Ils ont deux enfants, deux petits garçons qui ont 20 mois d’écart. C’est là que l’histoire commence à se corser.

«Lorsque j’ai accouché de mon second garçon, je n’ai pas mesuré l’impact qu’auraient cette nouvelle naissance et le fait d’avoir un autre bébé à gérer», explique Hélène Tomsin. Ses parents vivent loin, dans le sud de la France, et ceux de son conjoint ne les aident pas particulièrement au quotidien dans leur vie parentale.

«J’ai pu profiter du congé parental luxembourgeois, ce qui est très confortable. J’étais donc à la maison avec mes deux petits garçons, à m’occuper pleinement d’eux.» Pourtant, malgré ces conditions qui semblent favorables, elle ne s’épanouit pas. «Je dois reconnaître que je n’ai pas été transcendée par la maternité. On nous dit toujours: ‘Tu verras, la maternité, c’est extraordinaire, cela te transforme.’ Mais moi, je ne l’ai pas du tout vécue comme cela. Pendant un temps, je me suis même demandé si j’avais un souci d’attachement à mes enfants. Je culpabilisais totalement.»

En plus de cela, pour ne rien arranger à ses doutes et questionnements, son fils cadet avait un comportement tout autre que celui de son aîné.

«Il pleurait beaucoup plus. Cela me rendait très nerveuse. Mon premier enfant était plutôt facile, et je n’avais pas du tout pris la mesure de ce qu’impliquait l’arrivée d’un second enfant, ou même le fait qu’il puisse être un peu plus difficile que mon aîné. C’était un grand changement pour moi.»

Elle mesure alors à quel point son arrivée impacte considérablement son quotidien. «Je me suis vite sentie dépassée par les pleurs, la fatigue, qui était croissante. Je n’avais plus aucun plaisir ni à m’occuper des garçons, ni à faire autre chose.»

Une alarme qui n’est pas entendue

Elle essaie d’en parler autour d’elle, mais les portes se referment. «On me disait: ‘Ne t’inquiète pas, ça va aller. Tu as de la chance d’avoir deux beaux enfants qui sont en bonne santé.’ Cela était vrai. Mais je n’y arrivais pas. J’avais choisi d’avoir mes enfants assez tard, puisque j’ai eu mon premier fils à 35 ans, et j’ai entendu plusieurs fois: ‘Tu les as voulus, tu les as.’ Pourtant, je n’arrivais pas à faire face, j’entretenais un sentiment de culpabilité.»

Ce qui dérangeait Hélène, c’était que son expérience personnelle de parentalité était en totale contradiction avec ce que la société renvoie. «Je criais, je m’énervais. Alors que je ne voulais pas cela. C’est incohérent. J’avais l’impression que je ne savais pas être maman, que je faisais tout de travers. Personne ne m’a jamais dit: ‘C’est vrai, avoir des enfants, ça peut être la galère!’» Inconsciemment, elle s’était mis la pression. «J’étais attentive à ces questions d’éducation positive, au fait d’être à l’écoute. Mais j’étais tout le contraire, stressée, énervée, incapable de les cajoler… Je devenais un vrai dragon.»

Le week-end déclencheur

Un jour, Hélène et son mari doivent partir en week-end en famille. Mais là, elle craque et lui dit: «Vas-y sans moi, je ne peux pas y aller.» Ce refus a agi comme un déclencheur. Suite à cela, elle assiste à une conférence sur le burn-out parental et se rend compte qu’elle est dans cette situation.

Elle contacte alors la conférencière et lui demande de l’aide. C’est ainsi qu’elle rejoint un groupe de parole ouvert aux parents dans la même situation. Et là, c’est le soulagement. Elle s’aperçoit que d’autres parents traversent les mêmes difficultés et les mêmes souffrances qu’elle.

«J’ai trouvé d’autres personnes avec qui partager mon expérience et mon ressenti. Elles étaient très ouvertes, on pouvait parler sans langue de bois. Ce travail m’a aidée à mettre des mots sur mes maux.» Le groupe se voit régulièrement et travaille avec l’aide de thérapeutes sur des thématiques. «En discutant avec les autres, je me suis aperçue que ce que je vivais était beaucoup plus courant que ce que je pensais. Ce sujet est encore tabou. Heureusement, les langues commencent à se délier.»

Par chance, cela n’a pas créé trop de tensions dans son couple. Son conjoint vivait la même chose, mais différemment, avec d’autres points d’attention. «Au fur et à mesure, j’ai appris à lâcher prise. La situation n’est pas celle que j’aurais voulue, mais c’est comme cela. Je dois faire avec. J’aime mes enfants, mais je vis autre chose que ce message sur la famille véhiculé dans notre société. C’est comme le prince charmant; la famille idéale, ça n’existe pas non plus.» Quand la crise est trop forte, elle préfère s’en écarter, le temps que la colère passe. «S’énerver renforce le sentiment de culpabilité et ne sert à rien.»

Désormais, ses petits garçons ont six et quatre ans et demi. En grandissant, les difficultés se sont aussi calmées. «Je m’énerve encore, bien sûr, mais moins souvent. Il y a moins de tensions.» Cette position plus détachée lui permet de voir grandir ses enfants autrement. Elle suit également des conférences sur l’évolution du cerveau des enfants.

Par ce biais, elle comprend mieux leurs réactions, leurs émotions. «Quand je revois des photos de cette période, je m’aperçois que je n’ai presque pas de souvenirs heureux de ces années. Aujourd’hui, j’ai trouvé mon salut. Je ne peux pas rattraper le temps perdu, je l’accepte. Tout comme j’accepte le fait que je puisse être fatiguée, que j’aie besoin d’aide. Nous ne sommes pas une famille parfaite, et c’est certainement ça, la ‘normalité’.»

Cet article a été rédigé pour le supplément de l’ qui est paru le 29 avril 2021.

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