100 millions d’euros. Un beau pactole que va pouvoir se partager le millier de salariés de La Redoute qui avait investi dans la relance de l’entreprise française en 2014. Ils avaient pris des parts via un Fonds commun de placement d’entreprise, d’une centaine d’euros chacun en moyenne. Neuf ans plus tard, leur société s’est redressée et a été rachetée par les Galeries Lafayette. La valeur de leurs actions a été multipliée par 1.000, mais ils ne pourront pas toucher à ce pactole avant leur retraite. Autre élément à prendre en compte: contrairement aux cadres, les salariés avaient été plafonnés à 160 euros, précise La Voix du Nord.
Pas de données luxembourgeoises
En France, 1,3% des entreprises de 10 employés ou plus avaient mis en place une opération d’actionnariat salarié et 600.000 personnes en bénéficiaient en 2020, . Et au Luxembourg? Ni le Statec, ni le ministère du Travail, ni la Fondation Idea, ni la Chambre de commerce, ni l’Union des entreprises luxembourgeoises n’ont pu fournir de données.
possède des chiffres pour le Grand-Duché. Mais ils ne portent que sur 14 entreprises. «Tout ce qui concerne le Luxembourg n’est pas significatif», admet Marc Mathieu, secrétaire général. Pour établir ce document, la fédération s’est basée sur les rapports annuels de toutes les sociétés européennes cotées d’une capitalisation supérieure ou égale à 200 millions d’euros et des entreprises non cotées dont les salariés détiennent 50% ou plus de l’actionnariat employant au moins 100 personnes. «Les entreprises de cette taille publient en général des rapports complets.» Au Luxembourg, ce ne sont que des entreprises de la première catégorie qui ont été prises en compte et elles ne peuvent pas toutes «être considérées comme luxembourgeoises», à l’image de L’Occitane International. D’autres sont absentes de la liste, comme ArcelorMittal, qui dépasse pourtant la valorisation minimale. Ceci parce qu’elle est cotée à Amsterdam et entre donc dans les statistiques… néerlandaises.
Seule possibilité: la prime participative
94% des 14 entreprises auraient alors des plans d’actionnariat salarié. Soit 2.357 employés propriétaires, dont 71 cadres. Ces derniers détiendraient cependant 118 millions d’euros chacun en moyenne, contre 29.205 euros pour les salariés. Ces chiffres ne permettent pas de tirer de conclusions. «À notre connaissance, le Luxembourg n’a jamais adopté de législation adaptée, sauf si on parle de stock-options.»
Ce , à cause d’abus. L’employeur peut allouer jusqu’à 5% de son résultat positif à ses salariés. Revenu alors exempté fiscalement à hauteur de 50%.
«Avec le budget de cette année, il a été proposé d’étendre le périmètre de calcul. Il sera permis de considérer, pour la limite de 5%, la somme des résultats des membres d’un groupe fiscalement intégré, au lieu de celui de l’exercice par société individuelle», détaille le ministère des Finances.
En dehors de cela, . Mais cela ne s’applique pas aux plus-values inférieures à 500 euros, exonérées, ou issues de participations détenues depuis plus de six mois et représentant moins de 10% du capital sur les cinq dernières années.
45% de salariés actionnaires chez Auchan Luxembourg
Rien n’empêche une entreprise de vendre des parts à ses cadres ou salariés. Mais «si on veut encourager à le faire, il faut des incitations fiscales», note Marc Mathieu. «En tant que propriétaire, le salarié a envie que l’entreprise marche. C’est bénéfique pour elle et pour l’économie.»
Auchan Luxembourg, par exemple, donne la possibilité à ses salariés d’investir dans son capital. «Les souscriptions sont ouvertes pendant trois semaines, chaque année en mars, après l’annonce de la nouvelle valeur de la part.» En 2022, elle a été fixée à 6,25 euros. Chacun peut investir jusqu’à 25% de son salaire brut annuel. «Près de 45% des salariés sont actionnaires.» Ils peuvent débloquer leurs actions «à tout moment». À l’exception de celles offertes lors de la première souscription, bloquées pendant cinq ans (sauf en cas de surendettement, décès du conjoint, départ de l’entreprise, naissance d’un deuxième enfant ou achat d’une résidence principale).
ArcelorMittal et RTL Group (qui faisait partie des 14 sociétés de l’étude de la FEAS) ont de leur côté indiqué ne pas avoir de telle politique en place.
Une demande des start-up, pas à l’ordre du jour politique
«L’actionnariat salarié est peu répandu au Luxembourg, parce qu’il est compliqué à mettre en place», confirme , président de Startups.lu. Le manque d’incitants fiscaux n’est pas l’unique raison. «En tant qu’entreprise, il est difficile de trouver un expert pour nous conseiller sur comment mettre cela en place.» Si une jeune pousse veut offrir des parts, pour proposer un «package attractif» face à la concurrence de plus grandes entreprises, «cela peut être considéré comme un revenu caché. Il n’existe pas de schémas clairs comme dans les pays voisins, le Luxembourg est en retard».
À part la prime participative, basée sur les profits… «Trouvez une start-up qui gagne de l’argent les premières années», ironise Patrick Kersten. .
Alors, le pays compte-t-il développer l’actionnariat salarié? «Un colloque a été organisé il y a quelques années. Il y avait des craintes et un certain scepticisme, surtout du côté des syndicats», répond le ministère du Travail. Notamment à cause d’expériences négatives, dans des entreprises où des actions avaient perdu en valeur. «Cela a aussi déjà été utilisé pour faire une modération sur les salaires», précise Frédéric Krier de l’OGBL.
«La mise en œuvre d’un tel principe prendrait beaucoup de temps. Pour l’instant, il n’est pas prévu de mettre le sujet à l’ordre du jour politique», conclut le ministère.