Raphaël Frank avec la voiture d’essai du 360Lab. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Raphaël Frank avec la voiture d’essai du 360Lab. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Des chercheurs du 360Lab de l’Université du Luxembourg espèrent faire rouler leur voiture sans conducteur en 2021 afin de tester la technologie qui rend les véhicules automatisés plus sûrs, tout en améliorant leur capacité de localisation.

Le monde se dirige vers les voitures autonomes depuis des années. Google a annoncé en décembre qu’il ouvrirait de nouveaux centres de test pour reproduire des environnements urbains denses après le début des premiers essais routiers en 2017, au travers de son projet «Waymo». La Chine a annoncé ce mois-ci qu’elle était prête à déployer une flotte de 25 robots-taxis AutoX dans le centre-ville de Shenzhen.

«Nous ne prétendons pas être meilleurs que Google ou Tesla. Nous travaillons sur des niches», explique Raphaël Frank, qui dirige le laboratoire de recherche. L’un des domaines que les scientifiques étudient est la façon dont les véhicules autonomes se localisent – une technologie essentielle pour une voiture sans conducteur.

Le laboratoire s’est associé à la start-up de la Silicon Valley Civil Maps, qui développe des cartes 3D haute définition. «En tant qu’êtres humains, nous avons nos deux yeux, avec lesquels nous pouvons estimer la distance», explique-t-il. «Un système de caméra n’a qu’un seul objectif. C’est beaucoup plus difficile.» La combinaison des informations de la carte avec les données du système de caméra pourrait améliorer la précision.

Le laboratoire utilise une voiture d’essai pour ses recherches, équipée de la technologie sur laquelle travaille l’équipe. «Nos chercheurs peuvent acquérir une expérience pratique», estime Raphaël Frank. Il espère faire l’essai du véhicule sur les routes publiques luxembourgeoises l’année prochaine.

Parcours d’obstacles

«Nous avons envisagé techniquement environ 95% de toutes les situations de conduite quotidiennes», déclare Raphaël Frank quant à la capacité technique des voitures sans conducteur. «Mais alors, vous avez toujours ces 5%, qui sont les problèmes les plus difficiles. Si quelque chose se produit dans ces 5% des cas, qui sera responsable?»

La société américaine Uber a évité des poursuites pénales pour un accident mortel en mars 2018 impliquant l’une de ses voitures autonomes. Le conducteur de sécurité du véhicule a cependant été accusé d’homicide par négligence pour avoir regardé la télévision au moment de la collision, qui a tué un cycliste.

Raphaël Frank s’attend à ce que l’introduction de la conduite automatisée soit progressive. Dans les environnements contrôlés, tels que les autoroutes avec des voies dédiées, les voitures automatisées fonctionnent bien. «Si nous parlons d’un scénario urbain avec toutes les complexités et l’imprévisibilité des humains et des piétons, nous sommes loin d’atteindre une automatisation complète», déplore le chercheur.

Il pourrait également falloir un changement de génération pour que la technologie gagne en traction, poursuit-il, en la comparant au passage d’un changement de vitesse manuel à une boîte de vitesses automatisée. «Il a fallu une éternité aux gens pour s’adapter à l’automatisme, mais cela arrive.» Une voiture autonome pourrait encore ajouter à la commodité, et nous faisons déjà confiance à la technologie sans conducteur, par exemple dans les trains d’aéroport.

Différentes applications

Raphaël Frank et son équipe travaillent également avec la compagnie d’assurances Foyer pour fournir des données sur la conduite afin d’aider à déterminer les primes d’assurance sur les voitures de plus en plus automatisées, par exemple équipées de régulateur de vitesse, de freinage automatique ou d’aide au stationnement. «L’objectif est de voir comment ces capteurs et systèmes peuvent être utilisés pour mieux évaluer le risque d’un conducteur», explique-t-il.

La plupart des voitures d’aujourd’hui étant équipées de fonctions de connectivité, telles que le système eCall, les chercheurs peuvent accéder à davantage de données sur le comportement de conduite, avec le consentement du conducteur. «Nous fournissons des interfaces et nous devons effectuer des tests avec les compagnies d’assurances pour valider la technologie avec de vrais utilisateurs et tester des clients.»

Le professeur a cofondé en 2014 la première spin-off de l’Université, , une plateforme offrant une version de cette technologie, utilisant les données mobiles pour mesurer la mobilité. Il est depuis retourné dans le monde de la recherche pour se concentrer sur le «long terme» et continuer à découvrir de nouvelles façons d’utiliser les systèmes.

Le Fonds national de la recherche, par exemple, a accordé en avril à Raphaël Frank une subvention pour un projet utilisant l’IA derrière les systèmes de caméra de voiture pour développer des outils de surveillance de la distance physique dans les lieux publics pendant la pandémie à l’aide de données provenant de webcams publiques. «La beauté de ces technologies est qu’elles ont de nombreux domaines d’application différents», détaille le chercheur.