Orpea, qui communiquait au mois de janvier sur une ouverture prévue à Merl pour mars dernier, ne précise désormais plus de date, mais parle simplement d’une ouverture «en 2022». Le bâtiment de la résidence pour personnes âgées est, lui, bien sorti de terre. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne/Archives)

Orpea, qui communiquait au mois de janvier sur une ouverture prévue à Merl pour mars dernier, ne précise désormais plus de date, mais parle simplement d’une ouverture «en 2022». Le bâtiment de la résidence pour personnes âgées est, lui, bien sorti de terre. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne/Archives)

Après plusieurs mois d’étude de son dossier, le groupe français Orpea doit recevoir, cette semaine, la lettre du ministère de la Famille lui annonçant l’obtention d’un agrément provisoire pour sa résidence pour personnes âgées à Luxembourg-Merl.

«J’ai demandé toutes les garanties possibles et imaginables, nous sommes un pays démocratique et celui qui respecte nos lois est libre de s’y établir. Mais j’ai prévenu les responsables d’Orpea au Luxembourg que tous les projecteurs étaient braqués sur eux, qu’ils étaient attendus au tournant», explique la ministre de la Famille (DP). Son ministère a en effet envoyé il y a quelques jours une lettre annonçant l’obtention d’un agrément provisoire à Orpea, d’ouvrir à Merl une résidence pour personnes âgées.

La demande d’agrément au ministère de la Famille, au même moment qu’éclataient en France les révélations faites sur Orpea après la publication du livre «Les Fossoyeurs» du journaliste Victor Castanet. «J’ai bien sûr lu le livre, et il y avait un mauvais sentiment, je sentais qu’il fallait que j’aie le plus de garanties possible pour leur donner l’agrément», ajoute Corinne Cahen.

Une évaluation externe demandée

Parmi ces garanties, figurait notamment le fait que toute la gestion quotidienne de l’établissement soit réalisée au Grand-Duché et que le personnel soit stable. Sur le site d’Orpea au Luxembourg, deux nominations ont déjà été communiquées au sein de la structure qui répond au nom de «Récital». Stéphanie Rondoz est désignée directrice et Gérald Vanhove, chef cuisinier (il a notamment reçu le trophée international de cuisine à l’École Ducasse de Meudon). Pour rappel, Récital comprend à la fois une résidence-services de 23 appartements, et une maison de repos et de soins de 123 lits. La date d’ouverture n’est pour l’instant pas connue, seule l’échéance de 2022 est annoncée.

Corinne Cahen a reçu les responsables de la structure luxembourgeoise en début de semaine dernière. Elle rapporte: «ils nous avaient déjà fourni tous les documents qu’on avait demandés, on a encore une fois parlé du fait que les décisions doivent être prises au Luxembourg, qu’il s’agisse du personnel, de matériel, etc. Ils m’ont aussi promis de faire une évaluation externe avec les résidents avant que l’agrément provisoire ne vienne à échéance, donc dans un an. Et ils sont en train de faire un plan de remédiation en France et j’avais demandé à l’avoir donc dès qu’il sera terminé je l’aurai.»

J’ai toujours espéré qu’Orpea se retire de lui-même du marché luxembourgeois, et qu’un autre gestionnaire reprenne le projet.
Marc Spautz

Marc SpautzDéputéCSV

«Ce qui m’intéresse, c’est d’avoir toutes les garanties sur la bientraitance des résidents et des salariés. Là ils ont pu me rassurer. Je leur ai dit que la presse, le gouvernement, les ministères, les résidents, tout le monde auraient un œil sur yeux, et ils seront regardés plus sévèrement que les autres. Ils sont en plein centre-ville et je leur ai expliqué qu’au Luxembourg, tout le monde connait tout le monde. Je pense que ce qu’il s’est passé en France n’est simplement pas possible chez nous, mais je voulais avoir toutes les garanties. Ils n’ont aucun intérêt à prendre des risques.»

Le député (CSV), membre de la Commission de la Famille, a de son côté «toujours espéré qu’Orpea se retire de lui-même du marché luxembourgeois, et qu’un autre gestionnaire reprenne le projet.» Il ajoute: «c’est quand même drôle qu’avec tout ce qu’il se passe en France, le groupe continue de demander des agréments. Ils auraient pu attendre aussi et revenir une fois le scandale passé.» Le député reconnaît que «la position de la ministre n’est pas facile, à sa place j’aurais peut-être refusé de donner l’agrément, mais Orpea aurait sûrement attaqué le ministère et la loi étant avec eux, ils auraient gagné. Mais peut-être que durant cette année d’agrément provisoire, une alerte sera donnée de la part des résidents, des familles et des voisins et qu’Orpea devra partir», espère-t-il.

La construction de la maison de repos et de soins Récital, d’une surface de plus de 16.000 m², avait été achevée fin 2021. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

La construction de la maison de repos et de soins Récital, d’une surface de plus de 16.000 m², avait été achevée fin 2021. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Des contrôles inopinés possibles

Marc Spautz reste donc sceptique sur les intentions du groupe qui se revendique comme leader mondial dans l’accueil des personnes âgées. «Pour moi, c’est du capitalisme pur, Orpea renvoie vraiment l’image que l’argent est plus important que les conditions de vie des personnes âgées, et cela me fait mal au ventre qu’ils reçoivent l’agrément. Mais je suis d’accord pour dire que tout le monde a droit à une deuxième chance», reconnait-il toutefois.

Corinne Cahen affirme avoir été plus loin que ce que demande la loi, et espère que l’ouverture d’Orpea ne nuira pas à l’image du Grand-Duché. «Et puis tout le monde sera le bienvenu pour voir comment nous traitons nos ainés et comment nous fonctionnons, nous n’avons rien à cacher. Et les révélations n’auraient pas pu être la seule raison de dire non à l’agrément, ça n’aurait pas été juste par rapport à d’autres structures. On leur a demandé plus de garanties qu’à d’autres, à l’impossible nul n’est tenu.»

Les révélations n’auraient pas pu être la seule raison de dire non à l’agrément, ça n’aurait pas été juste par rapport à d’autres structures.
Corinne Cahen

Corinne CahenMinistre de la FamilleDP

Comme toutes les maisons de soin du pays, Orpea aura deux contrôles par an: un par le ministère de la Famille et un autre par le ministère de la Sécurité Sociale. Et «on intervient aussi de manière inopinée après des réclamations ou des signalements», confirme Corinne Cahen. «Ça n’arrive pas souvent, mais c’est déjà arrivé dans le pays. Et je trouve que cela se sent quand il y a un problème dans une résidence: l’écho revient, comme dit une expression luxembourgeoise.»

Orpea est également revenu dans l’actualité française ces derniers jours, en se plaçant à nouveau sous protection judiciaire pour renégocier sa dette. Une nouvelle qui n’inquiète pas outre mesure la ministre de la Famille, «parce que la loi luxembourgeoise prévoit que si un gestionnaire, pour une raison ou une autre, ne peut pas continuer l’exploitation d’une maison, on peut nommer un autre gestionnaire pour prendre le relai. Je regarde ce qu’il se passe, mais je ne pense pas que cela ait des répercussions chez nous.»