Philip Best et Marc Saint John Webb visent des sociétés qui ont un business model qui sont éprouvés et solides, des bilans qui ne sont pas leveragés et des managements qui sont fiables. Le tout à meilleur prix possible. (Photo: Quaero Capital)

Philip Best et Marc Saint John Webb visent des sociétés qui ont un business model qui sont éprouvés et solides, des bilans qui ne sont pas leveragés et des managements qui sont fiables. Le tout à meilleur prix possible. (Photo: Quaero Capital)

Philip Best et Marc Saint John Webb pilotent la stratégie Small caps de Quaero Capital. Pour eux, les entreprises dites de petite capitalisation vont profiter de l’actuel «retour aux fondamentaux» qui s’opère sur les marchés.

Le contexte macroéconomique et géopolitique que l’on connaît remet le compteur à zéro du côté des valorisations des entreprises, avec les États-Unis qui font encore de la résistance sur ce point. Ce «retour aux fondamentaux» selon l’expression Philip Best et Marc Saint John Webb peut se comparer à une «force de pesanteur» qui fait redescendre sur terre des titres qui avaient été surévalués de manière «exorbitante». Sans que la création de valeur ait quelque chose à voir. Cela a été vrai sur quasiment tous les marchés actions, la tech en tête. Et cela va profiter au marché des Small caps (SMC), les petites capitalisations.

«Il ne faut pas confondre les petites capitalisations avec le boucher ou le boulanger du coin comme c’est très souvent le cas dans le grand public. Nous parlons ici de sociétés qui peuvent compter des centaines voire des milliers de salariés et qui ont un niveau de capitalisation exprimé en dizaines ou centaines de millions d’euros.» De sociétés qui servent leur marché domestique tout en étant à la fois actives sur les marchés internationaux. «Ce sont souvent des sociétés leaders dans leurs niches», précise Philip Best.

Autre erreur à éviter: associer Small caps à start-up. «Les premières ont un vrai business model et une valorisation en adéquation avec leur capacité bénéficiaire. Ce qui n’est pas forcément le cas des secondes.»

Retournement de marché

Le marché des Small caps a connu une période faste de 2012 à début 2018 en Europe. Ces valeurs, pour différentes raisons – citons l’engouement des gérants et des banquiers privés ainsi que les incitants fiscaux qui existaient en Angleterre, en Italie et en France – a entraîné un flux d’argent qui a mécaniquement fait monter les cours.

En 2018, moment où ont commencé les tensions sur le front du commerce international, la situation s’est retournée. «Cela a été source de complications pour les entreprises européennes», précise Marc Saint John Webb. «Dans le même temps, on n’avait pas besoin de travailler pour créer de la valeur. Les marchés progressaient de manière ininterrompue, ce qui a profité aux valeurs technologiques et aux grandes capitalisations. Progressivement, il y a eu des sorties des fonds SMC vers les fonds Large Caps. Au point que nous estimons que quasiment tout l’argent qui est rentré entre 2012 et 2018 est maintenant sorti».

Jouer les inefficiences

Une sortie qui réjouit ces gérants «contrarian» dans l’âme pour qui le marché est plein d’opportunités. Des opportunités qui passent sous le radar pour deux raisons: d’abord parce qu’il n’y a pas beaucoup d’argent qui cherche à s’y investir. Ensuite pour une raison «structurelle» propre au secteur: l’inefficience en termes de communication financière et de suivi des analystes. «Une société dont la capitalisation dépasse 5, 10 voire 50 milliards d’euros, elle est suivie par toute une myriade d’analystes. Et chaque communication ou problème donnera lieu à une dizaine de commentaires immédiats. Essayer d’avoir un avantage informationnel sur une grande capitalisation est difficile. Pour une Small caps, beaucoup moins d’analystes sont mobilisés. De plus, ces sociétés communiquent peu et lorsqu’elles le font, ce qu’elles disent est rarement repris par les journalistes et les analystes. Dans le monde des SMC, il est nécessaire d’avoir un contact direct avec l’entreprise pour mettre en perspective ce qu’elle communique et pour comprendre ce qu’elle fait.»

Je pense qu’on peut être plus à l’abri dans de petites sociétés solides que dans de grandes sociétés, plus exposées aux courants internationaux.

Philippe BestQuaero Capital

Philip Best et Marc Saint John Webb visitent en moyenne 400 entreprises par an. «Cela nous permet de trouver des opportunités d’investissement qui ne nécessite pas seulement de prévoir l’avenir. Notre approche a toujours été d’investir, de viser des sociétés qui ont un business model, qui sont éprouvés et solides, des bilans qui ne sont pas leveragés et des managements qui sont fiables. Le tout à meilleur prix possible.»

Questions de timing

Est-ce le moment pour les investisseurs de revenir sur les petites capitalisations? «Oui», pour Philippe Best. «Je pense que contre-intuitivement, on peut être plus à l’abri dans de petites sociétés solides que dans de grandes sociétés qui sont plus exposées aux courants internationaux.»


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Selon lui, investir dans les SMC ne doit pas se faire n’importe comment. D’abord, ce n’est pas un marché qui se prête au «market timing». «Ce n’est pas un jeu qui marche. Il faut rester investi sur le long terme», conseille-t-il. «Le fonds Quaero Capital Funds (Lux) – Argonaut lancé en 2003 affiche une progression depuis lors de 700%. Soit une performance annualisée de 12% que l’on peut comparer au 7% des indices Large caps. Certes, il y a eu des fluctuations de cours, mais ce qui est agréable, c’est que si on a plutôt sous-performé dans des périodes de hausse, nous surperformons dans les périodes de baisse. Investir dans des sociétés avec des fondamentaux solides, et des bilans robustes permet de mieux résister dans cette période de baisse. Nous sommes moins volatils que le reste du marché.»

Valeurs familiales

Les gérants privilégient actuellement l’Europe. Dans un pur esprit «contrarian». «Tout le monde dit que l’Europe va mal et que les États-Unis, c’est génial. Il y a un tel consensus là-dessus que tout l’argent est allé aux États-Unis et est sorti d’Europe. C’est peut-être le moment d’investir en Europe.»

Ils sont également très positifs sur la thématique de «reshoring» (le rapatriement de la production en Europe et à ses frontières). «Cela va nécessiter des investissements. Alors que c’est une vision négative à court terme qui est associée à l’Europe, nous pensons que c’est le moment d’investir dans des entreprises qui ont de belles perspectives à moyen terme grâce à cette thématique de rapprochement des unités de production.»

Dernier thème porteur: les sociétés familiales. «Nous avons remarqué que beaucoup de familles sont en train d’augmenter ou de racheter leur participation dans leur société cotée en bourse. Souvent avec une forte prime… C’est pour nous un signal très intéressant et positif. Les familles sont toujours les meilleurs juges de la vraie valeur d’une société qu’ils ont fondée».

Cet article est issu de la newsletter Paperjam + Delano Finance, le rendez-vous hebdomadaire pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.