La crise du coronavirus va aussi bouleverser le calendrier de la 5G. (Photo: Shutterstock)

La crise du coronavirus va aussi bouleverser le calendrier de la 5G. (Photo: Shutterstock)

Appels, télétravail, streaming, réseaux sociaux… la crise du coronavirus a dopé le trafic des opérateurs télécoms. Considérés comme une activité essentielle du pays depuis le début de l’état de crise, ils s’assurent que tout soit sous contrôle. La 5G, elle, attendra.

C’est psychologique!» Au téléphone, ce matin-là, le CEO du Lu-Cix — le gestionnaire de l’infrastructure de communication du Luxembourg — a une surprenante explication à opposer à la grogne des utilisateurs d’internet, entendue ici ou là. La connexion est lente. Les e-mails mettent parfois des heures à arriver.

«Habituellement, quand les gens travaillent et rentrent chez eux le soir, ils acceptent plus facilement que leur connexion prenne deux ou trois secondes. Confinés chez eux, ces mêmes trois secondes leur semblent interminables, explique Claude Demuth. À mon avis, le problème ne vient pas du Luxembourg, mais des services qu’ils utilisent, dans le cloud!»

Les Whatsapp, Skype et autres Teams, autant d’outils de réseautage ou de télétravail, sont sollicités en même temps par beaucoup plus de gens qu’en temps normal, et leurs serveurs ne peuvent pas répondre à cette très nette hausse de la demande simultanée. D’où ces trois secondes qui agacent.

Parce que «le réseau, lui, assure-t-il, supporte l’évolution de la situation». De la même manière que les résidents luxembourgeois, pour se ravitailler, le trafic a fortement augmenté.

Après trois jours de records à 250 gigabits par seconde, le volume est redescendu à 230 Gb/s une semaine plus tard, à peine plus élevé que les périodes de pic des semaines précédentes.

Les Américains se plient aux demandes de l’UE

Parmi les gros consommateurs de bande passante, les fournisseurs de contenu comme Netflix se sont vite retrouvés montrés du doigt. «Netflix a fait ce que la Commis­sion européenne lui a demandé en baissant sa bande passante, et la baisse du trafic est liée à cette plate-forme de streaming vidéo. C’est très net quand on regarde les chiffres, assure le CEO du Lu-Cix. On voit une baisse du trafic de données venant de chez eux, de 10 à 20%, depuis la fin de la semaine du 20 mars.»

«Nous avons immédiatement développé, testé et déployé un moyen de réduire le trafic de Netflix sur ces réseaux de 25% — à commencer par l’Italie et ­l’Espagne, qui ont connu le plus grand impact. En 48 heures, nous avions atteint cet objectif, et nous le déployons maintenant dans le reste de l’Europe et au Royaume-Uni, explique Ken Florance, vice-président de Netflix, en charge de la content delivery. Les mesures que nous avons prises maintiennent la gamme complète des résolutions vidéo. Donc, que vous ayez payé pour l’ultra-haute définition (UHD), la haute définition (HD) ou la définition standard (SD), c’est ce que vous devriez continuer à obtenir (selon l’appareil que vous utilisez).»

Netflix, qui fonctionne avec différents flux de différente qualité, a coupé ceux qui étaient le plus gourmands sans toucher à la qualité de distribution. La plate-forme américaine est la plus grosse consommatrice de bande passante dans de nombreux pays européens, où le streaming vidéo représente 61% de la consommation de bande passante. Dès le lendemain de son annonce, Youtube et Amazon Prime ont eux aussi accepté de réduire la qualité de leurs images pour ne pas surcharger le réseau. Ce qui n’est pas sans poser de problème à Youtube, qui voulait se profiler comme une base d’informations crédibles sur le coronavirus. Finalement, Facebook et sa filiale Instagram ont eux aussi décidé de se plier aux souhaits de Bruxelles.

«Il y a un autre élément à prendre en compte et qui apparaît peu, pointe encore M. Demuth. Si vous demandez aux gens de ­rester chez eux et de privilégier autant que possible le télétravail, une partie du trafic ne passe plus par le Luxembourg.»

Nous sommes loin de nos capacités maximales en termes de bande passante internet et sur les réseaux fixes et mobiles

Sophie Le GuillouPorte-paroleTango/Telindus

70% de plus quand Bettel parle

«Le réseau national de Post et ses connexions internationales disposent aujourd’hui des capacités nécessaires pour absorber l’augmentation du trafic, rassure Paul Rausch, directeur de la communication de l’opérateur historique. Les équipes de Post Luxembourg surveillent en permanence les réseaux et augmentent, le cas échéant, les capacités pour maintenir une marge de sécurité et pour assurer une connectivité optimale.» La retransmission en direct des interventions du Premier ministre,  (DP), de sa ministre de la Santé,  (LSAP), ou des ministres du gouvernement génère «une hausse de 70% du trafic sur les réseaux fixes et mobiles, sans pour autant atteindre les limites de capacité», détaille le porte-parole de Post.

Depuis le début de la crise, seul le nombre d’appels a augmenté encore plus fortement, de 80%, contre 30% pour le trafic internet, de près de 30% pour Post TV et 20% pour celui des SMS.

«Le trafic “e-mail” a fortement augmenté, ce qui peut provoquer des délais de transmission qui trouvent leur origine non pas dans la capacité des réseaux, mais en général dans la saturation des serveurs qui gèrent l’envoi et la réception des e-mails», explique encore M. Rausch, rejoignant le point de vue de Lu-Cix.

«Nous avons effectivement noté, ces derniers jours, un changement dans le comportement de nos clients, contraints, comme beaucoup, de travailler à partir de leur domicile, analyse aussi la porte-parole de Tango/Telindus, Sophie Le Guillou. Nous pouvons observer une augmentation de trafic assez conséquente pour tout ce qui est des appels sur les mobiles.» «Notre réseau internet est également très sollicité, et nous observons une forte progression du trafic data. Mais il est dimensionné pour faire face à de tels volumes de trafic, et les capacités sont suffisantes, relativise-t-elle. Nous sommes loin de nos capacités maximales en termes de bande passante internet et sur les réseaux fixes et mobiles.» Pour rappel, depuis le 18 mars dernier, le gouvernement luxembourgeois a ordonné que nos activités de télécommunication et de PSF de support, considérées comme essentielles pour le maintien des intérêts vitaux de la population et du pays, soient maintenues.

«Pour être solidaires de nos clients détenteurs d’une offre Tango Internet Mobile et Tango Pack Connected dans le contexte actuel, et pour leur garantir une flexibilité optimale de façon à faciliter le travail à domicile, nous leur offrons l’accès illimité à internet au Luxembourg», propose la porte-parole. Sans que les clients n’aient besoin d’effectuer la moindre manipulation.

Nous privilégions la livraison à domicile pour inciter tout le monde à rester chez soi.

Barbara FangilleDirectrice du marketing et de la communicationOrange

Deux fois plus de coups de fil

Chez Orange, «le trafic voix mobile a fortement augmenté et a été multiplié par deux, dit la nouvelle directrice du marketing et de la communication, Barbara Fangille. La capacité des réseaux est au rendez-vous et tient bien. Pour faire face, nous avons réajusté quelques paramétrages, en particulier au niveau de l’inter­connexion entre opérateurs. Nos réseaux sont conçus pour supporter en temps normal les événements à très forte audience, ils sont donc dimensionnés pour tenir la charge actuelle.»

«Conscients que la connectivité, via le mobile et l’accès à internet à la maison, est essentielle pour rester en contact avec ses proches, télétravailler, suivre sa scolarité, mais aussi se divertir, dit encore la porte-parole du groupe français, nous comptons sur l’engagement et la mobilisation de toutes [nos] équipes, notamment techniques, pour assurer la qualité et le bon fonctionnement des services».

Les trois opérateurs ont dû redéployer leurs équipes. Les équipes techniques, mais aussi les équipes commerciales, de vente ou d’après-vente.

«Aujourd’hui, nous privilégions le contact téléphonique pour la sécurité de tous. Tous nos clients et futurs clients sont rappelés dans l’heure sur simple demande, et nous effectuons des livraisons à domicile. Nos équipes shop se sont repositionnées en soutien téléphonique. Elles sont à l’écoute et répondent de façon personnalisée à chaque demande», poursuit Barbara Fangille. À la place des shops, pour l’instant fermés pour 15 jours, Orange a même lancé un drive, où les clients peuvent venir chercher ce qu’ils ont commandé en ligne. Mais face à un confinement qui se précise et qui pourrait se durcir, «nous privilégions la livraison à domicile pour inciter tout le monde à rester chez soi. Même chose pour le service Orange Repair: nous prenons en charge les smartphones défectueux au domicile des clients, nous les réparons, et nous les rapportons dans les jours qui suivent.»

Le groupe a densifié sa présence sur les réseaux sociaux «pour répondre aux questions, ou tout simplement pour échanger avec notre communauté. À noter que nous avons également adapté le nom de notre réseau, avec la mention “Stay Home Orange LU” sur chaque fond d’écran des mobiles du réseau Orange Luxembourg.»

La 5G passe au second plan

Hasard du calendrier, le coronavirus a complètement bouleversé les plans européens et luxembourgeois sur le déploiement de la 5G. Il y a de moins en moins de chances que les États membres puissent tenir les objectifs, fixés par Bruxelles, de déployer la 5G dans au moins une ville en juin.

Le vendredi 13 mars, jour où les choses se sont accélérées, , qui comprenait les détails des enchères.

Car six candidats s’étaient déclarés sur la partie 700 MHz, et neuf sur la partie 3.600 MHz, au début de l’été dernier, trop pour les largeurs de bande qui doivent être attribuées, ce qui oblige le régulateur des télécoms à passer par des enchères. Au vu du cahier des charges, on peut raisonnablement imaginer qu’il n’en restera que trois ou quatre à la fin d’une procédure assez technique pour les non-­initiés, mais que les opérateurs n’avaient, théoriquement, que jusqu’au 10 avril pour préparer. À l’heure où nous écrivions ces lignes, le régulateur avait repoussé la date limite pour les candidatures, dans le dossier du fournisseur d’électricité, par défaut, du 6 au 27 avril.

Préoccupés à la fois par les tensions sur les réseaux, par la protection de leurs salariés et par celles de leurs clients, les opérateurs télécoms étaient tous rassurants. Et complètement concentrés sur cette situation inédite. «Nous maintenons nos activités et avons tout mis en œuvre, dans les plus brefs délais, afin d’assurer la continuité pour nos clients, tout en préservant la santé des collaborateurs face au Covid-19. Ainsi, même si notre personnel, en grande majorité, doit effectuer obligatoirement du télétravail pour une durée indéterminée, il est à pied d’œuvre pour assurer les services et proposer à nos clients de les accompagner au mieux», expliquent chacun des trois porte-parole.

Les cybermenaces se multiplient

Un porteur du coronavirus infecte en moyenne trois personnes s’il ne prend pas garde. Les cybercriminels sont beaucoup plus dangereux. Installation de fausses applications pour être informés sur les développements du virus, liens vers de faux sites «proches» de l’Organisation mondiale de la santé ou de la Croix-Rouge, fausses collectes de fonds, fausses notes d’informations gouvernementales, fausses nouvelles: toute la panoplie des moyens à leur disposition y passe, , qui alerte également sur les applications de messagerie instantanée et les ravages qu’elles peuvent faire.

«Les cyberattaques de type DDoS et autres sont en forte augmentation, concède, lui aussi, le responsable de la communication de Post, Paul Rausch. Les spécialistes de Post en matière de cybersécurité sont mobilisés pour surveiller les réseaux et, le cas échéant, intervenir. Post recommande une vigilance accrue à tous ses clients particuliers et propose un accompagnement aux clients professionnels par son service Cyberforce.»