«Il faut être très discipliné pour vraiment faire une coupure, parce qu’il y a tous les jours des urgences», estime Paulette Lenert. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/archives)

«Il faut être très discipliné pour vraiment faire une coupure, parce qu’il y a tous les jours des urgences», estime Paulette Lenert. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/archives)

Stratégie de vaccination, déconfinement, semaines de repos… La ministre de la Santé, Paulette Lenert (LSAP), est revenue sur la pandémie de Covid-19 et la situation au Luxembourg lors d’un entretien avec Paperjam. Une rencontre déclinée en 5 volets.

, la ministre de la Santé, (LSAP), a repris les rênes du ministère. Campagne de vaccination, stratégie de déconfinement, difficultés de communication, polémiques autour des maisons de soins: elle est revenue, lors d’un entretien avec Paperjam, sur les enjeux actuels face à la pandémie de Covid-19. Dans cette cinquième et dernière partie, la ministre aborde le rythme de travail intense au ministère et ses trois semaines de coupure.

Avez-vous bien réussi à prendre du recul et à déconnecter pendant vos trois semaines de repos?

Paulette Lenert. – «Trois semaines de convalescence! Ce n’est pas exactement la même chose. Parce que j’entends: ‘ah, tu as l’air bien reposée! C’était bien, les vacances?’ Mais j’étais malade pendant toute une semaine, tout de même! Pendant les deux premières semaines, je n’étais pas bien, j’ai beaucoup dormi, j’ai tout bloqué, déconnecté. La troisième semaine, je me suis préparée à la reprise.

Vous n’aviez pas anticipé ce coup de fatigue?

«Je le sentais, j’étais mal depuis des semaines. Cela s’accumule, mais on a beau se dire qu’il faudrait une petite rupture, ce n’est jamais le moment.

Comment trouver ce moment de repos ou de rupture par rapport à la vie professionnelle, quand on est ministre de la Santé dans le cadre d’une pandémie?

«Il faut être très discipliné pour vraiment faire une coupure, parce qu’il y a tous les jours des urgences: il s’agit de gérer la pandémie, s’informer, prendre connaissance de ce qu’il y a de nouveau... Il faut suivre les travaux en cours, organiser, puis être présent à la Chambre des députés.

Et l’activité parlementaire a été intense. On enregistre des records hallucinants de questions parlementaires. On publie presque tous les jours un communiqué de presse. Et nous devons gérer jusqu’à dix demandes de presse par jour – c’est énorme par rapport à une période normale. Or, nous n’avons pas les réponses toutes faites. Donc, à chaque fois, il faut mobiliser les gens – qui sont quand même censés aussi travailler sur d’autres choses – pour les préparer.

Il est possible de gérer une telle intensité de travail sur deux-trois mois, mais dans la durée… J’ai fait un peu le bilan, c’est hallucinant, c’est presque ingérable!
Paulette Lenert

Paulette Lenertministre de la Santé

Il est possible de gérer une telle intensité de travail sur deux-trois mois, mais dans la durée… J’ai fait un peu le bilan, c’est hallucinant, c’est presque ingérable! Il faut mettre des limites. Ma journée n’a que 24 heures, comme pour tout le monde.

Manquez-vous d’effectifs au sein du ministère de la Santé?

«Pour gérer une pandémie comme cela, on reste dans le provisoire. Donc on a augmenté les effectifs. Mais, à un moment donné, on a arrêté aussi, parce qu’à force de prendre des gens nouveaux, vous êtes toujours en train de les intégrer, et cela prend du temps aussi. Donc, à un certain moment, il faut se dire: voilà, ça, c’est l’équipe, on fonctionne maintenant avec.

Avez-vous décidé de changer votre organisation personnelle, pour éviter un même épisode de saturation?

«J’essaie de m’offrir une pause d’une journée le week-end, ce qui a déjà été raté le week-end passé. Mais, normalement, ça va, c’est quelque chose que j’arrive à faire. J’essaie aussi d’organiser mes repas – par exemple, en ayant un vrai repas au moins trois fois par semaine. Des petites choses comme ça.

Tout le monde est fatigué au ministère. On a pas mal de burn-out, de congés maladie…
Paulette Lenert

Paulette Lenertministre de la Santé

Les équipes ont bien fonctionné pendant votre absence?

«Cela fonctionne bien, j’en avais conscience, donc quand je n’étais pas là, je n’étais pas paniquée non plus. Si demain je meurs, quelqu’un va reprendre le flambeau, personne n’est irremplaçable.

Mais je m’en suis rendu compte quand je suis revenue, parce que j’étais un peu reposée, et alors on le voit plus clairement: tout le monde est fatigué au ministère. On a pas mal de burn-out, de congés maladie…

Je ne suis pas quelqu’un qui regrette. Si quelque chose ne me plait pas, je le quitte, je ne suis pas mariée à vie avec ce job.
Paulette Lenert

Paulette Lenertministre de la Santé

Vous regrettez parfois d’avoir accepté ce portefeuille?

«Non, je ne suis pas quelqu’un qui regrette. Si quelque chose ne me plait pas, je le quitte, je ne suis pas mariée à vie avec ce job.

On n’est pas victime de son métier. Les gens me plaignent. Mais c’est moi qui ai choisi, j’ai dit oui à un moment donné, donc j’assume. D’autres ministres sont partis en pleine pandémie. Si ça devient trop, le jour où, point de vue santé, je n’arrive pas à assumer, j’arrêterai, c’est clair.

Vous vous faites au jeu politique, vous arrivez à composer avec?

«Oui je m’y fais. Le tout, c’est que cela a été mené à une cadence exceptionnelle. La première année où j’étais ministre (aux ministères de la Coopération et de la Protection des consommateurs, ndlr), c’était bien, je ne me plaignais pas du tout de ces jeux politiques. Maintenant, je suis tout le temps en première ligne, c’est évidemment plus pesant. Mais c’est un apprentissage accéléré, ça ne peut que devenir mieux après!

C’est normal de discuter, c’est le propre d’une démocratie, et c’est le propre d’un Parlement de remettre en question, de challenger les idées.
Paulette Lenert

Paulette Lenertministre de la Santé

Et c’est normal de discuter, c’est le propre d’une démocratie, et c’est le propre d’un Parlement de remettre en question, de challenger les idées. De ce point de vue là, ce n’est pas quelque chose qui me choque ou dont je me plains, ça fait partie du job.

Ce que les gens remarquent, on a pu s’en rendre compte sans doute au début, c’est que je suis nouvelle dans cet environnement-là – moins maintenant, ça commence à aller. Ça va!

Et vous savez, si on compare avec l’étranger, ça reste correct, il y a des cultures où ça peut être plus agressif ou plus violent que chez nous.

Une fois la pandémie finie, vous envisagez de rester à ce ministère?

«Oui, les défis sont énormes, notamment avec la Gesondheetsdësch. Or, nous manquons cruellement de temps pour nous donner à fond là-dedans. C’est une grande frustration. Je n’attends que ça, qu’on en finisse avec la pandémie, que je puisse travailler sur ce dossier-là.»

Les différents volets de cet entretien:

1re partie: .

2e partie: .

3e partie: .

4e partie: .