Michel Reuland (à gauche) et Pierre Kremer en pleine préparation du Bichermaart. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Michel Reuland (à gauche) et Pierre Kremer en pleine préparation du Bichermaart. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Du 31 août au 5 septembre se tient à la Belle Étoile le Bichermaart. Organisé par le Lions Club Mameranus, à l’occasion de la braderie de la Ville de Luxembourg. L’événement est incontournable pour les amateurs de livres, et particulièrement de livres luxembourgeois.

Cela fait 31 ans que Michel Reuland, professeur désormais à la retraite, est le responsable du Bichermaart. Il a même été à l’initiative de sa création en 1991 alors qu’il exerçait la présidence du Lions Club Mameranus. Dans la vie d’un club Lions, l’organisation d’événements pour collecter des fonds pour financer les actions sociales est quelque chose de central. «J’étais amateur et collectionneur de livres depuis mon plus jeune âge. J’ai donc proposé d’organiser une collecte d’ouvrages neufs ou anciens pour les revendre.» Si l’initiative a plus suscité de rires que d’enthousiasme à l’époque, le président a néanmoins organisé la première édition avec l’aide de sa famille.

Un membre du club étant à la direction de centre commercial La Belle Étoile, c’est cet emplacement qui fut choisi. Et le succès fut au rendez-vous: 100.000 francs luxembourgeois – soit 2 478,94 euros – furent récoltés. Un succès qui s’est amplifié: l’an dernier, c'est 37.000 euros qui ont été récoltés.

De quoi alimenter le fonds de roulement social du club - 60.000 euros cette année. Fonds de roulement qui permet de financer des actions d’aides «ciblées» comme l’explique Pierre Kremer, le président en exercice du . Des actions aussi bien locales comme des aides pour l’asbl qui vient en aide aux victimes d’accidents vasculaires cérébraux; pour l’ (ALA), pour l’, l’asbl , le financement de bourses d’études pour les bénéficiaires d’une protection internationale (BPI) ou encore le Téléthon. Une liste non exhaustive.

Les projets financés peuvent également être situés hors du Luxembourg. SOS Faim reçoit des subventions, tout comme l’association qui favorise la transition agroécologique.

«Une commission sociale se réunit quatre à cinq fois par an. C’est elle qui décide de l’allocation des fonds et du contrôle de leur bon usage. On ne veut pas soutenir de gros projets déjà financés par l’État. Nous essayons d’intervenir ponctuellement. Comme après les inondations de l’été dernier où nous avons cherché à aider les gens qui étaient passés entre les mailles du filet des aides et des assurances», détaille Pierre Kremer.

Du choix des livres

Comment fonctionne le Bichermaart?

«Depuis 32 ans, les gens nous connaissent. Nous avons des donateurs réguliers, souvent collectionneurs. Et avec le bouche-à-oreille, on nous amène chaque année de plus en plus de livres», détaille Michel Reuland.

Dont une des taches clés est de faire le tri. «Je ne garde que les livres qui sont vendables. C’est malheureusement mon seul critère. Je reçois beaucoup de livres intéressants. C’est même la majorité. Mais il y a des livres pour lesquels il n’y a pas de clientèle – les livres médicaux ou de développement personnel par exemple. Les modes changent aussi. Si avant, c'étaient les livres en français qui se vendaient le mieux, ce sont désormais les livres en allemand. Cela reflète des évolutions sociétales. De plus en plus de jeunes ont du mal avec le français et préfèrent lire en allemand, même en anglais. D’ailleurs, avec le développement de la population anglophone au pays, nous vendons de plus en plus de livres écrits dans la langue de Shakespeare.»

Les livres «courants» doivent être récents. «Nos clients sont de gros lecteurs. Des livres édités en 2000, en 2010, ils les auront déjà lus.»

Les livres doivent également être en bon état. Exit les livres qui auront pris l’humidité dans une cave ou qui dans la bibliothèque d’un fumeur auront pris une trop forte odeur de tabac.

Évidemment, les livres rares sont peu souvent dans un état neuf. Qu’importe! Si l’ouvrage le justifie, Michel Reuland est alors en état de les restaurer. Il a suivi une formation spéciale pour cela.

Le club reçoit souvent des pièces de qualité. Comme un livre de musique ayant appartenu au compositeur Jean-Antoine Zinnen (1827-1899) – «le compositeur de notre hymne national» rappelle Pierre Kremer – où figuraient des pièces de musique inédite. «Un original dont toutes les pages étaient signées». Michel Reuland l’a vendu à la bibliothèque pour un «prix correct». «J’en aurais certainement obtenu plus si je l’avais vendu à un particulier, mais c’était un élément du patrimoine luxembourgeois qui devait être conservé. Il y a des priorités.»

Les livres très rares ou exceptionnels sont souvent mis en vente directement sur le site. Une revente qui a déjà rapporté 5.000 euros au club.

Entre prix juste et prix correct

La question de la fixation du prix «correct» renvoie à des arbitrages qu’avec 30 ans d’expérience, Michel Reuland maitrise pleinement. Le «prix du marché», il le connait en fréquentant les expositions et en faisant des recherches sur internet.

Mais ici, il convient plutôt de parler d’arbitrage, car il faut faire la part des choses. «D’abord, il ne faut pas un prix trop bas afin de respecter les donateurs qui se mobilisent pour aider la politique sociale du club. Mais il ne fait pas un prix trop haut, car j’en ai des milliers à vendre.» C’est la perspective d’avoir des prix inférieurs aux prix que pratiqueraient les bouquinistes qui attirent beaucoup de professionnels et les collectionneurs. «Des collectionneurs qui viennent chaque année – pratiquement les mêmes d’une année sur l’autre – et qui achètent énormément.» Des professionnels qui viennent de Belgique, de France et d’Allemagne et qui sont là dès le prédéballage du mercredi après-midi pour faire leurs stocks

Mais ce n’est pas pour autant que toutes les bonnes affaires seront terminées avant que le Bichermaart ne démarre officiellement.

Déballage en temps réel

Les livres sont stockés dans des cartons – il y en avait 350 au moment de la réalisation de cette interview le 19 août, soit peu ou prou 10.000 ouvrages –, des cartons non étiquetés qui seront ouverts au fur et à mesure, totalement au hasard. «Cela permet de garder un peu de suspens», commente Pierre Kremer. Michel Reuland sera capable de renseigner les acheteurs sur tel ou tel livre qu’il aura en stock. Mais il faudra passer au bon moment…

Les livres qui n’auront pas été retenus pour le Bichermaart seront soit repris par des associations pour leurs œuvres en propres, soit dirigés vers le recyclage des vieux papiers. «Cela représente une camionnette remplie à ras bord tous les 15 jours.» Les invendus connaitront le même sort. Chaque année, le club repart de zéro.

Et les stocks se reconstituent très vite. «On dit que c’est la fin du livre. C’est faux», insiste Michel Reuland pour qui, non seulement il reste des trésors dans les maisons, mais également des amateurs qui ont besoin du contact avec le livre. «Le livre électronique, c’est bon pour les vacances… Lorsque vous travaillez toute la journée sur écran, le soir vous avez besoin de retrouver les sensations de la lecture, visuelle, mais aussi sensorielle.»

L’attrait du Bichermaart, ce sont les livres luxembourgeois. Il y en aura pour 60 cartons cette année et ils représentent entre 40% et 45% du chiffre d’affaires de l’événement. Beaucoup sont des premières éditions. Les livres luxembourgeois, la «Luxemburgensia», c’est ce qui se vend le mieux. Avec les livres anciens et les bandes dessinées qui progressent depuis quelques années.

Le Bichermaart se tiendra du 31 août au 5 septembre dans les locaux de centre commercial Belle Étoile lors de ses heures d’ouverture. Les cartes de paiements ainsi que Payconiq sont acceptés.