Ce mardi 1er avril a marqué le premier vote du Parlement européen sur l’omnibus, un projet législatif visant à simplifier plusieurs réglementations clés dans le domaine de la finance durable. Les eurodéputés ont adopté la procédure d’urgence par 427 voix contre 221, avec 14 abstentions. Cela ouvre la voie à un vote très attendu par les entreprises. Celles-ci devraient bénéficier d’un report de certaines obligations, le temps pour l’Union européenne de retravailler le fond des textes.
«Nous avons voté aujourd’hui le principe d’une procédure de “stop the clock” et nous voterons sur celle-ci jeudi. Renew Europe a voté en faveur de cette mesure afin d’apporter de la prévisibilité aux entreprises», déclare l’eurodéputé Pascal Canfin, négociateur du groupe centriste pour la directive Omnibus.
L’élu français plaidait pour un accord politique, en amont du vote, entre les soutiens de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen: la droite proeuropéenne, les sociaux-démocrates, les centristes et les écologistes. Mais les négociations dans ce sens ont échoué. «Nous regrettons profondément qu’il n’ait pas été possible d’obtenir une majorité von der Leyen lors de ce vote. Nous espérons encore qu’un tel accord pourra être trouvé d’ici jeudi», souligne M. Canfin.
Des délais différents
Les États membres ont déjà approuvé, fin mars, une proposition de la Commission visant à reporter:
• de deux ans l’entrée en application des obligations de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) pour les grandes entreprises qui n’ont pas encore commencé à les mettre en œuvre, ainsi que pour les PME cotées;
• d’un an le délai de transposition et la première phase d’application (couvrant les plus grandes entreprises) de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D).
Pourquoi les délais diffèrent-ils entre la CSRD et la CS3D? «Reporter seulement d’un an la CSRD n’est pas suffisant», estime Pascal Canfin. «Comme nous devons modifier le niveau 1, c’est-à-dire le texte juridique, et que la Commission a des actes délégués importants à rédiger, cela prendra plus de 12 mois — plutôt 15 à 18 mois, à mon avis. En votant pour deux ans, nous apportons de la clarté et suffisamment de temps, mais pas trop non plus.»
Et d’insister: «Tant que les règles ne sont pas modifiées, cela signifie que des entreprises devront légalement, et avec leurs auditeurs derrière elles, commencer à établir leur rapport CSR alors que nous sommes en train de négocier autre chose. C’est pourquoi, de notre point de vue, il est tout simplement logique de leur accorder un “stop the clock”.»
Pour l’eurodéputé français, la proposition de la Commission est «la seule que nous pouvons accepter rapidement. Si l’on ouvre le débat sur les délais, différentes opinions s’exprimeront, il y aura des divergences et cela prendra plus de temps. Nous devrions donc appliquer le même raisonnement que celui qui a prévalu au Conseil. Même si, ici et là, certains pays avaient la volonté d’amender, en fin de compte, ils n’ont rien amendé et ont simplement approuvé l’arrêt de l’horloge tel qu’il était proposé par la Commission».
Non à une réforme qui viderait les directives de leur substance.
Le vote sur la proposition de «stop the clock» aura donc lieu jeudi 3 avril. Précisons toutefois qu’il ne s’agit pas de l’adoption définitive du projet. Après ce vote au Parlement européen, les colégislateurs devront encore s’accorder sur une version finale du texte. À ce stade, on peut raisonnablement penser qu’un compromis pourra être trouvé rapidement, pour permettre une adoption définitive avant l’été. Les États membres de l’UE auront ensuite jusqu’au 31 décembre 2025 pour transposer la directive dans leur droit national.
Restera à s’entendre sur le fond, à savoir la révision des textes CSRD et CS3D dans le cadre de l’omnibus. Pascal Canfin donne sa ligne: «Oui à la simplification, si elle permet de faciliter et de renforcer la mise en œuvre de nos ambitions. Non à une réforme qui viderait les directives de leur substance et nous empêcherait d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés pour l’Union européenne.»
Sur la CSRD, le négociateur de Renew estime que «ses lignes rouges sont pour l’instant maintenues», à commencer par la double matérialité (le fait de considérer à la fois l’impact de l’entreprise sur l’environnement et la société, et l’impact des enjeux environnementaux et sociaux sur l’entreprise). Sur la due diligence, il critique néanmoins la nouvelle proposition de la Commission, qui revient sur l’harmonisation européenne des régimes de responsabilité civile. «Cela réintroduit une concurrence entre les États membres», craint-il.
C’est une dilution profonde du devoir de vigilance et du reporting.
Fernand Kartheiser (groupe des conservateurs et réformistes européens) votera pour le report. «Une large majorité à droite soutient ce report car c’est un pas dans la bonne direction», déclare l’élu national-conservateur. «S’agissant de la CSRD, je suis pour l’abolition d’un maximum de bureaucratie. Et pour ce qui est de la CS3D, je suis pour sa suppression pure et simple. Son approche est idéologique et irréaliste: les entreprises ne peuvent pas être tenues responsables de ce qui relève des États, comme le respect des droits humains dans les pays tiers. À force d’imposer des exigences unilatérales, on nuit à l’approvisionnement européen.»
À gauche, Tilly Metz (groupe des Verts) envisage de s’opposer à ce report, interprété comme le premier acte d’une vaste entreprise de déréglementation. «Maintenant, nous nous concentrons sur le “stop the clock”, mais le vrai problème est la dérégulation à venir: c’est une dilution profonde du devoir de vigilance et du reporting. Cela crée de la confusion, pénalise les entreprises déjà engagées dans la compliance et prive les banques de données essentielles. Ces directives sont des avancées majeures pour les droits humains et l’environnement. Les remettre en question maintenant, sans évaluation ni concertation, nuit à la crédibilité des institutions européennes.»