L’instant-clé: en 2012, avec son parti, Mikhaïl Prokhorov a servi indirectement les intérêts de Vladimir Poutine; un an plus tard, c’est le contraire. Ami ou ennemi du président, le milliardaire a su naviguer pour éviter les sanctions. (Photo: Shutterstock)

L’instant-clé: en 2012, avec son parti, Mikhaïl Prokhorov a servi indirectement les intérêts de Vladimir Poutine; un an plus tard, c’est le contraire. Ami ou ennemi du président, le milliardaire a su naviguer pour éviter les sanctions. (Photo: Shutterstock)

Régulièrement présenté, aux États-Unis et en Europe, comme le prochain oligarque russe à être sanctionné, Mikhaïl Prokhorov y échappe. La 193e fortune mondiale (11,4 milliards de dollars) est l’illustration parfaite des difficultés que rencontrent ceux qui sanctionnent.

L’endroit est paradisiaque. À part Will Smith qui préfère se détendre à coups de cocktails et de barbecues au Pirates Bar de l’île voisine de Frégate, tout le gratin d’Hollywood est déjà venu déstresser sur North Island, aux plages sublimes, aux eaux turquoise et aux lodges apaisants et luxueux confiés depuis 2017 à Marriott. Achetée 35 millions de dollars à Wilderness Safaris en 2010 via la holding chypriote Groval et «logée» chez la luxembourgeoise Ripple Group depuis 2018, l’île des Seychelles, la quatrième île privée la plus chère au monde, appartient à l’oligarque russe Mikhaïl Prokhorov.

Sauf au Luxembourg, où le bénéficiaire effectif de cette société qui n’a aucune activité ni au Luxembourg ni ailleurs est le Russo-Maltais Yury Sokolov, ancien conseiller à l’ambassade russe au Luxembourg (2013), et visiblement une des petites mains préférées des oligarques, à en juger par sa présence comme administrateur à différents niveaux dans plus de 500 sociétés, principalement en Russie.

Plages sublimes, eaux turquoise et loges apaisantes et luxueuses: North Island a été acquise par M. Prokhorov en 2010. (Photo: www.north-island.com)

Plages sublimes, eaux turquoise et loges apaisantes et luxueuses: North Island a été acquise par M. Prokhorov en 2010. (Photo: www.north-island.com)

Selon le Registre des bénéficiaires effectifs, M. Prokhorov n’est pas non plus le bénéficiaire ultime de Socket Holding, une des autres sociétés luxembourgeoises dans lesquelles est logé son yacht de près de 100 mètres de long – la longueur est importante parce que cela limite le nombre de ports d’accueil potentiels. C’est son compatriote Mikhail Ershov qui y occupe cette position, alors que le milliardaire russe en est bien le bénéficiaire, à travers une autre sàrl luxembourgeoise, Hydrus Investments, qui détient 100% de la suédoise Amitjugofem. à ce proche de Poutine pour son dispositif qui lui a permis d’éviter le paiement de la TVA sur le Palladium, un palace flottant à 200 millions de dollars.

Des relations compliquées avec le Kremlin

Ces 250 millions de dollars, sur une fortune estimée à 11,5 milliards de dollars, doivent-ils être ciblés par les autorités dans le cadre des sanctions contre les proches de Vladimir Poutine? Cela fait-il du sens?

«Si vous faites comme les Américains, qui commencent par taper ‘Russia’ dans le classement des milliardaires de Forbes pour s’intéresser à la réalité de leur patrimoine, peut-être», ironise une source européenne, qui n’a évidemment pas envie de se voir citée dans ce genre d’article. , M. Prokhorov est 193e fortune mondiale avec 11,5 milliards de dollars. Il y est le 14e Russe, où Mikhail Fridman est 12e avec 15,5 milliards et Roman Abramovitch 13e avec 14,5 milliards.

Sous-entendu, «sinon, c’est plus compliqué», parce que les relations entre ce géant de 2m03 et le président russe, Vladimir Poutine, se sont tendues. Au début des années 1990, à l’éclatement de l’empire soviétique, le jeune Mikhail quitte le secteur public pour la banque privée Compagnie Internationale Financière de 1992 à 1993, puis le conseil d’administration de la banque privée Onexim depuis 1993. C’est là qu’il fait l’acquisition, avec Vladimir Potanine, du géant russe du nickel Norilsk Nickel. Il en devient le CEO et il en sera écarté en 2007 dans un contexte de confrontation musclée avec son ancien partenaire lié à l’interpellation de M. Prokhorov par la justice française dans le cadre du démantèlement d’un réseau de prostitution de luxe, dossier sur lequel le milliardaire a obtenu un non-lieu.

Sur sa carte de visite, il ajoute la présidence du conseil d’administration de la compagnie Polyus Gold entre 2006 et 2013, celle d’Onexim Group depuis 2007, le poste de membre du conseil d’administration de MMC Norilsk Nickel depuis juin 2008, 50% du capital de la première banque d’affaires russe et RBC Information Systems, un conglomérat médiatique.

Les Nets sacrifiés pour Poutine

Le ministre luxembourgeois de l’Économie de l’époque, Jeannot Krecké (LSAP), , dans ce qui est alors une vaste opération luxembourgeoise de séduction des stars russes du monde des affaires. La crise de 2008-2009 a englouti la moitié de sa fortune, mais il reste solidement calé autour de la 40e position du classement de Forbes.

Le milliardaire se lance en politique. D’abord pour apporter sa contribution à la victoire à l’élection de Dmitri Medvedev en 2011 qui permet à Poutine de contourner le code électoral, avant de faire élire son candidat au poste de maire de la quatrième ville du pays contre le candidat de l’actuel président.

M. Prokhorov commence à se débarrasser de ses assets liés à l’industrie. Comme s’il craignait les foudres présidentielles. Il vendra ses dernières parts dans UC Rusal à quelques semaines des premières sanctions américaines contre la Russie. L’autre illustration arrivera quelques années plus tard, quand le propriétaire des Nets de New York, qu’il a acquis pour 200 millions de dollars en 2008, achève la vente du club au fondateur d’Alibaba pour 2,9 milliards de dollars en 2019. Un sacrifice, assurent les observateurs, qui lui a été demandé par M. Poutine comme un signe de son allégeance au régime, bien connu des oligarques.

A-t-il des assets liés au régime? Probablement un peu dans le cadre de sa holding. Bénéficie-t-il de l’écoute du président au point de pouvoir l’inciter à interrompre la destruction totale de l’Ukraine? Plus difficile encore à dire. Est-il un oligarque comme les autres? Certainement. Un des rares oligarques de premier plan qui est parvenu à échapper aux sanctions. Toute la difficulté à bien doser les sanctions, sur les plans moraux, économiques et de l’efficacité, est résumée dans ces questions.

, le milliardaire est entré dans une autre dimension. Son projet? Offrir l’immortalité numérique.