La Pebble Lounge Chair a été développée et produite au Luxembourg. (Photo: Olaf Recht)

La Pebble Lounge Chair a été développée et produite au Luxembourg. (Photo: Olaf Recht)

Ce Luxembourgeois né de parents allemands souhaitait dès son plus jeune âge devenir designer. Après une longue expérience acquise aux États-Unis, il revient en Europe et développe un design aux multiples approches.

Adolescent, déjà, Olaf Recht voulait devenir designer. Il profite de la nouvelle section design ouverte au Lycée de Garçons à Luxembourg pour faire ses premiers pas dans cette discipline. Puis, à l’occasion d’un article de presse, il découvre l’Art Center College of Design à La Tour-de-Peilz en Suisse et décide que ce serait son lieu d’apprentissage. Il fait alors ses valises et part se former au design d’objet. «Il s’agissait d’une école avec un petit effectif d’élèves et un enseignement de grande qualité», se souvient le designer.

Mais l’établissement doit fermer ses portes en cours d’année et la direction propose aux élèves soit d’arrêter leur scolarité soit de la poursuivre dans l’antenne de Los Angeles. Après concertation avec ses parents, il décide de traverser l’Atlantique et de tenter l’aventure américaine. Un choix qu’il ne regrette aucunement et qui marque le début de sa vie professionnelle, puisqu’après l’école, il décroche d’abord un poste à San Francisco, puis devient consultant en design à Los Angeles.

«J’ai fait un peu de tout: de la consultance pour les consommateurs, dessiné des frigos et d’autres appareils ménagers, mais aussi des appareils destinés au milieu médical, ou encore des appareils périphériques comme des imprimantes pour HP, Canon ou Epson. J’ai beaucoup travaillé et cela a été très formateur pour moi. À l’époque, l’agence pour laquelle je travaillais, RKS Design, était une des cinq plus importantes au monde. C’était une opportunité formidable.»

Des allers-retours États-Unis/Europe

Mais après être resté quelque temps à Los Angeles, Olaf Recht décide de rentrer en Europe. Il prend alors la direction de Berlin, où il rejoint des amis et crée sa société de consultance en design, Intransit, et travaille pour AVM et Deloitte, entre autres.

«À ce moment-là, ma vie professionnelle à Luxembourg est quasi inexistante. J’ai juste réalisé quelques projets d’architecture intérieure et un peu de graphisme pour la Loterie nationale.» En parallèle, son réseau à Los Angeles continue de lui passer des commandes. Il y retourne pour six mois, qui se transforment vite en un an, puis en sept années supplémentaires.

«Je faisais de la consultance en indépendant et travaillais pour de nombreux clients, comme Dräger, Magellan ou Nokia, avec une grande diversité de projets.» C’est à cette époque qu’il rejoint une entreprise médicale, Advanced Bionics, qui conçoit des implants électrostimulateurs.

«Lorsque je dessinais des imprimantes, l’approche était surtout formelle. Nous avons bien introduit l’une ou l’autre nouveauté, comme la possibilité de se connecter avec un port USB, par exemple, mais c’était surtout une approche marketing. Je recherchais alors des projets plus intenses, avec plus de recherche et développement. C’est pour cela que je me suis engagé dans le design médical, car ce que nous dessinions changeait vraiment la vie des personnes qui utilisaient les appareils.»

Olaf Recht. (Photo : Olaf Recht)

Olaf Recht. (Photo : Olaf Recht)

Il réalise, par exemple, le design d’implants auditifs et se souvient de l’émotion ressentie lorsqu’un des patients, en essayant son produit, entend pour la première fois la voix de ses proches.

«Ces produits demandaient une recherche très poussée. Nous avions parfois besoin de trois ou cinq ans de développement avant que le produit ne puisse être mis en circulation sur le marché. Au bout d’un moment, j’ai trouvé ce temps de développement trop lourd, pas assez réactif pour répondre à mes envies créatives. J’avais besoin d’avoir un rythme moins dissous et moins lié à des démarches administratives. Toutefois, c’était un travail très gratifiant, avec une grande force humaine, qui donne du sens au travail quotidien, même si le processus est long et fastidieux.»

À côté des appareils auditifs, il travaille au design d’appareils de gestion de la douleur par stimulation électrique placés sur la colonne vertébrale. «Ce sont des appareils qui sont très pointus dans leur technique, mais qui doivent malgré tout rester simples d’utilisation et conviviaux pour l’interface avec l’utilisateur. Il faut aussi que ces appareils puissent répondre à différents niveaux de compétences des utilisateurs, de la personne âgée qui devra s’en servir avec le minimum d’options, au grand spécialiste qui doit avoir accès à toutes les données et [tous les] réglages possibles offerts par cette technologie. Le design de l’interface de ces produits est donc extrêmement important et complexe à mettre en place.»

La voie de l’indépendance

Après ces années passées loin de sa famille, Olaf Recht décide de revenir en Europe. Il réalise alors l’aménagement intérieur d’un bar lounge à Bettembourg et dessine à cette occasion des luminaires. «Puis, je suis allé un peu au Danemark. C’est à cette époque que j’ai commencé à travailler avec BoConcept et à éditer du mobilier avec eux.»

À plusieurs reprises, ses créations sont sélectionnées pour entrer dans leur catalogue, comme les lampes Pinecone, Privacy et Texture. Toutefois, la relation ne le satisfait pas pleinement et Olaf Recht choisit plutôt la voie de l’indépendance. Il choisit de s’installer à Luxembourg et dessine alors plusieurs intérieurs privés ou aménagements de bureaux. À côté, il continue de dessiner des produits et, par exemple, réalise une nouvelle gamme de brosses à dents pour Braun ou dessine une gamme de sèche-cheveux.

«Ma volonté en travaillant au Luxembourg était de dessiner des objets qui puissent être également produits ici. Or, c’est difficile, car les coûts sont très élevés. J’ai produit quelques chaises et tables dont la famille d’assises et de table Pebble, en collaboration avec Modulor, mais les coûts de production sont trop importants pour pouvoir les commercialiser à un prix raisonnable.»

Après quelques expériences, Olaf Recht pense actuellement orienter différemment sa chaîne de production et envisage de travailler avec d’autres pays, notamment en Europe de l’Est, pour faire produire à coût moindre.  «En plus de ces expériences, j’ai aussi réalisé de nombreuses interfaces ou des designs d’appli et de sites internet. Là encore, le confort de l’utilisateur est primordial pour ces projets. L’approche est souvent la même, il ne faut cesser de questionner et de chercher les bonnes solutions.»

Des expériences architecturales

À plusieurs reprises, Olaf Recht a eu l’occasion de réaliser des projets d’architecture. «C’est un sujet qui me plaît beaucoup. J’ai pu dessiner une maison pour un membre de ma famille ou encore plusieurs réaménagements d’appartement, en Allemagne et au Luxembourg. Grâce à mon parcours, je peux apporter une attention supplémentaire à l’expérience de l’espace. Je fais très attention aux ressentis des espaces, réfléchis aux lieux où on s’assoit, à comment la communication peut se passer à l’intérieur d’un espace. J’aime apporter une approche 'design thinking' à l’architecture et placer l’expérience de l’utilisateur au cœur de la réflexion.»

C’est en suivant cette approche qu’il collabore avec Anne Kieffer pour concevoir l’architecture intérieure d’un projet d’hôtel quatre étoiles en Suisse élaboré par Architectes Paczowski et Fritsch – projet qui n’a jamais vu le jour – ou encore avec l’Atelier d’architecture et de design Jim Clemes pour le lobby de la banque BGL BNP Paribas. Par ailleurs, il dessine la réception et l’espace Café pour Binsfeld, aménage l’espace de restauration «Am Véierzeng» au musée d’histoire de la ville de Luxembourg et réalise tout récemment l’aménagement intérieur d’un appartement dans la résidence SOHO à Hollerich.