Nicolas Thieltgen, avocat à la Cour et managing partner du cabinet Brucher Thieltgen & Partners, éclaircit la nuance entre inspiration et plagiat dans le domaine de l’art. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Nicolas Thieltgen, avocat à la Cour et managing partner du cabinet Brucher Thieltgen & Partners, éclaircit la nuance entre inspiration et plagiat dans le domaine de l’art. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

La différence entre inspiration et plagiat est parfois mince dans le domaine artistique. Nicolas Thieltgen, avocat à la Cour et managing partner du cabinet Brucher Thieltgen & Partners, nous éclaire sur cette problématique.

Jingna Zhang, une photographe singapourienne d’origine chinoise, . D’un point de vue juridique, la nuance entre inspiration et plagiat dans le domaine artistique est souvent ténue.

, avocat à la Cour et managning partner du cabinet Brucher Thieltgen & Partners, nous apporte quelques explications. 

La différence entre l’inspiration et le plagiat est un débat ancien dans le monde de l’art. En tant qu’avocat, comment définit-on une œuvre originale?

Nicolas Thieltgen. – «Il y a effectivement des centaines de livres et d’ouvrages qui traitent de ce sujet. C’est très compliqué du fait de la diversité des types d’œuvres. De manière générale, l’artiste doit faire tout un travail pour démontrer que sa production est une œuvre originale. On peut s’inspirer de quelque chose, mais on doit avoir ajouté un élément qui apporte une originalité à son œuvre pour qu’elle se distingue de l’œuvre de laquelle on s’inspire. Cela peut paraître abstrait ou très théorique, mais, en résumé, il faut pouvoir apporter quelque chose de plus que ce dont on s’est inspiré.

Qui peut juger de l’originalité d’une œuvre, ou du moins de la limite entre l’inspiration et l’originalité?

«Souvent, dans un tribunal, le juge, qui est un être comme un autre, va faire appel à un expert. Ce dernier va lui remettre un rapport sur la question ou le sujet afin de permettre au juge de prendre une décision. Il y a beaucoup d’exemples dans le milieu musical. Je pense par exemple à Robin Thicke et Pharrell Williams, qui ont été condamnés pour le plagiat d’un titre de Marvin Gaye dans leur tube ‘Blurred Lines’. Généralement, la justice tente de déterminer si, en ce qui concerne la composition, l’harmonie, la rythmique, etc., il y a des éléments qui permettent de faire la différence entre une inspiration et un plagiat. En ce qui concerne les reproductions graphiques, le raisonnement sera le même. Il faut que l’œuvre présente un caractère original suite à l’apport d’un élément distinctif issu de son inspiration.

Parler de plagiat involontaire n’est finalement pas un point pertinent. On peut toujours chercher une inspiration, l’art s’appuie nécessairement sur le passé créé.
Nicolas Thieltgen

Nicolas Thieltgenavocat à la Cour et managing partnerBrucher Thieltgen & Partners

Peut-on plagier involontairement?

«Parler de plagiat involontaire n’est finalement pas un point pertinent. On peut toujours chercher une inspiration, l’art s’appuie nécessairement sur le passé créé. Les impressionnistes ont peint d’une certaine manière, car tel peintre a commencé à développer telle technique auparavant et ainsi de suite. Cependant, plagier, c’est aller plus loin. C’est vouloir associer son nom au travail d’un autre.

Peut-on faire d’un plagiat un parti pris artistique?

«Si l’auteur se revendique d’un plagiat, il va avoir un problème dans la mesure où il reconnaît ne pas avoir apporté une originalité à l’œuvre. Au pire, il pourra co-signer son œuvre à condition d’avoir trouvé un arrangement avec l’artiste original.

En musique, il est possible d’acheter des droits d’auteur pour réutiliser un son. Est-ce possible avec la peinture ou la photographie?

«On peut sans doute imaginer pouvoir trouver un arrangement avec l’auteur original d’une œuvre. Mais je n’ai pas connaissance qu’en peinture ou en photographie, cela soit aussi bien développé que pour la musique, où le secteur a très vite balisé juridiquement la question.

Peut-on se protéger du plagiat?

«Cela semble difficile d’empêcher une personne de plagier une œuvre. Par contre, il existe la possibilité de faire des actions en justice après qu’un plagiat a été constaté. Ce qui n’empêche pas un artiste de mettre en place des mesures lors de la création de son œuvre prouvant que c’est bien lui, à une certaine date, qui a créé l’œuvre en question. Il existe différents systèmes et différentes bases de données qui permettent de donner une date. Chaque type d’œuvre possède son système de protection.

Nous avons une bonne législation au Luxembourg, et il est toujours intéressant d’avoir des cas d’application dans les tribunaux.
Nicolas Thieltgen

Nicolas Thieltgenavocat à la Cour et managing partnerBrucher Thieltgen & Partners

Est-ce que le Luxembourg dispose d’une loi suffisamment forte en matière de droit d’auteur?

«Nous avons une loi sur le droit d’auteur assez bien construite et assez complète au Luxembourg avec la loi du 18 avril 2001 sur le droit d’auteur et sur les droits voisins et les bases de données. Évidemment, nous sommes un petit pays, et nous n’avons pas des milliers d’artistes qui produisent des milliers d’œuvres par an comme c’est le cas dans les grands pays. Néanmoins, nous disposons d’un cadre législatif qui n’a pas à rougir.

Est-ce que ce différend entre Jingna Zhang et Jeff Dieschburg pourrait être un cas d’école pour les jeunes avocats luxembourgeois?

«Il est toujours intéressant d’avoir des cas d’application dans les tribunaux. En considérant la science du droit, ce cas peut s’avérer effectivement très intéressant. Mais dans l’intérêt des deux parties, il est parfois préférable de trouver un arrangement.

Si l’artiste Jingna Zhang, qui se dit plagiée, souhaite intenter une action en justice, doit-elle le faire devant la justice luxembourgeoise ou peut-elle le faire devant la justice américaine?

«Là aussi, cela peut être intéressant, et cela va dépendre de tout un jeu de conventions, en veillant à ce qu’il n’y ait pas une situation de compétence concurrente. Il serait délicat de tenter de répondre à cette question sans effectuer des recherches approfondies sur le sujet. Mais les Américains ont parfois tendance à considérer les États-Unis comme le monde, donc cela ne m’étonnerait pas qu’une législation américaine permette à l’artiste d’entamer une démarche judiciaire depuis là-bas.»