CEO d’Axa Luxembourg et Axa Wealth Europe, Octavie Dexant est également vice-présidente de l’Aca depuis 2022. Elle siège aussi aux conseils de Sécurité routière depuis 2022 et de la Fédération des compagnies d’assurances depuis 2022.  (Montage: Maison Moderne)

CEO d’Axa Luxembourg et Axa Wealth Europe, Octavie Dexant est également vice-présidente de l’Aca depuis 2022. Elle siège aussi aux conseils de Sécurité routière depuis 2022 et de la Fédération des compagnies d’assurances depuis 2022.  (Montage: Maison Moderne)

Dans son numéro «Women on board», Paperjam met en lumière plus de 100 profils de femmes prêtes à rejoindre un conseil d’administration. Tout au long du mois de mars, découvrez divers profils de femmes ainsi que leurs points de vue et leurs idées pour un meilleur équilibre des genres dans les instances de décision. 

Diplômée de Sciences Po Paris, cursus franco-allemand,  a abordé le secteur de l’assurance en tant qu’auditrice chez PwC durant trois ans avant d’intégrer en 2010 la direction de la stratégie du groupe AXA, menant des études d’opportunité variées pour la direction générale.

En 2014, elle devient responsable de la stratégie de Creditor, entité globale d’AXA dédiée à l’assurance emprunteur. Elle y mène l’acquisition de Genworth LPI et est nommée secrétaire générale du nouvel ensemble. En 2017, elle rejoint la direction commerciale d’AXA Partners Holding, remporte en 2018 l’appel d’offres d’ING pour un partenariat digital global et devient directrice générale adjointe de cette joint-venture virtuelle.

Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés en tant que femme administratrice indépendante?

«J’avais 37 ans quand je suis devenue CEO et administratrice, et je dirais que c’est davantage l’âge que le fait d’être une femme qui a pu s’avérer être un challenge en termes de perception de légitimité. Je ne crois pas que le fait d’être une femme ait soulevé des défis particuliers. 

Comment gérez-vous les éventuelles résistances ou le scepticisme à votre égard?

«Comme partout, conseil d’administration ou pas conseil d’administration: par l’engagement, par l’action et en essayant de ne pas manquer de courage.  En construisant ma légitimité sur le fond des sujets, mais aussi en prouvant que l’on peut compter sur moi pour défendre les intérêts de la société, pour mener les combats qui doivent être menés en faisant passer l’intérêt de l’entreprise avant mon intérêt individuel.

Pensez-vous que l’égalité hommes-femmes progresse au sein des conseils d’administration?

«Les choses évoluent et c’est une très bonne chose, sans aucun doute grâce à des initiatives telles que la Women in Finance Charter, qui sont des signaux et des cadres forts.  Néanmoins, j’avoue espérer qu’au-delà de ces garde-fous que l’on place, les conseils d’administration se diversifient avant tout parce que la valeur de la diversité est enfin reconnue à son juste niveau, pour la complémentarité des points de vue et des raisonnements ou styles de leadership qu’elle apporte.

Que pensez-vous des quotas pour les femmes dans les conseils d’administration? 

«Pour moi, c’est un mal nécessaire. Nécessaire, car c’est la seule garantie de combler un déficit structurel de façon significative et dans un délai établi, mais en tant que femme, cela peut aussi nous faire du mal, car cela laisse planer le doute quant aux réelles raisons de nos nominations. Cela peut venir questionner notre légitimité et il nous faut ensuite nous battre deux fois plus pour prouver que nous sommes à notre juste place et pas seulement un pourcentage d’objectif. 

En tant que femme administratrice, vous sentez-vous investie d’une responsabilité particulière dans la défense de la parité et de l’inclusion?

«Bien entendu, mais c’est une responsabilité qui incombe à tous les administrateurs et pas uniquement aux femmes. En revanche, la responsabilité particulière que je porte en tant que femme administratrice, c’est sans aucun doute celui d’agir en role model, d’ouvrir la route et les perspectives pour les femmes qui vont suivre. C’est incarner et montrer par l’exemple que c’est possible et que les femmes peuvent aspirer à ces responsabilités.

Selon vous, comment la diversité influence-t-elle la performance d’un conseil d’administration?

«De la même façon qu’il faut de tout pour faire un monde, il faut de tout pour faire un board! La diversité, dans toutes ses dimensions, influence incontestablement la puissance d’un conseil d’administration. La diversité de genres, bien sûr, mais aussi d’âge, de culture, d’expérience et de modes de raisonnement. Cela dope l’intelligence collective et cela garantit que l’entreprise, à son plus haut niveau, soit le reflet le plus réaliste possible de la société qu’elle sert. Être un miroir des clients que l’on sert.

Selon vous, quelles solutions ou quelle politique pourraient encourager une meilleure parité?

«Il faut des politiques pour encourager les nominations de femmes, mais il faut aussi et surtout des leviers pour casser les spirales d’autocensure des femmes. Nous sommes parfois notre pire ennemi. Ce qui m’a personnellement été le plus utile, c’est le ‘shadowing’. Voir faire quelqu’un et faire avec lui/elle, pour savoir qu’à mon tour j’étais capable de le faire au moment où l’opportunité se présentait, voire même créer l’opportunité. J’ai occupé des postes de deputy managing director ou chief of staff qui m’ont permis d’être confrontée au plus près aux challenges des dirigeants et d’observer leurs postures, de penser à deux, avec eux.

Si l’on mettait en place un ‘shadowing’ de chaque administrateur par une femme jeune, on construirait la future génération d’administratrices expérimentées et conscientes d’être légitimes.

Quel conseil donneriez-vous à une femme qui hésiterait à se lancer?

«De ne pas hésiter! C’est très stimulant et enrichissant de siéger à un conseil d’administration. La prise de recul nécessaire, que ce soit du fait du rôle ou du fait que l’on ne siège pas dans sa propre entreprise, permet selon moi de gagner en recul dans sa propre entreprise.

C’est l’opportunité de nous éloigner quelques instants du ‘faire’ et d’avoir une influence stratégique sans implication opérationnelle.

Enfin, je suis convaincue que cela permet de comprendre davantage les attentes de son propre conseil d’administration.

Pour finir, avez-vous une anecdote ou un moment marquant dans votre parcours qui illustre la réalité d’être une femme dans ce rôle?

«Un des grands moments que j’ai pu vivre en tant qu’administratrice est probablement d’avoir porté, au nom de l’Aca, la cofondation de la Women in Finance Charter au Luxembourg. Cela résonne avec cette responsabilité dont je parlais précédemment: ne pas se satisfaire ‘d’en être’, mais s’assurer que les femmes qui suivront seront, elles aussi, autour de la table.

Que conseilleriez-vous concrètement à une jeune femme qui voudrait prendre sa place dans la société? Que lui déconseilleriez-vous?

«Je lui conseillerais d’être curieuse, des sujets et des gens. De tisser son réseau en allant à la rencontre des autres pour se faire connaître et pour être informée des opportunités. Et surtout d’être authentique en toute circonstance. Car ce que je lui déconseillerais, c’est de vouloir ‘prendre le costume’ de quelqu’un d’autre ou de surjouer. Elle doit être connue et reconnue pour ce qu’elle est vraiment et la valeur qu’elle peut apporter et non pas pour une façade.»