Selon Olivier Debat, Senior Investment Specialist à l’UBP, les difficultés rencontrées sur le marché obligataire en 2022 – les taux d’intérêt sont remontés dans un mouvement très rapide imposé par les banques centrales pour maîtriser l’inflation tandis que les spreads de crédit se sont élargis à cause de la crainte d’une récession – se sont transformées en opportunités cette année. Dans le contexte actuel, il se montre très positif sur les produits à revenu élevé, dont le High Yield.
Après une année 2022 qui a vu un recul conjoint des actions et des obligations, quelle est aujourd’hui la place des obligations dans un portefeuille?
Olivier Debat. – «C’est vrai qu’en 2022, on a perdu la relation qui existait entre obligations et actions qui faisait qu’historiquement, dans un portefeuille équilibré, la partie taux – les obligations – venait aussi protéger, les parties plus risquées que ça soit les parts en action ou les parts en crédit. Cela avait créé beaucoup d’incertitude alors que la force de l’inflation avait surpris tout le monde et qu’on avait un manque de visibilité quant au point haut de la remontée des taux.
Aujourd’hui, les obligations ont à nouveau toute leur place dans les portefeuilles. Cela dépend évidemment des profils de risque, mais les obligations permettent de s’exposer aux taux d’intérêt, notamment aux taux américains. Dans l’équipe Global & Absolute Return Fixed Income de l’UBP, on est positif sur les taux américains et plus prudents sur les taux européens parce qu’on n’est pas au même niveau dans le cycle de l’inflation.
Aux États-Unis, on constate que l’inflation core – hors immobilier et loyers – baisse. Cela est confirmé par plusieurs indicateurs. La direction est là même si le rythme est incertain. Le seul composant qui est toujours très fort, c’est la partie inflation des loyers. Mais on sait que l’indice des loyers dépend de l’évolution des prix de l’immobilier avec un décalage de 15 mois. Sachant que le prix de l’immobilier qui s’est déjà retourné, on s’attend à avoir une pause dans l’inflation des loyers dans les six mois. Globalement, la désinflation est en cours. Et même si la situation pourrait encore être volatile, la bascule est entamée et on sait que la Fed est presque arrivée à son taux terminal.
Ce qui redonne de la visibilité sur les taux d’intérêt.
Quels sont les segments les plus prometteurs sur le marché obligataire en ce moment selon vous?
«Notre scénario central envisage une baisse probable de l’inflation. Une inflation qui restera cependant plus élevée que ce que l’on a connu ces dix dernières années. Par conséquent, il faut générer des revenus qui soient supérieurs au taux d’inflation. Ce qui nous amène à privilégier des actifs à haut rendement, notamment le High Yield, et ce, en proportion un peu plus importante que par le passé. En effet, le rendement des obligations ‘high yield’ a doublé depuis les plus bas de 2021, alors même que les fondamentaux des émetteurs se sont majoritairement améliorés.
Sur ce segment, nous nous concentrons sur le double B. Si on regarde son taux de défaut historique à un an, il est depuis les années 1990 de 0,6%. Pour le triple B, il est de 0,2%. Dans les faits, on a donc un risque de défaut qui est très similaire pour des rendements qui sont meilleurs.
Pour un investisseur qui ne touche habituellement pas au High Yield, le double B peut être une solution lui permettant de s’exposer à la classe d’actifs.
Un autre segment mérite également une attention particulière sur le marché obligataire à revenu élevé – la dette titrisée, et notamment les CLO (Collateralised Loan Obligations). Il s’agit de prêts aux petites et moyennes entreprises regroupés au sein d’un véhicule de titrisation. Un titre CLO comprend généralement plus de 200 prêts individuels, avec des règles strictes pour certains paramètres telles que l’exposition maximale par débiteur et par secteur. Depuis 1993, pas un seul CLO noté AAA ou AA n’a fait l’objet de dépréciation. En dépit de leur structure défensive, les CLO génèrent aujourd’hui des performances attrayantes. Et les CLO européens se distinguent particulièrement par leurs niveaux de valorisations attractives.
Quel est l’impact de la crise bancaire sur les perspectives d’investissement obligataire?
«Il y aura sûrement un impact sur la politique des taux de la Fed et des autres banques centrales. On a bien vu qu’un cycle de resserrement des conditions monétaires créé de la volatilité. La leçon principale que j’en tire à ce jour, c’est la résistance des dettes seniors bancaires qui n’ont pas été impactées lors de l’acquisition de Credit Suisse par UBS.
Le marché des dettes AT1 – des obligations liées au niveau de fonds propres de la banque qui les a émises – ont montré qu’elles sont plus volatiles, mais restent une classe d’actifs investissable pour ceux prêts pour ce type de risque.
Et on a vu aussi qu’avoir de la duration et des taux d’intérêt dans les portefeuilles a amorti les mouvements sur les actifs risqués.
Le niveau bas voir négatif des taux d’intérêt ces dernières années a suscité l’émergence des actifs privés principalement au détriment des obligations. Dans un portefeuille aujourd’hui, ces deux classes d’actifs sont elles concurrentes ou complémentaires?
«Nous l’avons constaté dans nos interactions avec nos clients: la période de taux faibles que nous avons connue a conduit à un élargissement de la palette d’actifs dans lesquels ils pouvaient investir. Je doute qu’ils fassent marche arrière, car ils se sont approprié ces actifs et ces derniers ont leur place en portefeuille. La liquidité reste néanmoins un critère primordial et, pour cela, je pense que les obligations ont toujours de beaux jours devant elles.»