Anne Contreras-Muller est une spécialiste reconnue en matière de finance inclusive et d’impact. (Photo: Arendt & Medernach)

Anne Contreras-Muller est une spécialiste reconnue en matière de finance inclusive et d’impact. (Photo: Arendt & Medernach)

Anne Contreras-Muller, of counsel au sein de l’étude Arendt & Medernach, a succédé à Rémy Jacob à la présidence du conseil d’administration de Microlux. Elle fait le point sur ses ambitions et sur les chantiers qui attendent la première institution de microfinance au Luxembourg.

Vous avez pris, au début de l’été, la présidence du conseil d’administration de Microlux. Pourquoi avoir été candidate à ce poste?

 «Passé la véritable surprise d’avoir été contactée pour joindre le conseil d’administration et prendre la présidence de Microlux à la suite de Rémy Jacob, j’ai été séduite par l’idée de participer à un projet de microfinance à Luxembourg, qui a pour ambition de développer l’entrepreneuriat et soutenir financièrement ceux qui, faute d’un certain niveau d’assises financières, n’ont pas accès au système bancaire traditionnel. Mon activité juridique chez Arendt est dédiée, depuis de nombreuses années, à la microfinance dans les pays en développement. Si la situation n’est évidemment pas comparable, il n’en reste pas moins que, même en Europe, des personnes en situation fragile n’ont pas la possibilité de développer des activités économiques, faute d’accès aux banques. C’est, à mon sens, un enjeu important et une belle opportunité, pour le Luxembourg, d’apporter et développer des réponses concrètes à ces questions, et je suis ravie d’y participer.

Et quels sont vos projets et vos ambitions pour l’institution luxembourgeoise de microfinance?

«Microlux fête ses cinq ans et, grâce au formidable travail de l’équipe, du conseil d’administration, des actionnaires ainsi que des bénévoles, les résultats atteints sont très positifs, comme le démontre le premier rapport d’impact publié. Il s’agit maintenant de consolider et développer les activités d’accompagnement et de financement des entrepreneurs. Un volet qui nous tient à cœur est celui d’élargir les partenariats en amont avec des institutionnels, mais également les pouvoirs publics, afin que Microlux se positionne comme outil de la Place pour l’accompagnement et le financement des créateurs d’entreprise. Être au plus près des besoins des entrepreneurs en ajustant et diversifiant l’offre de services est évidemment aussi au cœur des ambitions de Microlux. 

Où doit, selon vous, se situer le point d’équilibre entre l’autonomie financière et votre objectif d’impact social?

«L’objectif d’impact social est primordial dans la mission de Microlux. Nous sommes particulièrement heureux que Microlux puisse désormais, et grâce à , communiquer concrètement sur cet impact social mesuré par rapport à des indicateurs précis. À titre d’exemple, lors de leur premier contact avec Microlux, près de la moitié des bénéficiaires étaient au chômage. Grâce au microcrédit, nous avons réussi à baisser ce pourcentage à 10%. La rentabilité n’est pas donc l’objectif premier de Microlux. Nous préférons parler d’autonomie financière qui permet d’assurer la pérennité de notre action. Notre propre expérience du microcrédit depuis 5 ans au Luxembourg ainsi que les différents modèles d’institutions de microfinance qui se sont développées depuis 30 ans en Europe de l’Ouest montrent que le modèle financier doit être hybride, entre autofinancement et soutien par des acteurs publics et privés. 

Lancement de prêts d’honneur

Où en est votre projet de lancement d’un fonds de prêts d’honneur alimenté par des dons, projet lancé en février dernier?

«Suite à notre appel aux dons en février dernier, nous avons reçu des donations venant de particuliers, et nous venons d’établir un nouveau partenariat avec un acteur de la Place qui va soutenir le développement de ce projet. Ceci nous permet de lancer les prêts d’honneur dès le début de l’année prochaine, et nous remercions très chaleureusement ces financeurs qui nous font confiance! Le prêt d’honneur est en effet un outil complémentaire fondamental de financement des entrepreneurs. En plus de bénéficier de conditions avantageuses (taux d’intérêt à zéro, pas de caution ni de garantie), le prêt d’honneur bénéficie d’un apport en fonds propres qui peut être déterminant pour le développement financier de l’entreprise.

Qu’est-ce que la crise du Covid a changé dans votre manière de travailler, et dans les attentes de vos clients?

«La crise du Covid n’a pas fondamentalement changé notre manière de travailler. Après les deux mois de confinement en 2020, pendant lesquels nous avons veillé à maintenir un lien proche et régulier avec tous nos clients pour prendre des nouvelles et pour être à l’écoute de leurs besoins, notre équipe a retrouvé assez rapidement le contact direct avec notre clientèle – en respectant les mesures sanitaires bien entendu. Avoir une réunion physique avec les demandeurs de microcrédit est important pour l’efficacité de nos services d’accompagnement, mais également pour la prise de décision de l’octroi du microcrédit. Comme vous le savez, la confiance est essentielle dans la philosophie du microcrédit.

La demande de microcrédit a clairement augmenté dès le début de l’année 2021, et nous avons doublé le nombre de microcrédits déboursés en 2021 par rapport aux années précédentes. C’est la preuve que l’esprit d’entreprise reste bel et bien présent chez les microentrepreneurs. 

Nouveau plan stratégique en préparation

Avez-vous des projets pour élargir votre palette de services? Et si oui, dans quelles directions? Je pense ici à des produits de microassurance, ou encore à vos projets d’extension en province de Luxembourg… Sur ce point, où en êtes-vous?

«Nous travaillons en effet sur plusieurs projets, à commencer par le prêt d’honneur évoqué plus tôt. Nous continuons également à étoffer nos offres d’accompagnement aux entrepreneurs, que nous soutenons avec un catalogue de services à des tarifs privilégiés, comme la comptabilité, la création d’un site d’internet, etc.

En ce qui concerne notre développement en Belgique, notre partenaire MicroStart couvre à présent la province de Luxembourg, sauf Arlon et ses alentours. Nous accueillons donc toujours des demandeurs de cette région sans pour autant y développer activement notre activité.

De façon plus générale, et après la phase de démarrage de Microlux, nous sommes en train d’établir, en concertation étroite avec nos bailleurs de fonds, le plan stratégique pour les prochaines années. Comme vous vous en doutez, ceci couvre beaucoup d’aspects, dont les plus importants sont le financement de nos ambitions et l’adéquation de notre statut juridique à notre mission d’impact social. Nous n’en sommes pas encore au stade des annonces, mais l’implication et la motivation de tous au sein de Microlux sont les premières choses qui m’ont fortement marquée depuis ma prise de fonction.»

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Finance, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.