Nathalie Dogniez, Partner, PwC Luxembourg  (Crédit: Olivier Dessy)

Nathalie Dogniez, Partner, PwC Luxembourg  (Crédit: Olivier Dessy)

2019 aura été marquée par la croissance exponentielle des fonds ESG (Environnementaux, Sociaux, de Gouvernance). S’agit-il d’un simple effet de mode? L’engouement risque-t-il de retomber en fonction de l’évolution des marchés comme cela a pu être le cas pour certaines classes d’actifs par le passé?

Ce n’est certainement pas ce que souhaitent les autorités européennes. A contrario, conscientes des risques systémiques potentiels liés aux problématiques environnementales ou sociales, elles veulent généraliser la prise en compte des facteurs ESG et de durabilité à l’ensemble du secteur financier. Le plan d’action pour financer la croissance durable prévoit un ensemble de mesures ambitieuses (transparence aux investisseurs, exigences en capital, gestion des risques, exigences opérationnelles, etc.) afin d’atteindre cet objectif.

Investir ESG, ce n’est pas investir dans une classe d’actifs déterminée. Il s’agit au contraire d’enrichir l’analyse financière traditionnelle en intégrant les risques Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance pesant sur la performance financière de l’investissement envisagé. Cette approche à valeur ajoutée peut s’appliquer à l’ensemble des portefeuilles gérés («ESG integration») et est généralement couplée à une politique d’engagement avec les sociétés cibles.

Un produit ESG quant à lui est un produit qui est clairement défini par une politique ESG dans son prospectus : scoring minimum (par investissement ou au niveau du portefeuille), approche «best-in-class» (sélection des sociétés avec le meilleur scoring) et/ou exclusions (sectorielles ou normatives). Ces produits sont promis à un bel avenir: la Commission européenne prévoit notamment de modifier les textes relatifs à la commercialisation des produits financiers et produits d’assurance afin d’y inclure la prise en compte des préférences ESG des investisseurs.

Dans un tel contexte, le risque de greenwashing ou de dilution des standards est élevé. Les autorités européennes ont adressé ce risque en imposant des critères stricts de transparence ainsi qu’en définissant les «activités durables».

La Commission européenne a choisi de ne pas définir la durabilité par rapport à certaines approches d’investissement, mais plutôt en fonction d’une grille d’analyse permettant d’identifier les activités durables, en ligne avec les objectifs environnementaux européens. Cela ne signifie pas que tous les portefeuilles ESG devront obligatoirement être investis uniquement en énergies renouvelables. En effet, le rapport préliminaire du groupe d’experts initialement chargé de proposer des critères liés au premier objectif (atténuation des changements climatiques) analyse tout autant les secteurs verts que les secteurs polluants comme l’industrie cimentière ou le secteur des transports. L’objectif visé étant d’encourager une diminution des émissions de carbone de l’ensemble de l’activité économique européenne. Le calendrier est ambitieux (2021/2022) et la portée est vaste: tous les produits financiers sont concernés et les grandes sociétés cotées devront publier leur degré d’alignement sur la taxonomie.

La réglementation relative à la transparence a elle aussi un champ d’application large (tous les produits financiers: fonds d’investissement, produits d’assurance, pension et portefeuilles sous gestion, qu’ils soient ESG ou non), un contenu ambitieux (risques et impacts ESG) et un délai d’application très serré (à partir du 10 mars 2021).