Dans une prise de position originale, le Parlement européen a souligné l’absence de réciprocité des Américains dans l’échange de données personnelles et a invité Commission et États membres à entamer des négociations autour d’un nouvel accord. (Photo: Shutterstock)

Dans une prise de position originale, le Parlement européen a souligné l’absence de réciprocité des Américains dans l’échange de données personnelles et a invité Commission et États membres à entamer des négociations autour d’un nouvel accord. (Photo: Shutterstock)

Un tir nourri au Luxembourg et en Europe vise à revoir RGPD et accords avec les Américains alors que les nouvelles clauses contractuelles pour organiser le transfert de données personnelles en dehors de l’Union européenne sont entrées en vigueur ce mardi.

L’affaire n’a pas fait grand bruit de ce côté de l’Atlantique. Peut-être parce que Jeffrey T. Maehr n’est pas un contribuable américain comme les autres. Peut-être parce que l’affaire qui vise ce militant de la première heure du réseau Tax Honesty Movement est trop technique.

Pour faire simple, M. Maehr, citoyen américain, a perdu son passeport pour ne pas avoir payé 250.000 dollars d’arriérés d’impôts au fisc américain. Alors que l’ancien président américain, Barack Obama, avait promulgué le Fatca, qui règle les échanges de données entre les États-Unis et l’Union européenne, il avait ajouté un second texte, qui permet au secrétaire d’État au Trésor de suspendre ou de ne pas renouveler le passeport de tout Américain qui aurait une ardoise fiscale de plus de 50.000 dollars. En théorie, parce que dès que le citoyen est en retard de 36.000 dollars, les pénalités de retard du fisc américain font passer le seuil fatidique et la mécanique s’enclenche.

Il faudra attendre les conclusions de la Cour suprême américaine pour savoir si la décision est confirmée ou non. D’autant qu’elle pourrait aussi jouer de vilains tours aux 300.000 Américains qui n’ont jamais mis les pieds chez l’Oncle Sam depuis leur naissance. Eux sont le sujet de nombreux recours en Europe car le règlement européen sur la protection des données permet le transfert de leurs données personnelles aux États-Unis, même quand ils n’ont plus grand-chose à voir avec leur pays d’origine.

Reding et Mosar se plaignent de Bettel et Gramegna

Cette semaine, une nouvelle fois, Mishcon de Reya, cabinet d’avocats spécialisé sur le sujet, a demandé des réponses à la Commission européenne. Des réponses après les réponses qu’il a reçues le 8 septembre, au dernier jour du délai accordé à la Commission par l’Ombudsman européen au kafkaïen sujet des Américains accidentels. De ces réponses, l’avocat retient que «la Commission a soulevé des inquiétudes concernant les implications du Facta sur la protection des données personnelles», que «la Commission est arrivée à la conclusion que les Américains n’offrent pas des mesures de sauvegarde suffisantes» et que «la Commission a demandé (aux régulateurs de la donnée, ndlr) de résoudre la question de la protection des données personnelles dans le contexte du Facta».

Lundi, alors qu’une affaire est toujours pendante devant le tribunal administratif de Luxembourg, deux députés luxembourgeois du CSV, et , ont écrit à la présidente de la Commission nationale pour la protection des données, , pour lui dire que les réponses données par les ministres des Finances, (DP), et des Communications et des Médias, (DP), ne leur donnaient pas satisfaction.

«Nous sommes d’avis qu’une approche coordonnée au niveau européen risque de prendre beaucoup de temps et de priver les ressortissants américains de leurs droits en matière de protection des données personnelles. Pour nous, il n’est pas acceptable que la législation européenne […] continue à être appliquée aux ressortissants américains résidant en Europe et plus particulièrement au Luxembourg.» Ils lui demandent donc «d’analyser la possibilité de suspendre les transferts d’informations effectués dans le cadre de l’accord Facta en attendant l’adaptation de la législation européenne respectivement nationale».

Pas de réciprocité regrette le Parlement européen

En France, en Allemagne et dans toute une série d’États membres – la plupart du temps où vivent des Américains accidentels –, des députés ont entamé des démarches similaires. Mi-septembre, le Parlement européen a adopté une résolution qui évoque, certes, le cas de ces Américains dans le dossier, mais va beaucoup plus loin: le Parlement européen «fait remarquer que les États-Unis sont en train de devenir un important promoteur du secret financier pour les citoyens non américains; observe qu’il y a deux failles principales: seuls les renseignements relatifs aux actifs américains sont partagés et aucune information sur les bénéficiaires effectifs ne l’est». Pour les députés européens, la Commission et les États membres doivent entamer de nouvelles négociations avec les États-Unis dans le cadre de l’OCDE afin d’arriver à une pleine réciprocité dans un cadre de normes communes de déclaration convenu d’un commun accord et renforcé.

Ces pressions arrivent alors que les clauses contractuelles nouvelle version sont entrées en vigueur ce mardi. Tous les professionnels qui manipulent des données personnelles doivent s’assurer auprès de leurs fournisseurs et partenaires qu’ils offrent des garanties de ne pas être exposés à la «gloutonnerie» américaine en matière de données. .

L’accent est «mis sur l’importance d’examiner les pratiques des autorités publiques des pays tiers dans l’évaluation juridique des exportateurs afin de déterminer si la législation et/ou les pratiques du pays tiers empiètent – dans la pratique – sur l’efficacité de l’outil de transfert RGPD de l’article 46»; «la possibilité que l’exportateur tienne compte, dans son évaluation, de l’expérience pratique de l’importateur»; et «la clarification selon laquelle la législation du pays tiers de destination, permettant à ses autorités d’accéder aux données transférées, même sans l’intervention de l’importateur, peut également porter atteinte à l’efficacité de l’outil de transfert».

Le sujet n’a pas été vraiment abordé ce mercredi à Pittsburgh, . Pas encore.

Cet article est issu de la newsletter hebdomadaire Paperjam Trendin’, à laquelle vous pouvez vous abonner .