Les promoteurs du Gelle Fra Token ont eux-mêmes acheté leur troisième NFT, pour environ 1.300 dollars, il y a exactement un mois. (Photo: GFT)

Les promoteurs du Gelle Fra Token ont eux-mêmes acheté leur troisième NFT, pour environ 1.300 dollars, il y a exactement un mois. (Photo: GFT)

La Gëlle Fra veille tendrement sur le marché de Noël de la place de la Constitution. Depuis six mois, la statue que Claus Cito a cédée à l’État luxembourgeois est au cœur d’un projet de marketplace d’œuvres d’art digitalisées, ces NFT qui agitent la cryptosphère.

Ne cherchez pas Céline Escoffier, la CEO du Gelle Fra Token ne semble pas exister en dehors de quelques profils de réseaux sociaux bricolés à la hâte. N’essayez pas de lui parler sur son compte Telegram, la messagerie russe protégée; son petit ami, «Mike», se chargera de vous renvoyer à vos autres occupations. «Je n’ai pas de temps à perdre avec vous. Il y a beaucoup à faire dans notre projet», répond celui qui se cache derrière un numéro de téléphone thaïlandais et qui vous envoie, comme preuve de sa bonne foi, les photos d’une copie sur papier du «white paper», annotée comme si elle avait été revue par un avocat…

«Si, si, elle existe! Tout le monde existe bien!», assure le troisième membre de l’équipe, le rédacteur de contenus sur la blockchain, le Nigérian Adefemi Adegoke, qui a écrit le «white paper».

Rien ne permet vraiment de s’assurer que Mme Escoffier ou la développeuse néerlandaise, Janneke Leenders, existent vraiment. «Mike» finit par exclure celui qui pose trop de questions des canaux officiels du projet après un: «Ce projet est un scam. Et les scammers n’aiment pas les trolls qui vont et viennent sans jamais penser à investir un dollar. Bye.»

Un premier NFT vendu 400€

Bienvenue dans le monde de la finance décentralisée, que les banquiers conservateurs et les régulateurs regardent avec horreur et les geeks avec le même sourire amusé que ce père qui vient de donner son premier euro à son rejeton pour qu’il «deale» avec la marchande de bonbons.

Le «white paper», souvent présenté à tort comme un prospectus régulé alors qu’il s’agit de déclarations d’intentions, dessine une future place de marché où des artistes pourront vendre des NFT de leurs œuvres d’art et des e-collectionneurs se les racheter pour enrichir leur e-collection.

En attendant que des internautes achètent des Gelle Fra Token, des utility tokens (avec lesquels on peut acheter un service), les promoteurs du projet ont déjà mis en vente quelques NFT – quelques œuvres digitalisées devenues uniques en raison du code qui les accompagne – sur OpenSea, pour financer leurs projets.

Quelques, parce que le projet a vite abandonné la Gëlle Fra. Dans cette série de trois pièces, le premier NFT a été vendu le 30 octobre pour environ 400 euros, le deuxième est toujours en vente et le troisième a été acheté par les créateurs et vaudrait 1.300 euros. Mais depuis, les promoteurs ont ouvert quatre autres collections, Crypto God (204 NFT et 3 acheteurs), Mirstkong (11-2), Crypto God Cowboy Edition (12-2) et Xenobot 23XX (6-1) pour les futurs accrocs aux métavers qui auraient du mal à customiser un personnage.

OpenSea, la référence mondiale des NFT

Prévente sur DxSale, wallet sur MetaMask et quelques autres fournisseurs de ces portefeuilles numériques, échange de «monnaies» sur PancakeSwap et donc achat, pour l’instant, sur le leader mondial des NFT, OpenSea, qui est passé de 4.000 utilisateurs en janvier 2020 à 1,8 million en octobre, et auxquels les investisseurs les plus avisés de la planète font les yeux doux. Comme Andreessen Horowitz, leader de la levée de fonds de 100 millions dollars cet été, qui a fait entrer OpenSea dans le club de moins en moins fermé des licornes. Marc Andreessen et Ben Horowitz ont déjà investi dans beaucoup de futurs champions comme Twitter, Linkedin, Foursquare, Zynga ou Skype.

Alors que le Gëlle Fra Token project n’en est encore qu’à ses débuts, ce qui explique ses points faibles selon «Mike le petit ami», le Luxembourg, lui, rate une occasion d’empocher facilement quelques deniers: plus personne ne se souvient, ni au ministère d’État, ni nulle part parmi la trentaine d’interlocuteurs que nous avons interrogés en un mois, qui détient la propriété intellectuelle de la Gëlle Fra, cette statue dorée si symbolique et qui a déclenché tellement de polémiques…

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