Voici la ruine abandonnée que Kristian Horsburgh et son partenaire s'apprêtent à démolir pour la remplacer par une maison moderne en bois. (Photo: Kristian Horsburgh)

Voici la ruine abandonnée que Kristian Horsburgh et son partenaire s'apprêtent à démolir pour la remplacer par une maison moderne en bois. (Photo: Kristian Horsburgh)

Traditionnellement, la culture de la construction au Luxembourg est basée sur la maçonnerie (béton, pierre, brique). Cependant, d'autres solutions plus écologiques gagnent en popularité. Delano s'est entretenu avec un homme au milieu d'une nouvelle construction qui utilise du bois préfabriqué.

«On entendait partout que ce serait impossible pour ma génération, que tout le monde devrait soit louer pour le reste de sa vie, soit déménager en Allemagne. Et puis il y avait cette ruine, au sommet de la colline, dont personne ne s’était occupé depuis 30 ans…»

C’est ainsi que commence l’histoire de Kristian Horsburgh, qui a acheté une vieille ruine dans la ville de son enfance, à Septfontaines, pour la démolir, puis la reconstruire sous la forme d’une maison moderne en bois.

Il faut dire que l’histoire n’est pas encore terminée: les plans de construction sont presque en place, mais la démolition n’est pas prévue avant la fin de cette année, et la construction suivra en février 2024.

Kristian Horsburgh, qui gère le pôle créatif de Luxinnovation, et sa partenaire sont toutefois parvenus jusqu’ici. Il nous fait part des raisons qui les ont poussés à construire en bois et des obstacles qu’ils ont déjà rencontrés.

Sécuriser le site

«J’ai eu une enfance magnifique à Septfontaines», confie Kristian Horsburgh, ajoutant qu’il a toujours rêvé de rester dans cette région. Mais lorsque lui et sa compagne ont commencé à chercher un terrain, ils ont, comme beaucoup d’autres au Luxembourg, désespéré devant les prix: «les terrains se vendaient à 600.000 euros», dit-il.

«Et puis… cet endroit», poursuit-il en faisant référence à la ruine sur la colline, qui tombe en ruine et est nichée dans un enchevêtrement de broussailles. Elle était abandonnée depuis une trentaine d’années, depuis que le couple qui y vivait s’était séparé et l’avait quittée dans les années 1990. À l’époque, Kristian Horsburgh était un enfant du village. Il se souvient d’avoir parcouru le terrain autour de la maison vide et de s’y être intéressé. «Elle offre une vue imprenable sur tout le village. Il y a un château, il y a la rivière… il y a tout.»

Kristian Horsburgh a aussi réussi à retrouver le nom du propriétaire (en utilisant les outils du service public et Facebook). Puis, lorsqu’une tempête a frappé le village et qu’un arbre est tombé sur le toit de la ruine, le propriétaire est revenu au Luxembourg depuis la Grèce. «Je l’ai contacté et je lui ai dit: “Tu te souviens de moi? Je jouais au football dans le village”. Il a fallu le convaincre, mais il a accepté de vendre la maison», (à un prix que Kristian Horsburgh ne souhaite pas divulguer), et le projet a pu démarrer.

Harmoniser le béton et le bois

«Avec les maisons en bois, il ne faut pas oublier qu’il faut une base en béton», rappelle Kristian Horsburgh, «car le bois ne peut pas être enterré». La première décision a donc été de savoir s’il fallait conserver les fondations en béton de la vieille maison. Ce à quoi les nouveaux propriétaires ont répondu par l’affirmative. 

«Beaucoup de gens pensent que nous sommes fous de faire cela», poursuit-il, suggérant que l’option de repartir à zéro est plus répandue. La durabilité est toutefois une priorité majeure pour le couple, qui conservera donc la fondation comme ressource. «Si vous construisez un projet durable, pourquoi tout démolir?»

Cela a toutefois posé quelques problèmes. «Les architectes aiment concevoir des bâtiments… mais ce ne sont pas des ingénieurs», glisse Kristian Horsburgh en riant. En fait, ils ont d’abord fait concevoir la maison par un architecte dont le concept statique ne correspondait pas à celui des fondations existantes. La maison en béton reposait sur des poteaux qui supportaient le poids de la maison, de sorte que les murs intérieurs n’étaient pas porteurs. Mais avec le bois, les murs jouent un rôle différent.

«Pour construire sur ces fondations, nous avons découvert qu’il fallait renforcer (et construire) une toute nouvelle charpente, ou trouver une autre solution…», relate Kristian Horsburgh. «Et l’architecte ne voulait pas s’en mêler.» D’où une nouvelle embauche.

Ils se disent satisfaits du nouvel architecte, qui apporte ses propres ingénieurs. «On construit aussi des maisons en bois pour obtenir un bon certificat “klima” (performance énergétique)», ajoute Kristian Horsburgh. «C’est intéressant pour les réductions d’impôts et pour les choses pour lesquelles vous pouvez obtenir une aide, donc vous voulez que votre architecte comprenne comment ces choses sont soumises. Heureusement, la nouvelle recrue remplit également cette condition.»

Être capable d’anticiper, dans les moindres détails 

Kristian Horsburgh se dit très satisfait de son constructeur, l’entreprise allemande (avec un bureau au Luxembourg) Baufritz. Et ce pour plusieurs raisons: préfabrication des murs hors site, offrant ainsi un environnement sûr et confortable à leurs ouvriers (avec des filtres pour éliminer la sciure de bois, un toit au-dessus de leur tête, etc.); l’entreprise dispose aussi de ses propres plantations de bois, ce qui permet un approvisionnement local et durable. Elle a par ailleurs plus d’un siècle d’existence, et donc une expérience plus solide que certains concurrents plus novices. Autre source de satisfaction pour le couple de propriétaires: le faut que l’entreprise ait été fondée sur le concept de l’utilisation de matériaux naturels et non toxiques, et qu’elle y adhère toujours. Pas de colle, ou autre substance toxique n’est utilisée. Enfin, «c’est une vieille entreprise allemande…»

Très tôt, l’entreprise a invité Kristian Horsburgh et son partenaire à passer la nuit dans l’une de ses maisons, ce qui s’est avéré être une expérience très positive. «C’était agréable et tranquille. Je me suis réveillé le matin, et ça… ça vous calme. C’est comme si vous ne receviez pas les mêmes réverbérations de l’extérieur, d’une certaine manière» témoigne-t-il. Il est généralement admis que le bois aurait un effet calmant sur les êtres humains, notamment en abaissant la tension artérielle. 

Cependant, l’une des difficultés réside dans l’anticipation du projet, parfois jusqu’au moindre détail. «Il faut planifier à l’avance chaque prise et chaque coin. On ne peut pas se contenter de les ajouter après coup. Même l’emplacement de la baignoire, souligne Kristian Horsburgh, doit être discuté et décidé.»

Le résultat de ce processus de planification ardu est cependant que la construction elle-même se déroule rapidement. Kristian Horsburgh indique que l’entreprise a besoin de trois ou quatre mois pour préfabriquer les pièces, après quoi il ne faut que trois semaines pour les monter. Fenêtres, toit, tout. L’intérieur vient après, et peut nécessiter plus de temps, surtout dans le cas de Kristian Horsburgh qui espère que les prix baisseront un peu. «Les prix sont complètement fous. Par exemple, pour une cuisine, on commence à 25.000 ou 30.000 euros et on finit à 70.000 ou 80.000 euros. C’est tout simplement ridicule.»

En ce qui concerne le coût total, le propriétaire estime que son budget pour la construction a commencé à 600.000 euros et qu’il est passé à environ 700.000 euros (ce qui s’ajoute au prix du terrain).

Une certaine éthique dans le projet

Pour Kristian Horsburgh, il est important que sa maison soit ce qu’il appelle un «objet bénéfique pour la santé», ce qui concerne plusieurs domaines. Il faut éviter les colles toxiques et autres matériaux nocifs dans le processus de construction – «non seulement parce que vous serez en contact avec eux, mais aussi parce que les autres personnes qui les fabriquent ou s’en débarrassent le seront aussi» – mais aussi pour la santé dans un sens économique et social plus large.

«C’est une bonne idée que tout le monde ait accès à tout et que nous produisions en masse pour faire baisser les prix… mais cela n’a pas mis fin à la pauvreté. Au contraire, les gens parviennent toujours à gagner plus d’argent avec ces produits». Il préconise d’adopter une certaine mentalité: «Je suis trop pauvre pour acheter bon marché», ou de prendre le temps d’investir l’argent dont on dispose dans des produits fabriqués de manière correcte et responsable. En se demandant, «d’où vient le produit? En avons-nous vraiment besoin? Y a-t-il une circularité derrière tout cela?»

En ce qui concerne la tendance des maisons intelligentes, Kristian Horsburgh se situe quelque part entre partisan et sceptique (sans être ni l’un ni l’autre). «Je crois en un mélange de très nouvelles technologies et d’anciennes technologies», dit-il, ce qui semble correspondre à une observation faite par deux architectes du cabinet Saharchitects, à savoir que si l’industrie du bâtiment va de l’avant avec les nouvelles technologies, elle se tourne également vers des méthodes anciennes telles que l’utilisation de la terre battue comme matériau de construction (matériaux naturels compactés comme la terre ou le gravier).

Cet article a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.