Vue sur le Kirchberg, le quartier financier du Luxembourg. (Photo: Shutterstock)

Vue sur le Kirchberg, le quartier financier du Luxembourg. (Photo: Shutterstock)

Le Luxembourg a adopté une loi-clé qui renforcera l’attractivité du pays pour le marché des obligations de prêts collatéralisés. Cela permettra d’améliorer les conditions-cadres pour le financement des créances commerciales et le refinancement de la dette au Luxembourg.

Les amendements à la loi sur la titrisation de 2004, adoptés par la Chambre le 9 février, permettent la gestion active de véhicules de titrisation au Luxembourg pour les risques liés aux instruments de dette – à condition que les actifs titrisés soient émis dans le cadre d’un placement privé et consistent en des dettes reconditionnées.

«Il s’agit d’une très bonne opportunité pour la titrisation au Luxembourg, car nous pouvons désormais offrir la gamme complète des options», indique , associé dans la pratique des marchés de capitaux chez Arendt & Medernach.

«Les amendements apportent la certitude réglementaire nécessaire pour augmenter le volume des CLO (collateralised loan obligations) gérés activement au Luxembourg», ajoute Holger von Keutz, associé et responsable de la titrisation au sein du cabinet de conseil mondial PwC Luxembourg.

Les experts s’attendent à ce qu’une diversification dans la gestion des CLO au Luxembourg permette non seulement d’accroître la panoplie des investisseurs du pays en attirant les CLO à gestion active qui choisissent le Luxembourg comme juridiction de choix, mais aussi de créer des opportunités pour les sociétés de gestion fournissant des services de fonds tiers.

Pour les sociétés de capital-investissement situées au Luxembourg, il existe des possibilités supplémentaires. De nombreuses sociétés de capital-investissement ont des fonds de dette actifs au Luxembourg, mais jusqu’à présent, elles ont dû baser leur activité de CLO ailleurs. Avec la loi en place, il sera possible de consolider les activités en relocalisant la gestion de portefeuille des CLO actuellement basée à l’étranger.

«Maintenant que la loi est adoptée, il est possible d’examiner de manière plus complète les avantages potentiels d’une structure luxembourgeoise proposée», met en avant Quentin Lévêque, directeur général des fonds et des opérations de la société de capital-investissement Bridgepoint.

Les fonds de capital-investissement et de capital-risque domiciliés au Luxembourg représentent plus de 3 milliards d’euros, selon l’analyste de données de marché Preqin, et, selon l’Association luxembourgeoise du capital-investissement, plus de 1.400 emplois.

Refinancement de la dette

Outre l’amélioration de l’environnement des CLO, les modifications de la loi offrent également des opportunités méconnues de refinancement au Luxembourg, note Holger von Keutz de PwC. Selon les termes de la nouvelle loi, les instruments financiers tels que les prêts peuvent être utilisés pour les refinancements, alors que la loi exigeait auparavant une émission de titres.

«Le remplacement du refinancement par des instruments financiers au lieu de titres donne beaucoup plus de flexibilité au marché luxembourgeois, ainsi que des économies en termes de coûts de transaction et de temps», dit encore Holger von Keutz.

Les banques, en particulier, bénéficieront d’un régime de financement plus souple pour participer aux opérations de titrisation, souligne pour sa part Matthieu Taillandier: «Il sera désormais possible pour les banques de participer aux titrisations en accordant des prêts directs. Cela signifie qu’elles seront en mesure d’intervenir en tant qu’investisseuses dans une transaction ainsi qu’en tant que prêteuses.»

L’augmentation du nombre d’outils de refinancement disponibles présente des avantages pour le financement de l’économie réelle, notamment le financement des créances commerciales, qui est souvent le territoire des banques. «Les banques n’ont désormais plus besoin d’investir dans une garantie pour les opérations de leasing ou le financement de créances commerciales, mais peuvent simplement accorder un prêt», ajoute Holger von Keutz.

La dette privée

Cependant, il y a aussi des avantages pour les fonds de dette privée, dont les actifs sous gestion au Luxembourg ont atteint 181,7 milliards d’euros en juin 2021, selon les chiffres de KPMG Luxembourg et de l’Association de l’industrie luxembourgeoise des fonds.

«Les fonds de dette privée au Luxembourg incluent désormais les véhicules de titrisation dans leurs structures de dette», déclare Gautier Despret, coprésident du comité de la dette privée à la LPEA. Il a expliqué que, plutôt que d’utiliser des véhicules intermédiaires pour ségréguer les différentes tranches de la dette ou pour répondre à d’autres exigences de diversification, un véhicule de titrisation géré activement pourrait désormais compartimenter les prêts seniors, les unitranches et la dette mezzanine. «Cela permettra probablement d’économiser sur les frais de gestion et d’administration et sera plus efficace pour les gestionnaires de dette privée.»

Irlande vs Luxembourg

Historiquement, l’Irlande a été la juridiction de choix pour les transactions CLO européennes. Bien que la nouvelle structure du Luxembourg, favorable aux CLO, puisse attirer une partie de ce marché, en particulier ceux qui cherchent une passerelle vers l’Allemagne, ce ne sera pas un déluge, préviennent les sources.

«Nous nous attendons à ce que certains gestionnaires de CLO, représentant une part du marché européen des CLO, se tournent également vers le Luxembourg, notamment pour atteindre les investisseurs continentaux (en pensant à l’Allemagne en particulier) et profiter de ces connexions», analyse Arnaud Arrecgros, responsable de l’équipe financière de Maples and Calder au bureau luxembourgeois du groupe Maples.

Matthieu Taillandier est d’accord. «L’Irlande vers le Luxembourg ne sera pas un changement massif. Nous pensons que l’opportunité vient plutôt de la possibilité de centralisation et de consolidation des activités de ceux qui sont déjà présents au Luxembourg.» Toutefois, il note que «le Luxembourg est désormais une possibilité pour ceux qui ont des activités en Irlande».

Le Luxembourg présente également certains avantages par rapport à l’Irlande.

«Nous pensons qu’avec l’option luxembourgeoise de reporting en Lux GAAP, par rapport aux IFRS beaucoup plus onéreuses exigées dans d’autres juridictions, de nombreux clients souhaiteront bénéficier de ce modèle de reporting plus simple, moins rapide et donc moins coûteux», augure Sandra Bur, responsable des marchés de capitaux chez le conseiller en investissement Ocorian.

Ocorian estime les actifs des CLO domiciliés en Irlande à 170 milliards d’euros en avril 2021.

Diversification

La conséquence pour les emplois et les compétences au Luxembourg est importante. «Le Luxembourg a généralement été un lieu de back-office», dit Holger von Keutz. «Cependant, avec un plus grand nombre de produits disponibles pour les maisons financières comme les hedge funds et même pour les banques, il y aura un plus grand besoin d’équipes de régulation et de départements de soutien. Nous assisterons à une transition du back-office vers le middle-office.»

Jusqu’à présent, l’offre complète n’était pas disponible au Luxembourg. Cette loi nous remet sur la carte, et pleinement sur la carte.
Matthieu Taillandier

Matthieu TaillandierpartnerArendt & Medernach

C’est une démarche importante pour diversifier les outils disponibles sur le marché luxembourgeois.

«Cela ouvrira un nouveau marché pour le Luxembourg», évoque Arnaud Arrecgros. «Il augmentera la reconnaissance d’un régime de titrisation éprouvé et reconnu au niveau international, amènera de nouveaux investisseurs et gestionnaires de CLO et ouvrira la porte à des structures innovantes.»

Matthieu Taillandier résume: «Jusqu’à présent, l’offre complète n’était pas disponible au Luxembourg. Cette loi nous remet sur la carte, et pleinement sur la carte.»