Une deuxième salle de consommation de drogues supervisée a été inaugurée jeudi 25 juillet à Esch-sur-Alzette. Son objectif: offrir un environnement sécurisé pour les 2.000 consommateurs problématiques du pays et ainsi éviter la contamination de maladies provoquée par l’échange de seringues.

«On dénombre 2.000 consommateurs de drogue problématiques au Luxembourg», estime le coordinateur national «drogues», le docteur Alain Origer. «Parmi eux, 1.700 sont des injecteurs, les consommateurs les plus à risque.»

Pour prendre en charge cette population, une salle de consommation de drogues supervisée a été inaugurée à Esch-sur-Alzette jeudi 25 juillet, au 130, rue de Luxembourg, à deux pas de la Kulturfabrik.

De droite à gauche, le directeur de la JAD, Jean-Nico Pierre, le ministre de la Santé, Étienne Schneider, et le bourgmestre d’Esch-sur-Alzette, Georges Mischo, lors de l’inauguration de la salle de consommation de drogues supervisée. (Photo: Émile Hengen)

De droite à gauche, le directeur de la JAD, Jean-Nico Pierre, le ministre de la Santé, Étienne Schneider, et le bourgmestre d’Esch-sur-Alzette, Georges Mischo, lors de l’inauguration de la salle de consommation de drogues supervisée. (Photo: Émile Hengen)

Il s’agit de la deuxième salle dans le Grand-Duché après l’Abrigado, située dans le quartier de Bonnevoie à Luxembourg-ville.

Ce projet, mené par la fondation Jugend- an Drogenhëllef (JAD), remonte à 1998. «Il a survécu à quatre ministres et trois bourgmestres», récapitule le bourgmestre d’Esch-sur-Alzette, Georges Mischo.

40 à 50 personnes par jour

Si l’Abrigado permet d’accueillir 300 personnes, la salle d’Esch-sur-Alzette, dont le local a été mis à disposition par la commune, permettra un flux «d’environ 40 à 50 personnes par jour», juge Alain Origer.

L’objectif de ces salles est d’encadrer la consommation dans un environnement sécurisé afin d’éviter la contamination de maladies qui se transmettent par l’échange des seringues, principalement l’hépatite B, l’hépatite C et le VIH.

«En plus des soins à apporter, c’est aussi l’occasion d’établir une relation de confiance avec les patients et de les accompagner pour les aider à sortir peu à peu de leur addiction», explique Vincent Herry, infirmier au sein de la JAD.

Vincent Herry fait partie des 11 personnes qui travailleront à temps plein dans la salle: quatre infirmiers, trois éducateurs, un psychologue, trois assistants sociaux, ainsi que deux agents de sécurité accueilleront les consommateurs.

L'entrée de la nouvelle salle de consommation de drogues supervisée. (Photo: Émile Hengen)

L'entrée de la nouvelle salle de consommation de drogues supervisée. (Photo: Émile Hengen)

Au Contact Café, à l’entrée du bâtiment, les patients pourront s’installer, prendre un café ou se nourrir dans un vaste espace lumineux. Ils pourront y échanger leurs seringues (pour une seringue donnée, une est rendue) et discuter, obtenir des informations, partager leurs problèmes avec les professionnels.

Les patients pourront aussi accéder à une terrasse ainsi qu’un vaste jardin. «Pour s’adapter aux nouvelles formes de consommation, des espaces plus grands sont nécessaires», explique Alain Origer. «Il y a une forte augmentation de la consommation de cocaïne. Or, si l’héroïne nécessitait trois à quatre injections par jour, les cocaïnomanes peuvent prendre jusqu’à 15 prises par jour, ce qui augmente les risques de contamination. Et c’est une drogue énergisante, qui peut davantage provoquer des comportements agressifs que les opioïdes.»

30 minutes par injection et 20 minutes par inhalation

Pour accéder à la salle de consommation proprement dite, les patients devront décliner leur identité et prendre un ticket.

Une fois dans la salle de consommation, ils devront renseigner la drogue utilisée – «Il s’agit principalement d’héroïne, de cocaïne, de crack, de speedball ou de cocktails», détaille Vincent Herry –, ainsi que la méthode d’admission.

Deux salles de consommation sont mises à disposition: une salle d’injection de six postes, et une salle d’inhalation, close et équipée d’un système d’aération, de trois postes.

«Les patients disposent de 30 minutes pour s’injecter et descendre de leur flash, et 20 minutes pour une inhalation», explique Vincent Herry. «Nous sommes là pour aider, en cas d’overdose, mais aussi, par exemple, pour aider le patient à trouver sa veine. Mais nous ne l’aidons jamais à s’injecter la dose.»

Aucune limite n’est fixée concernant le nombre d’injections ou d’inhalations.

Une salle de bains équipée d’une douche est aussi à disposition des patients, ainsi qu’une infirmerie, où ceux-ci pourront obtenir des soins, des médicaments (uniquement sur ordonnance) et un kit de consommation (contenant un piston, une aiguille, de la vitamine C pour préparer la base, un filtre pour éviter les cailloux dans le crack et un coton pour se désinfecter).

Une troisième salle prévue dans l’accord gouvernemental

Afin de sensibiliser la population, et plus particulièrement le voisinage, à la nécessité de cette nouvelle salle, «des réunions publiques ont eu lieu en 2013-2014 et il y a deux mois», rappelle le directeur de la JAD, Jean-Nico Pierre. «Tout s’est très bien passé: les gens ont été curieux, ils ont posé des questions, mais il n’y a pas eu de tensions.»

«Il ne faut pas s’arrêter là», estime-t-il néanmoins. «Il faut d’autres salles, dans le nord du pays notamment, afin de répartir la charge et désengorger le problème. L’ouverture d’une troisième salle est d’ailleurs prévue dans l’accord gouvernemental, mais pour l’instant, cela reste très flou. Il faudrait même, à terme, une quatrième, voire une cinquième salle.»