Le château de Colpach à Colpach-Bas. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le château de Colpach à Colpach-Bas. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Le château de Colpach, à l’est du Luxembourg, près de la frontière belge, était autrefois un lieu prisé par la haute société et un salon de l’élite artistique. Mais depuis dix ans, il est resté vide, attendant que la vie revienne.

La plus ancienne mention d’un château à Colpach-Bas date du 14e siècle. Une famille locale, les Pforzheim, a acquis ce qui était alors une forteresse médiévale et l’a convertie dans les années 1700 en quelque chose qui s’apparente davantage à un manoir. C’est sous le pouvoir du couple Baron Edouard de Marches et Cécile Papier que le château deviendra un lieu incontournable pour la haute société luxembourgeoise.

Après la mort de son mari, Cécile Papier a épousé le peintre hongrois Mihály Munkácsy et le couple a utilisé la maison comme résidence d’été. Parmi les invités de marque figurait le compositeur Franz Liszt, qui séjourna au château en juillet 1886. Lors de cette visite au Grand-Duché, il donnera son dernier récital de piano, au Casino Bourgeois, aujourd’hui centre d’art contemporain du Casino Luxembourg.

Le magnat de l’acier luxembourgeois Émile Mayrisch a acquis la propriété en 1917, deux ans après la mort de Cécile Papier, et y a vécu avec sa femme, Aline. Tous deux étaient passionnés d’art et de littérature, mais aussi de philanthropie. Aline Mayrisch a fondé la Croix-Rouge luxembourgeoise.

«À la mort d’Aline Mayrisch, elle a donné le château et son terrain à la Croix-Rouge, soit pour créer un centre de rééducation, soit un établissement pour enfants», relate Jean-Philippe Schmit.

Jean-Philippe Schmit est le directeur général du centre de réadaptation. L’établissement dispense des soins généraux, mais aussi une réadaptation spécialisée aux patients atteints de cancer pendant et après le traitement. Mais aucune des activités ne se déroule plus dans les murs du château. «Nous l’avions prévu dès le départ», explique Monsieur Schmit. En effet, en consultation avec la Commission des monuments nationaux, la Croix-Rouge a opté pour une nouvelle installation construite à cet effet juste à côté.

Les résidents d’une maison de convalescence, établie pour honorer le testament d’Aline Mayrisch de 1947, ont été transférés dans les nouveaux locaux en 2010 et le bâtiment est, depuis, resté vide.

Des contrôles mensuels pour les réparations

Au fil des ans, la Croix-Rouge a été accusée de l’avoir laissé se délabrer, continue Monsieur Schmit. «Si nous n’avions rien fait, je pense que ça se serait effondré depuis le temps», assure-t-il quant à l’entretien du château.

Le bâtiment est inspecté chaque mois pour les réparations, mais tous les travaux de rénovation plus importants sont en attente d’un projet de développement du site. De nombreuses idées – bibliothèque régionale, musée ou centre touristique – n’ont pas abouti. Et M. Schmit a déclaré qu’il ne pouvait pas imaginer que le site historique ne soit jamais transformé en une entreprise commerciale, tel qu’un hôtel.

«Nous sommes proches de trouver une solution», assure-t-il. La Croix-Rouge est en pourparlers pour créer une école dite de la deuxième chance, qui offrirait un enseignement général et une formation professionnelle aux jeunes qui ont abandonné l’école sans aucune qualification.

Le centre pourrait fournir une formation aux personnes travaillant dans les cuisines, les emplois de soins, l’administration, la gestion forestière et l’aménagement paysager. Et cela répondrait au souhait d’Aline Mayrisch que le château soit aussi un lieu pour les jeunes.

Une part du patrimoine européen

En attendant, la Croix-Rouge loue le château comme lieu de tournage à des sociétés de production cinématographique. L’argent permet de financer son entretien. «La Croix-Rouge n’utilise pas les dons pour rénover le château», poursuit Monsieur Schmit. «Quand quelqu’un donne de l’argent à la Croix-Rouge, c’est au profit des personnes vulnérables et non à la rénovation d’un château.»

Parmi les pièces préférées de Monsieur Schmit dans le château figurent la bibliothèque, le fumoir – lambrissé et avec une vue magnifique sur les jardins – et la salle dite bleue. L’écrivain français et prix Nobel André Gide a séjourné dans cette chambre lors de sa visite chez les Mayrisch. C’était un ami de la famille.

«C’est un site historique pour le Luxembourg et en fait pour l’Europe», déclare Jean-Philippe Schmit, d’autant plus en raison de l’amour de Mayrisch pour l’art et la culture. Émile Mayrisch a dirigé, dans les années 1920, la création d’une union de l’acier – l’Entente internationale de l’acier – entre l’Allemagne, la France, la Belgique et le Luxembourg, précurseur de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. L’Entente s’effondrera avec le krach économique de 1929 et l’avènement de la Seconde Guerre mondiale.

En 1926, Mayrisch a également aidé à fonder le Comité franco-allemand d’information et de documentation dans son château de Colpach, une organisation avec des bureaux à Paris et à Berlin visant à lutter contre la désinformation et à promouvoir l’amitié entre les deux pays à la suite de la Première Guerre mondiale.

Une collection d’art non négligeable

Une historienne de l’art habitant près du château, Patricia De Zwaef, a aidé la Croix-Rouge à évaluer la collection dont elle a hérité avec le bâtiment. Mayrisch a accumulé un nombre impressionnant d’œuvres au cours de sa vie, dont certaines transmises dans la famille. D’autres ont été vendues au fil des ans.

Ainsi, «Félix Vallotton dans son atelier» (1900) d’Édouard Vuillard est exposé au musée d’Orsay à Paris tandis que le Metropolitan Museum of Art de New York possède «L’Album» du peintre (1895).

Des objets de valeur, y compris des livres, ont été conservés avec l’aide du Musée national d’art et d’histoire (MNHA). Quelques meubles de l’époque subsistent dans le bâtiment. Une série de sculptures est disséminée dans les jardins du château, ouverts à la visite.

La rénovation du site ne sera pas une tâche facile, car le bâtiment devra répondre aux besoins contemporains, tels que l’accessibilité aux fauteuils roulants, tout en respectant les règles de protection des monuments. «C’est assez complexe», résume Monsieur Schmit, qui espère que les plans pour que le château soit rempli d’une nouvelle vie se concrétiseront bientôt. «Je suis tombé amoureux de cet endroit», conclut-il.

Cet article a été écrit pour  , traduit et édité pour Paperjam.