C’est indubitable, la crise du Covid-19 laissera des marques durables sur l’économie, entraînera des changements profonds et accélérera encore des tendances déjà bien présentes dans le monde de l’investissement. Quel est ce nouvel ordre économique sur le point d’émerger? Nous avons échangé avec Sanela Kevric, Sales Director chez Fidelity International, société spécialisée en solutions d’investissements.

Les gouvernements à la barre

L’intervention croissante des gouvernements caractérise le monde post-Covid-19.

Autrement dit, le marché libre voit son espace se réduire au profit des banques centrales et gouvernements qui seront omniprésents. Les banques centrales, que ce soit en Europe, aux USA ou au Japon, sont déjà massivement intervenues ces dernières années pour supporter l’économie et les marchés financiers. Il suffit de se rappeler de leurs interventions lors de la crise financière de 2008 pour s’en convaincre. Cette politique interventionniste ne devrait d’ailleurs pas s’interrompre tout de suite, mais plutôt s’intensifier avec potentiellement des innovations de leur part, comme le contrôle des courbes de taux, notamment de la part de la Réserve Fédérale.

«Concrètement, nous devrions voir la mise en place de réglementations nouvelles et des interventions des États, et à moyen terme, le risque d’une imposition plus élevée; du côté positif, certains États pourraient procéder à l’élargissement des mesures de protections sociales, et en particulier celles qui concernent la santé», selon Sanela Kevric.

Les États interviennent déjà dans les secteurs qui ont le plus souffert du confinement, a l’instar du transport aérien (avec des financements, des prises de participation…); à plus forte raison, cette intervention pourra à l’avenir également être étendue au domaine de la santé.

L’intervention croissante des gouvernements caractérise le monde post-Covid-19.
Sanela Kevric

Sanela KevricSales Director Fidelity International

Les USA sous les projecteurs

Il reste cependant très difficile de prédire avec exactitude ce à quoi ressemblera l’économie. Certains secteurs ont été paralysés durant des semaines voire des mois et en porteront les cicatrices pendant très longtemps: les compagnies aériennes, l’industrie automobile, etc.

L’évolution dépend d’un très grand nombre de facteurs, le plus important étant la trajectoire du virus. Bien évidemment, l’attitude des consommateurs et des entreprises jouera un rôle important sur la reprise de l’activité.

Nos experts s’attendent à une reprise en forme de U: une contraction significative du PIB mondial en 2020, suivi d’une reprise modérée en 2021.

L’impact sur l’emploi sera très conséquent. On le voit déjà  partout dans le monde et de manière criante aux USA: l’ampleur du phénomène est comparable à la dépression des années 30. Le marché de l’emploi américain est très flexible et comprend peu de systèmes de subventions salariales, contrairement à ce qui existe dans la plupart des pays européens. L’économie américaine dépend beaucoup des petites et moyennes entreprises qui sont clairement sinistrées. Le problème de l’emploi pourrait ensuite entraîner une onde de choc, épuisant l’épargne des ménages, entrainant l’augmentation éventuelle de leurs dettes, et de nouveau impacter la demande. Le PIB américain dépend à 70% de la demande consommateur.

Nous vivons dans un monde globalisé où ce qu’il advient aux USA impacte le reste de la planète. «Il sera donc très important de surveiller si le gouvernement américain prend des mesures pour soutenir et relancer l’emploi. Gardons à l’esprit que les élections américaines arrivent à grands pas», précise Sanela Kevric.

Vers un monde durable

Durant le confinement, les analystes de Fidelity International ont mené différentes études auprès de 200 entreprises de différents secteurs autour du monde. Ces études donnent de précieux renseignements sur la demande ou les revenus par exemple, mais le plus important d’entre eux n’est pas d’ordre financier. C’est plutôt la façon avec laquelle les sociétés font face aux problématiques environnementales, sociales et gouvernementales (ESG) suite à la crise du coronavirus. 

Plus de la moitié des réponses indiquent que les entreprises se focaliseront plus sur les employés, les consommateurs suite à la pandémie. 56% des sociétés européennes investiront plus d’effort dans les ESG, 63% dans la zone Asie Pacifique et seulement 45% en Amérique du Nord. Les études montrent également que les entreprises ayant les meilleures pratiques ESG ont surperformé durant la crise. «Une tendance que nous observions déjà avant la crise, mais qui n’a fait que s’amplifier», précise Sanela Kevric. On peut donc s’attendre à ce que ce ne soit pas qu’une passade, mais bien une constante qui perdurera dans un temps long. Une approche plus durable de nos modes de consommation et même de nos vies est en train de s’opérer. Les peuples conduisent ce changement et sont soutenus par les mesures mises en place par les institutions politiques.


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Un rebond inédit

Alors que les analystes prédisent un ralentissement économique majeur, au mois d’avril, les marchés ont marqué un rebond comme ils n’en avaient pas connu depuis 1987. Les économistes pourraient penser que les investisseurs sont devenus fous mais en réalité, les marchés réagissent à une nouvelle réalité. Ce rebond est une réaction à l’intervention massive des banques centrales . Cette intervention est inédite : le bilan de la Réserve Fédérale Américaine a augmenté d’environ 2,7 milliards de dollars à 7 milliards de dollars en 2 mois. Le Trésor Américain cherche à emprunter 3 trillions de dollars pour alimenter un plan de sauvetage lié au Covid-19.

La directrice commerciale de Fidelity synthétise ainsi: «Pour faire simple, les banques centrales ‘mettent le paquet’ en cette situation de crise, et elles le font à une échelle inédite dans notre histoire.»

Les gagnants de la crise

«Comme dans toute crise, nous voyons des opportunités en matière d’investissement», ajoute Sanela Kevric avant de poursuivre: «Mais plus que jamais , il faut se diversifier et rester vigilant. Ce qui est vrai aujourd’hui pourrait ne plus l’être dans 2 semaines.»

Parmi les «gagnants» de cette crise, il faut citer le secteur de la technologie. La pandémie a en effet mis en lumière notre dépendance criante à la technologie. C’est grâce à cette dernière et ses applications, la connexion à distance, les réunions en ligne, que le secteur financier par exemple a pu continuer à travailler. Les consommateurs ont de leur côté pu commander en ligne, accélérant une tendance que nous avons vu grandir ces dernières années. Par ailleurs, le secteur de la santé sera également au cœur de toutes les attentions.

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