Marie Sinniger (Avocat à la Cour, Associé - Luther S.A.), Thomas Alberti (Avocat à la Cour, Senior Associate - Luther S.A.) Luther 

Marie Sinniger (Avocat à la Cour, Associé - Luther S.A.), Thomas Alberti (Avocat à la Cour, Senior Associate - Luther S.A.) Luther 

L’importance politique et sociale prise depuis plusieurs années par les lanceurs d’alerte a rapidement rendu inéluctable l’intervention du législateur que ce soit au niveau européen ou au niveau de chaque Etat membre de l’Union.

L’actualité européenne et même mondiale est marquée depuis plusieurs années par des scandales politiques ou financiers dont les révélations sont à mettre au crédit de lanceurs d’alerte.

Cependant, même si les intentions de ces lanceurs d’alerte sont très souvent louables, il n’en demeure pas moins que les conséquences de ces alertes, tant pour les lanceurs d’alerte eux-mêmes que pour l’ensemble des personnes impliquées sont telles, qu’il est apparu nécessaire pour les juridictions, puis pour les législateurs européens et nationaux de définir un régime de protection tout en conditionnant cette protection à certains critères.   

L’encadrement par les tribunaux a été initié par la Grande Chambre de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui a rendu, en 2008, une décision qui est venue consacrer la nécessaire protection des lanceurs d’alerte et a conditionné l’octroi de cette protection à plusieurs conditions cumulatives.

L’encadrement législatif européen a mis plusieurs années à arriver à maturité en raison du consensus nécessaire entre les Etats membres. En effet, il a fallu attendre plus de dix ans pour que soit votée la Directive (UE) 2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, permettant ainsi une harmonisation des législations européennes et la création d’un statut de protection minimal.

La transposition de cette directive en droit luxembourgeois a pris du retard et le projet de loi n°7945 qui doit transposer cette directive est actuellement en discussion auprès de la Chambre des Députés du Grand-Duché de Luxembourg. 

L’entrée en vigueur de la future loi va obliger les employeurs occupant plus de 50 salariés à mettre en place des procédures permettant à leurs salariés, dans certaines hypothèses, de rompre le devoir de confidentialité et de procéder à un signalement interne. Une procédure interne devra alors détailler l’accès, la gestion et le suivi de ce canal de signalement.

L’employeur devra également assurer au lanceur d’alerte une protection contre toute mesure de représailles, comme le licenciement ou le refus d’une promotion, étant entendu que cette protection ne sera pas sans limites. En effet, le salarié qui ne respectera pas certaines obligations ne sera pourra se prévaloir du statut de lanceur d’alerte et pourra donc voir sa responsabilité personnelle engagée (ex. : interdiction d’utiliser des procédés déloyaux pour obtenir des informations).

Les salariés pourront également avoir recours à deux autres canaux de signalement, à savoir le canal de signalement externe et la divulgation au public. Ils utiliseront ces canaux notamment s’ils existent des risques importants de représailles.

Le projet de loi prévoit d’ailleurs la création d’un office des signalements ayant pour mission d’accompagner les lanceurs d’alerte et de sensibiliser les acteurs à cette nouvelle législation.

Enfin, il est à noter que le projet de loi va plus loin que la directive (UE) 2019/1937. Ainsi, pourront non seulement être dénoncées par un lanceur d’alerte toutes les violations relevant du droit de l’Union européenne mais également toutes les violations relevant du droit national. Cette extension du champ d’application matériel, qui suscite d’ores et déjà un certain nombre de craintes et d’interrogations, ne manquera pas de générer de nouveaux contentieux.   

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