Pour un client, pourquoi choisir une néobanque comme la vôtre plutôt qu’une banque «classique»?
«Cette question renvoie à la question de savoir quels sont les avantages concurrentiels de N26 par rapport aux autres banques traditionnelles. Il y en a plusieurs. Je citerais en premier l’expérience utilisateur. Un nombre croissant de clients ne se rendent plus dans les agences bancaires. On peut discuter sur le fait de savoir si cela concerne 50%, 60% ou 80% des clients. Le fait est que cette proportion est sans l’ombre d’un doute en augmentation. Tout comme augmente le nombre de clients attirés par l’aspect et la convivialité des produits en ligne et mobiles.
Ce qui compte, pour les clients des banques aujourd’hui, c’est moins la densité du réseau d’agences ou l’amabilité des employés que l’aspect et la convivialité des services en ligne et des services mobiles. Depuis le début, N26 s’est fait comme spécialité d’offrir à l’utilisateur la meilleure expérience numérique possible. Maintenir un réseau d’agences bancaires a un coût, d’autant plus élevé que les clients ne s’y rendent pas. Un modèle d’entreprise sans agences permet de réduire ces coûts. Nos technologies informatiques beaucoup plus modernes que celles de nos concurrents permettent également de réduire les coûts.
Nous ne dépendons pas de systèmes informatiques bancaires centraux vieux de 40 ans. Nous utilisons les technologies les plus récentes. Ce sont des économies d’échelle que nous pouvons répercuter sur nos clients. Je pense que c’est l’ensemble de ces éléments qui fait que la plupart des consommateurs s’adressent à nous. Notre modèle d’entreprise est entièrement numérique, tout comme l’état d’esprit de nos clients. La seule chose que nous ayons en commun avec les banques traditionnelles, c’est la réglementation. Le cadre réglementaire est identique. Venir chez nous n’est pas plus risqué que de s’adresser à une banque traditionnelle.
Ce business model est largement partagé par vos concurrents. Pourquoi s’adresser à vous plutôt qu’à l’un de ceux-ci?
«Le marché des néobanques est fragmenté comme aucun autre marché à ma connaissance. Il y a des banques françaises pour les clients français, des banques allemandes pour les clients allemands, des banques italiennes pour les clients italiens, etc.
Le KYC est un sujet auquel je consacre beaucoup de mon temps.
Nous sommes les seuls à nous appuyer sur une seule plateforme informatique ainsi que sur une licence bancaire unique nous permettant de servir une clientèle dans toute l’Europe. Offrir un produit commun sur le marché européen permet de réaliser d’importantes économies d’échelle. Il est évident que si vous êtes actif sur 25 marchés, votre clientèle potentielle est plus importante. À la question de savoir ce qui nous différencie de nos concurrents, je pense que c’est le fait que nous soyons l’un des rares acteurs à vouloir offrir un service bancaire complet.
Par exemple, nous offrons un service de change dont les coûts pour le client sont parmi les plus bas du marché. Les paiements à l’étranger sont gratuits et illimités. Nous voulons vraiment remplacer les banques traditionnelles. Et en fin de compte, le client choisira l’acteur qui aura lancé la suite de services la plus pertinente et l’offre utilisateur la plus agréable. Nos clients nous font confiance. Sur les marchés où nous sommes implantés, nous sommes soit le numéro un, soit l’un des acteurs parmi les plus grands.
Quelles sont les limites d’une banque virtuelle sans contact humain en termes de relations avec la clientèle?
«Traditionnellement, les banques physiques prétendent que leurs réseaux de succursales les aident à connaître leurs clients. Chaque fois que ceux-ci se rendent dans une agence, la banque peut leur proposer des produits supplémentaires censés correspondre à leurs besoins. Mais le client normal, de nos jours, se rend en agence deux à trois fois par an au maximum. Finalement, les banques traditionnelles ont beaucoup moins de points de contact que nous.
Nos clients ouvrent en moyenne leurs applications mobiles cinq fois par semaine et se rendent sur notre site au moins une fois durant ce laps de temps. Chacune de ces occasions constitue un point de contact. À chaque fois, nous apprenons quelque chose de nos clients, nous pouvons alors interagir avec eux et leur proposer des produits et services supplémentaires. Le tout d’une manière très efficace. La disponibilité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 est quelque chose de très important pour les gens. Les banques ont traditionnellement des heures d’ouverture assez courtes… Si nos clients ont besoin de quelque chose en particulier, notre service clientèle est rapidement accessible.
Bien sûr, on dit souvent que le meilleur service clientèle est l’absence de service clientèle. Pourquoi?
«Parce qu’en général, les clients ne vous appellent pas pour vous remercier de la grande qualité du produit que vous fournissez ou pour vous dire qu’ils ont reçu un excellent service, mais parce qu’ils ont un problème à résoudre.
Et même si le problème est résolu de manière efficace et rapide, la satisfaction du client sera toujours inférieure à ce qu’elle aurait été si l’interaction avec le service client n’avait pas été nécessaire. De ce point de vue, le fait d’avoir le moins possible de points de contact humain avec les clients est en fait positif. Le point de contact est un KPI (Key Performance Indicator) très important pour nous.
Quelles sont les limites d’une banque virtuelle dans ses relations avec le régulateur? Je fais ici référence aux amendes et aux restrictions de croissance imposées jusqu’au 1er juin par la BaFin, le régulateur allemand. Comment mettre en œuvre efficacement les mesures KYC lorsque l’on n’a pas de contact physique avec ses clients?
Tout d’abord, il faut dire que ce n’est ni un avantage ni un inconvénient d’être une banque en ligne. Les règles du jeu s’appliquent à tous de la même manière. Ce qui, je pense, est tout à fait normal. La réglementation en vigueur pour tous les acteurs du monde bancaire est très complexe. Nous ne voyons pas cela comme un handicap, mais plutôt comme un défi à relever, celui de fournir aux utilisateurs la meilleure expérience numérique possible et d’assurer l’évolution constante de notre produit dans un environnement hautement réglementaire très évolutif tout en maintenant notre culture de start-up.

Les grands noms des néobanques. (Photo: Maison Moderne)
«Pour ce qui est du KYC, c’est un sujet auquel je consacre beaucoup de mon temps. En Allemagne, les exigences en matière de vérification physique sont extrêmement poussées et les procédures sont pointues et détaillées au plus haut point. Nous avons du personnel, aidé par des logiciels, qui consacre ses journées à vérifier les documents fournis en recoupant toutes les données dont il dispose. Si les mêmes règles s’appliquent pour tous les acteurs, physiques ou virtuels, nous nous distinguons par notre utilisation de la technologie. Nous avons développé et utilisons des systèmes d’apprentissages automatiques pour prévenir les fraudes et les crimes. La technologie – et je pense que cela est très important – permet d’avoir une compréhension très claire du profil de risque de votre client.
Grâce à notre expérience passée, nous utilisons l’apprentissage automatique pour déterminer à ce moment-là quelle est la probabilité que le client devienne un «criminel» et ouvre un compte dans une intention criminelle. Ce que je veux dire, c’est qu’il est possible d’identifier un groupe de clients qui a environ 100 fois plus de chances de devenir un «utilisateur de nos services à des fins criminelles», comme nous l’appelons. Nous avons donc un degré de prévisibilité très élevé, ce qui nous permet d’affiner la surveillance des transactions. Et, si le profil du client ne correspond pas ou plus à notre profil de risque, de terminer notre relation d’affaires. Toutes les banques peuvent agir de la sorte. Pour ma part, lorsque l’on parle conformité en matière de prévention de blanchiment d’argent, je ne pense pas que ce soit l’interaction physique qui soit la plus importante. Ce qui implique d’avoir un système informatique solide. Solide et évolutif, car les fraudeurs commencent également à utiliser l’IA pour générer de faux profils. Face à ce risque, il est important de toujours rester à jour.
Votre objectif est de devenir rentable d’ici 2024. Comment comptez-vous y parvenir? Quelles seront les sources de votre rentabilité?
«Nous voulons être rentables au second semestre 2024 et le rester pour les années à venir. J’ai lancé l’activité en 2013, et devenir rentable est une étape tout aussi excitante que l’ont été l’obtention de notre première licence bancaire ou notre expansion en dehors de l’Allemagne.
Quand on parle rentabilité, la première des choses est d’examiner sa base de coûts. Les coûts informatiques sont une grande composante de nos coûts, et je pense que nous les maîtrisons de la meilleure des manières qui soit. Comme tous nos autres coûts. Notre siège n’a rien à voir avec celui d’une grande banque, il est adapté à notre activité et à notre esprit de start-up.
Ensuite, et c’est très important, nous acquérons nos clients à un coût bien moindre que n’importe qui d’autre. La majorité de nos clients vient à nous sur recommandation.
Nous sommes extrêmement passionnés par le service que nous élaborons et nous investissons beaucoup de ressources dans sa construction. Chaque investissement dans le service est en fait un investissement dans le client.
Comment monétiser le client? Notre rentabilité ne passera pas par la facturation de frais aux clients. Le compte bancaire est gratuit, et dessus se greffent des services comme les cartes premium, un produit d’épargne et, pour le Luxembourg, un service de cryptomonnaies.
Nous sommes actuellement en train de déployer un produit de courtage. En fait, nous nous inspirons des usages de nos services par nos clients pour étoffer notre offre.
Nous acquérons nos clients à un coût bien moindre que n’importe qui d’autre. La majorité de nos clients vient à nous sur recommandation.
Vous venez de relancer la «guerre» de la rémunération des dépôts. Est-ce un élément-clé de votre stratégie?
«Rémunérer les dépôts nous amène de nouveaux clients. Et au-delà de l’aspect concurrentiel, nous pensons que c’est quelque chose de juste. Pendant de nombreuses années, c’était un fardeau d’avoir trop de dépôts de la part de ses clients. Aujourd’hui, l’environnement des taux d’intérêt change: nous gagnons de l’argent avec les intérêts et nous le partageons avec nos clients.
Je pense qu’il est toujours important que les clients se sentent à l’aise et qu’ils aient une bonne expérience utilisateur. Et cela rend notre offre encore plus compétitive. Il n’y a absolument aucune justification pour que les consommateurs restent dans les banques traditionnelles qui ne paient pas d’intérêts ou des intérêts très bas.
Les activités de crédits hypothécaires ne permettent-elles pas aux banques de faire face à cette concurrence?
«Je ne pense pas qu’une activité de crédit hypothécaire soit une attente importante pour notre public cible. Nous avons une telle offre déployée aux Pays-Bas et que nous pourrions étendre à d’autres marchés.
Mais un tel produit ne suscite pas une forte activité de la part des clients. Une fois un tel prêt souscrit, les interactions sont extrêmement limitées. Les interactions avec nos clients sont, pour nous, un critère essentiel. Et cette activité a un énorme impact sur les bilans des entreprises. Notre politique est de garder notre bilan à un niveau raisonnable. L’immobilier n’est pas une priorité. Nous restons fidèles à notre politique qui est de développer nos activités en fonction des demandes et des attentes des clients.
Combien de clients avez-vous au Luxembourg aujourd’hui, et quels sont vos objectifs au Grand-Duché?
«Pour des raisons de concurrence, nous ne communiquons pas le nombre de nos clients par marché. Ce que je peux vous dire, c’est que, pour nous, le marché luxembourgeois est un marché porteur d’opportunités et de croissance. Avec notre offre crypto et nos taux d’épargne très compétitifs – jusqu’à 4% –, ils peuvent nous placer en tête du marché. Le retrait d’ING Luxembourg de l’activité de banque de détail est une occasion d’accroître notre part de marché au Luxembourg.»
Curriculum Vitae
Maximilian Tayenthal est cofondateur, co-CEO et COO de N26 AG, et managing director de N26 Bank AG. Avec son partenaire et ami Valentin Stalf, il a créé l’une des banques mobiles à la croissance la plus rapide au monde.
Leur vision est de créer une banque que 100 millions de personnes dans le monde aimeraient utiliser, «en leur donnant le pouvoir d’effectuer leurs opérations bancaires comme ils l’entendent». Maximilian Tayenthal a également été directeur financier de The Mobile Bank avant de devenir codirecteur général aux côtés de son cofondateur. Depuis 2022, il est également directeur de l’exploitation de N26.
Auparavant, il a occupé divers postes de consultant et de financier dans des sociétés de services professionnels, notamment CMS et Booz & Company. Il est titulaire d’une licence et d’une maîtrise en économie et en administration des affaires de l’université de Vienne. Il est par ailleurs titulaire d’une maîtrise en économie de la Communauté des écoles européennes de management, ainsi que d’une licence en droit de l’université de Vienne.
Le fait rigolo
En 2013, Maximilian Tayenthal et Valentin Stalf voulaient simplement créer une carte prépayée pour ados.
Dans le collimateur de la BaFin
Après deux années sous surveillance et autant d’amendes – 4,25 millions d’euros en juillet 2023 et 9,2 millions en mai dernier –, l’Autorité fédérale de surveillance financière (BaFin) a annoncé la levée complète des restrictions de croissance pour N26 à partir du 1er juin. Jusqu’ici, N26 ne pouvait accueillir qu’un maximum de 60.000 nouveaux clients par mois.
Fireside Chat: et Laurent Hengesch
The Success-Story N26, learnings of founding one of Europe’s leading Neobanks
Nexus2050, 26 juin, Main Stage, 14h30
Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de Paperjam , paru le 19 juin 2024. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam.
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