«En tant que syndicat, nous avons eu beaucoup de mal à nous faire entendre», explique Nora Back, présidente de l’OGBL. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/archives)

«En tant que syndicat, nous avons eu beaucoup de mal à nous faire entendre», explique Nora Back, présidente de l’OGBL. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/archives)

L’OGBL a tenu son premier comité national de l’année voici une semaine. Les sujets abordés ont été aussi nombreux que les inquiétudes nourries.

Le comité national est, après le congrès, l’instance la plus importante de l’OGBL. C’est là que, régulièrement au cours de l’année, sont définies les priorités et débattus les dossiers les plus sensibles du moment. Une première réunion du genre a eu lieu la semaine passée, pour veiller aux urgences, mais aussi préparer au mieux l’avenir.

On imagine que ce premier comité national a été l’occasion de faire le bilan de l’année 2020. Quelle a été votre conclusion?

. – «Nous avons en effet fait un point global sur l’année écoulée, au niveau sanitaire, évidemment, mais aussi sur le plan politique. Le Covid a beaucoup mis en avant différents problèmes et différents points négatifs. La conclusion générale est que, dans ce contexte, en tant que syndicat, nous avons eu beaucoup de mal à nous faire entendre, à être impliqués dans les décisions. Cela doit être une priorité dans les mois à venir.

Pour qu’une décision soit acceptée, elle doit être comprise, et donc être expliquée.
Nora Back

Nora BackprésidenteOGBL

Le gouvernement a souvent dû agir rapidement. Cela explique-t-il ce manque de concertation?

«Nous sommes d’accord sur le fait qu’il a parfois fallu aller vite, et on ne le conteste pas. L’OGBL a toujours dit ne pas vouloir critiquer les décisions des experts: Les restaurants doivent-ils être ouverts, ou pas? Un couvre-feu à 22h plutôt qu’à 23h? Ce n’est pas notre rôle. Mais nous aurions voulu tout de même être plus consultés, pour apporter un éclairage constructif et, surtout, pouvoir ensuite comprendre et expliquer les décisions.

C’est un manque de transparence?

«Un peu, oui. On en aurait en tout cas voulu plus quant aux données autres que celles des infections, des hospitalisations… Il n’y en a pas eu assez quant à l’impact social, l’impact économique. C’est pourtant important, alors que l’on voit monter les inégalités et les problèmes sociaux. Or, pour qu’une décision soit acceptée, elle doit être comprise, et donc être expliquée. Il faut donc impliquer tout le monde dans la discussion.

Parmi les sujets à aborder lors de ce comité national, les jeunes et les enfants se trouvaient en haut de la liste?

«Les conséquences psychologiques et sociales se marquent très fortement auprès d’eux. Nous voulons donc faire plus et mieux. Si on souhaite poursuivre au maximum un enseignement en présentiel, il faut définir une vraie stratégie, anticiper les événements. Pour cela, nous demandons la mise en place d’une cellule de crise ‘enseignement’ avec, en son sein, les syndicats, des membres du ministère, des enseignants, des représentants des parents et des élèves. Nous sommes aussi très inquiets par rapport aux étudiants du supérieur, qui sont en grande souffrance.

Pour remercier le personnel, les patrons du secteur du nettoyage demandent un gel des salaires durant deux ans.
Nora Back

Nora BackprésidenteOGBL

Les inquiétudes sont aussi de plus en plus grandes au sein du monde du travail…

«Ceux qui sont en chômage partiel ont de plus en plus de craintes de ne pas retrouver leur poste. Cela a des répercussions sur les familles. On a obtenu le maintien du niveau du chômage partiel à au moins la hauteur du salaire social minimum jusque fin juin. Mais après? Nous aimerions maintenant avoir plus de visibilité sur les entreprises qui vont encore en avoir besoin après ce mois de juin, ce qui donnera plus de prévisibilité. Il est temps d’aviser des conséquences de la crise sanitaire sur chaque secteur, sur chaque métier.

On prédit de nombreuses faillites. Cela doit vous inquiéter?

«On attend depuis très longtemps la réforme de la loi sur les faillites, justement! Nous avons donc demandé des entrevues sur ce sujet, rapidement, avec le ministre du Travail (LSAP) et  (Déi Gréng), ministre de la Justice. Mais aussi avec (LSAP), ministre de l’Économie, qui était président de la commission qui, à la Chambre, devait étudier cette réforme.


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Avez-vous identifié les secteurs où les craintes sont les plus vives dans les mois à venir?

«Le comité en a évoqué beaucoup! Mais le secteur industriel nous inquiète. On a connu des problèmes chez Arcelor, Guardian, Eurofoil… On voit bien que le Covid est prétexte à lancer des restructurations ou à en accélérer certaines. Nous pensons que d’autres vont survenir assez vite.

Le climat n’est pas bon non plus dans le secteur du nettoyage…

«Pourtant, le travail ne manque pas, et les entreprises se portent bien. Mais la négociation en cours autour de la convention collective est extrêmement difficile: les patrons ne veulent rien lâcher. Les salariés du secteur, souvent des femmes, ont été en première ligne, ont été travailler avec la peur au ventre de contaminer ensuite leurs proches, ont beaucoup travaillé dans des conditions pénibles; on les applaudit… Et pour les remercier, le patronat demande un moratoire sur la convention collective, soit un gel des salaires durant deux ans.

Autre secteur en difficulté: le commerce…

«Nous souhaitons une tripartite ‘commerce’ au plus vite. Les dégâts vont être considérables pour les commerces de proximité. Il faut, comme l’OGBL le souhaite depuis longtemps, une réforme de la loi sur les conventions collectives, car le commerce a besoin d’une grande convention collective sectorielle.

On sent bien que le secteur de l’horeca a du mal à se fédérer, alors nous, nous disons aux patrons des restaurants, cafés, hôtels que nous sommes prêts à les soutenir avec force.
Nora Back

Nora BackprésidenteOGBL

Le secteur de la santé a montré toute sa capacité à faire front, mais aussi ses failles. Lui aussi a besoin d’une réforme?

«Il faut plus de moyens financiers et plus d’investissements. On paie la note de la politique menée ces dernières années, avec moins de lits, moins d’effectifs… On utilise, pour calculer les besoins en personnels, un système appelé ‘Project Nursing Research’, qui, pour un service à 100% d’activité, propose 82% de personnels. C’est un outil venu du secteur privé, très libéral, qui ne fonctionne pas. Nous voulons une réforme de la dotation de personnel dans les hôpitaux. Autre dossier très important: celui des soins psychologiques et psychiatriques. Là aussi, il faut plus de moyens et plus de personnel.

Dans le secteur horeca, vous êtes prêts à soutenir les patrons?

«C’est un secteur très explosé, avec beaucoup de petites structures… Les syndicats sont donc peu présents, c’est assez difficile. Mais il est clair que la crise va y provoquer des catastrophes. On sent bien que le secteur a du mal à se fédérer, alors nous, nous disons aux patrons des restaurants, cafés, hôtels que nous sommes prêts à les soutenir avec force. Mais en contrepartie ils doivent s’engager au niveau du maintien de l’emploi et travailler à un meilleur statut social des employés.

Sur le terrain, les délégués sont très sollicités. De plus en plus, ils ont un rôle d’écoute, reçoivent de plus en plus de demandes de gens qui ont envie de parler.
Nora Back

Nora BackprésidenteOGBL

Tous ces sujets auraient pu être évoqués lors d’une tripartite?

«Qui a été demandée, mais refusée. Même chose pour le député  (CSV), qui avait déposé une motion en ce sens à la Chambre. Avec la CGFP et l’OGBL, nous avons à nouveau écrit au et attendons la réponse.

Comment le travail syndical se fait-il en période de crise sanitaire?

«D’un point de vue technique, nous avons aussi mis en place le télétravail, des réunions à distance… Mais ce n’est pas facile, car le syndicalisme, ce sont des réunions, des débats, des échanges. Nous avons su nous organiser très vite, heureusement. Sur le terrain, les délégués sont aussi très sollicités. De plus en plus, ils ont un rôle d’écoute, reçoivent de plus en plus de demandes de gens qui ont envie de parler. Cela se remarque aussi où notre service Information et assistance est toujours plus sollicité, et le nombre d’affiliés augmente.

Tout est donc un peu plus difficile?

«Oui, tout est plus difficile, mais on y arrive toujours. Je suis très fière de ce résultat obtenu par toutes les équipes.»