La CEO de Circuit Foil, Fabienne Bozet, à la recherche de l’équilibre entre maintien de la production et sécurité maximale. (Photo: Patricia Pitsch/archives Maison Moderne)

La CEO de Circuit Foil, Fabienne Bozet, à la recherche de l’équilibre entre maintien de la production et sécurité maximale. (Photo: Patricia Pitsch/archives Maison Moderne)

À Wiltz, dans le nord du pays, Circuit Foil fabrique des feuilles de cuivre à haute valeur ajoutée, utilisées notamment dans les circuits intégrés. Malgré le confinement, l’entreprise continue de tourner, même si c’est à un rythme plus lent. Fabienne Bozet, CEO de cette entité intégrée dans le groupe sud-coréen Doosan, fait le point sur l’activité et les mesures de sécurité.

Comment se sont déroulées les trois premières semaines de confinement chez Circuit Foil?

Fabienne Bozet. – «Nous avons constitué une équipe restreinte ‘Action pour la santé’ au sein de laquelle nous discutons quotidiennement de toutes les mesures à prendre pour que notre personnel soit en sécurité chez nous. Nous avons des discussions extrêmement constructives et positives avec la délégation permanente du personnel ainsi qu’avec les salariés qui nous font des propositions pour accroître la sécurité.

Cela signifie également, pour la direction, une présence quotidienne dans l’usine pour écouter les craintes, les suggestions et ajuster les actions prises. Nous implémentons les actions correctives dans les 24 heures. Je dois vraiment remercier l’ensemble du personnel et plus particulièrement le personnel présent directement et lié à la production!

Maintenir la production, c’était un choix évident?

«La fabrication de feuilles de cuivre ne permet pas que la production soit mise à l’arrêt, notamment parce que nous utilisons des bains de solutions chimiques que nous ne pouvons pas évacuer facilement. Afin de poursuivre l’activité, nous nous sommes concentrés sur les personnes et les mesures de sécurité.

Dès le 12 mars, nous avons distribué des masques en tissu et du gel hydroalcoolique aux membres de notre personnel et à leur famille. Depuis cette date également, nous prenons la température de nos employés tous les jours à l’entrée. Celui dont la température dépasse 37,5° doit rentrer chez lui. Nous avons également augmenté la fréquence de nettoyage, donné des gants, introduit la distance sociale de 2m, modifié l’organisation au réfectoire, dans les vestiaires, lors du changement d’équipe et bien d’autres choses!

Nous avons donc pu rapidement constater les effets du coronavirus en Asie.

Fabienne BozetCEOCircuit Foil

D’où est venue cette idée de prendre la température des gens dès le 12 mars, avant le confinement?

«Nous sommes en contact étroit avec notre maison mère sud-coréenne et nous disposons d’une unité de production en Chine. Nous avons donc pu rapidement constater les effets du coronavirus en Asie. Notre unité chinoise, basée à une heure de Shanghai, a été fermée pendant trois semaines. Et lors de vidéoconférences avec notre maison mère, nous avons constaté du jour au lendemain que tout le monde portait des masques. Des clients asiatiques se sont aussi inquiétés de savoir si nous prenions la température du personnel quotidiennement.

Vous avez donc pris conscience du problème très tôt…

«Oui. En janvier, notre usine en Chine manquait de masques et de thermomètres. Nous leur en avons envoyé. Aujourd’hui, c’est elle et notre maison mère qui nous en font parvenir. Nous les remercions vivement. Il existe une grande solidarité dans le groupe. En Chine, notre unité a repris le travail depuis, et la vie normale a repris son cours: les cafés et les restaurants viennent de rouvrir, mais tout le monde continue de porter un masque.

Quels sont les principaux problèmes auxquels Circuit Foil a été confrontée depuis le début de cette crise?

«Premièrement, nous avons réduit la production de 15% pour soulager les équipes de production. Au début de la crise, nous avons compté jusqu’à 30% de personnes absentes: nous avons voulu alors réduire la pression.

Aujourd’hui, l’absentéisme est de 17%: grâce aux mesures prises, les gens se sentent en sécurité au travail. Nous avons esquissé différents scénarios dont la mise en ‘production dégradée’ de l’outil, une sorte de mise en veille qui ne réclamait plus que 20 à 25 personnes sur le site, alors que les autres 280 personnes auraient été mises au chômage. Mais pour garantir l’emploi de chacun demain, il est préférable de maintenir la production pour autant que la sécurité et la santé de chacun soient assurées.

L’autre problème concerne la trésorerie. Certains fournisseurs ont notamment demandé à être payés dès la livraison. Mais nous avons reçu l’appui du ministère de l’Économie, de la Fedil et des banques qui nous sont proches sous la forme de report d’échéance de prêts, d’accord de lignes de crédit supplémentaires et de garanties bancaires. Je trouve remarquable la mobilisation de nos partenaires qui veulent soutenir notre entreprise, qu’il s’agisse des banques ou de l’État.

Tout cela donne un sens à notre travail, nous participons à l’effort collectif.

Fabienne BozetCEOCircuit Foil

Comment ont évolué les commandes depuis la crise?

«70% de notre production environ est envoyée vers l’Asie. 20% part vers l’Europe et 10% aux États-Unis. Les commandes en provenance d’Asie reprennent peu à peu. Mais je pense par contre qu’elles vont encore se réduire en Europe et aux États-Unis. Nous travaillons notamment pour l’industrie automobile, qui est pratiquement à l’arrêt.

En revanche, nous avons reçu des demandes de clients en Italie du Nord et en Allemagne afin que nous continuions à produire le cuivre pour les circuits intégrés utilisés dans les respirateurs artificiels qu’ils fabriquent. Un autre client qui produit des pacemakers nous a fait la même demande. Tout cela donne un sens à notre travail, nous participons à l’effort collectif. Nous en sommes heureux et fiers!

Comment envisagez-vous l’après-crise?

«Actuellement, nous restons centrés sur le personnel, l’humain. Notre premier souci est d’assurer la santé et donc la sécurité de notre personnel sur place. Nous maintenons également le contact avec les gens en télétravail par des réunions d’équipe en vidéoconférence. Actuellement, une soixantaine de personnes sur 320 le pratiquent.

Pour le reste, nous devrons nous adapter comme nous l’avons toujours fait. La batterie électrique pour l’automobile et la 5G me semblent être des produits d’avenir qui devraient permettre à Circuit Foil de repartir de l’avant. Mais bien entendu, le monde de l’après-coronavirus ne sera plus le même que celui d’avant. Nous pensons constituer des stocks de certains produits stratégiques pour pouvoir faire face en cas de situations exceptionnelles. Mais avant tout, demain, nous resterons concentrés sur l’humain, comme nous le faisons tous les jours.»