Gergely Majoros s’attend à une approche moins agressive lors des prochaines réunions des comités monétaires des banques centrales en décembre. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Gergely Majoros s’attend à une approche moins agressive lors des prochaines réunions des comités monétaires des banques centrales en décembre. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

De passage à Luxembourg, Gergely Majoros, membre du comité d’investissement de Carmignac, a partagé sa vision de l’évolution des marchés ces prochains mois. Des marchés qu’il voit en phase de transition.

Pour Gergely Majoros, les marchés sont en train de passer d’un monde où les taux d’intérêt étaient mal valorisés à un monde où les marchés vont déterminer le niveau de ces taux. «Cette transition est en cours et va prendre du temps», reconnaît-il.

Vous évoquez une phase de transition sur les marchés. Comment les gestionnaires d’actifs doivent-ils s’adapter à cette nouvelle donne?

Gergely Majoros. – «Dans cette transition, des points d’inflexion vont arriver au niveau de l’inflation, de l’action des banques centrales et, principalement, au niveau des marchés de taux. Ce sont ces points d’inflexion qu’il faut essayer d’anticiper.

La première question est de savoir quand les ‘taux sans risque’ vont atteindre un pic et se retourner. Chez Carmignac, nous pensons que nous y sommes, ou presque. C’est la raison pour laquelle nous avons commencé à enlever les protections que nous avions dans nos portefeuilles depuis quelques mois au niveau des positions actions, des positions crédit et de la sensibilité aux taux. Il y a encore trois mois, nous étions extrêmement prudents. Nous étions couverts à peu près sur tous les marchés. Aujourd’hui, nous avons un positionnement beaucoup plus constructif.

 La poursuite des resserrements monétaires agressifs des banques centrales vous inquiète-t-elle?

«La situation des banques centrales devient de plus en plus compliquée. On voyait bien ces derniers mois que trouver le bon équilibre entre inflation et récession n’était pas évident. Désormais, une troisième composante s’est jointe à l’équation: la question de la stabilité financière. L’apparition de ce thème complique encore plus les choses. C’est sans doute une des raisons pour laquelle on a vu ce que nous identifions comme un point d’inflexion dans l’action des banques centrales.

Dans les dernières communications des banques centrales européenne et américaine, on décèle une attitude un tout petit peu moins agressive en termes de resserrement. Ce n’est pas encore le pivot que le marché espère, mais on peut désormais s’attendre à une approche moins agressive lors des prochaines réunions des comités monétaires en décembre. Ce qui va probablement continuer à soutenir les marchés.

Les perspectives que donnent les sociétés laissent quand même penser que tout le monde devient plus prudent et que 2023 ne sera pas une année facile.
Gergely Majoros

Gergely MajorosMembre du comité d’investissementCarmignac

 Comment voyez-vous évoluer l’inflation et comment vous positionnez-vous?

«Aujourd’hui, l’inflation redevient la boussole principale des gérants d’actifs. Nous estimons aussi que l’inflation atteint son point d’inflexion et qu’il y aura un retournement à la baisse en 2023.

Pour nous, les gérants doivent différencier l’inflation à long terme, structurelle, et les cycles d’inflation courts. Pour ce qui est de l’inflation structurelle, nous sommes entrés dans un nouveau régime de marché caractérisé par une inflation plus élevée et des taux d’intérêt qui le seront également. Mais il ne faut pas perdre de vue que, à un niveau plus tactique, nous aurons des cycles d’inflation avec des accélérations à la hausse des pics puis des renversements. Aux gérants d’en tirer parti.

 Inflation ou récession? Lequel de ces mots, ou maux, vous fait le plus peur aujourd’hui?

«Un des grands points d’inflexion que le marché attend et que l’on a probablement atteint, c’est le point haut des taux. Jusque-là, nous avions des pressions à la hausse sur les rendements dus à l’inflation et au resserrement agressif des banques centrales. 

Toute la question est de savoir quand les pressions baissières dues à la récession vont prendre le dessus et que les taux vont se retourner. Nous pensons chez Carmignac que nous ne sommes probablement pas loin de cette situation. Ainsi le challenge principal pour les marchés va devenir la récession.

Prenons l’exemple des marchés actions. Son moteur a été ces derniers mois la baisse des niveaux de valorisation. Désormais, ce sont les attentes de résultats qui vont guider le marché. Nous avons analysé les résultats du troisième trimestre. Ils sont moins décevants qu’attendu. En revanche, les perspectives que donnent les sociétés laissent quand même penser que tout le monde devient plus prudent et que 2023 ne sera pas une année facile.

Est-ce le bon moment pour investir à nouveau sur les marchés?

«Aujourd’hui, le moment d’être extrêmement prudent est derrière nous. Nous sommes devenus plus constructifs même si nous restons très vigilants.»