«C’est très clair, c’est maintenant le moment d’agir», estime la ministre de la Santé, Paulette Lenert (LSAP), à propos de la mise en place de l’obligation vaccinale. «C’est évident, dans une logique de prévention en vue de la rentrée, il faut que cette campagne soit déployée afin d’avoir vacciné un maximum de personnes avant.» (Photo: Maison Moderne/archives)

«C’est très clair, c’est maintenant le moment d’agir», estime la ministre de la Santé, Paulette Lenert (LSAP), à propos de la mise en place de l’obligation vaccinale. «C’est évident, dans une logique de prévention en vue de la rentrée, il faut que cette campagne soit déployée afin d’avoir vacciné un maximum de personnes avant.» (Photo: Maison Moderne/archives)

Si elle se déclare désormais tout à fait favorable à l’obligation vaccinale, la ministre de la Santé, Paulette Lenert (LSAP), rappelle qu’il faudra établir sa nécessité avant de la mettre en œuvre. Elle ne regrette en tout cas pas de ne pas l’avoir instaurée plus tôt.

Alors que la majorité, après , a et le personnel des secteurs de la santé et des soins, le LSAP a montré que ses partenaires de coalition, le DP et déi Gréng. La ministre de la Santé, (LSAP), qui avait ces derniers mois déclaré n’envisager une telle mesure qu’en tout dernier recours, a notamment été

Dans un entretien accordé à Paperjam, celle-ci se déclare tout à fait favorable à la mise en place de la vaccination obligatoire dans les meilleurs délais, mais rappelle qu’il faudra attendre que le projet de loi soit prêt pour évaluer la nécessité d’une telle mesure, les taux de vaccination pouvant progresser d’ici là. Une évaluation qui devrait se faire d’ici la mi-février.

Elle estime par ailleurs qu’il était logique de tout tenter pour convaincre la population avant de la contraindre et ne regrette pas de ne pas avoir mis en place une obligation vaccinale plus tôt. La coalition et sa relation de travail avec le Premier ministre, (DP), n’ont en tout cas pas été affectées par cet épisode, assure-t-elle.

Depuis le début de la campagne de vaccination, vous n’avez pas caché votre réticence vis-à-vis de l’obligation vaccinale. Réticence qu’on a encore ressentie lors du débat à la Chambre la semaine dernière, alors même que vous donniez votre accord à une obligation vaccinale pour les plus de 50 ans et le personnel des secteurs de la santé et des soins. Êtes-vous vraiment en faveur d’une telle mesure?

Paulette Lenert. – «Je partage à 100% l’analyse qui a été faite par le panel d’experts sur base de nos données. À partir de la cinquantaine, le risque d’hospitalisation est beaucoup plus élevé. Il s’agit du groupe à risque. Je conçois donc tout à fait qu’il faut travailler sur cette population-là, à travers une obligation vaccinale bien préparée pour essayer de monter un maximum ce taux.

Une mise en application au plus tôt de cette obligation vous paraît donc nécessaire?

«Oui, c’est très clair, c’est maintenant le moment d’agir. Nous ne pouvons pas attendre qu’une vague arrive en automne et commencer seulement à obliger à vacciner à ce moment-là. Donc, c’est évident, dans une logique de prévention en vue de la rentrée, il faut que cette campagne soit déployée afin d’avoir vacciné un maximum de personnes avant.

Dans une logique de prévention en vue de la rentrée, il faut que cette campagne soit déployée afin d’avoir vacciné un maximum de personnes avant.
Paulette Lenert

Paulette Lenertministre de la Santé

L’idée est donc de préparer dans les meilleurs délais un projet de loi. Nous avons retenu un délai maximal de trois mois, ce qui me semble raisonnable. Nous serons peut-être même prêts avant.

Mais, lors du débat à la Chambre, le LSAP a répété que cette obligation ne devait être mise en œuvre que «si la situation l’exige»…

«Nous sommes encore en pleine campagne de vaccination et nos mesures les plus sévères, notamment au niveau du travail, viennent d’entrer en vigueur. Le hasard peut donc faire évoluer la situation dans les mois qui viennent. De fait, nous avançons, tous les jours il y a des primovaccinations.

Nous allons donc évaluer la situation vers la mi-février au plus tard afin de voir où nous en sommes. Évidemment, si cela fait encore du sens de travailler sur les plus de 50 ans, nous mettrons tout de suite l’obligation en œuvre. Mais nous ne voulons pas le faire aveuglément. Il faudra évaluer la situation une fois le projet prêt.

Nous allons évaluer la situation vers la mi-février au plus tard afin de voir où nous en sommes.
Paulette Lenert

Paulette Lenertministre de la Santé

Il est cependant difficile d’imaginer, un an après le début de la campagne de vaccination, et au rythme où la primovaccination progresse, la situation changer dans les trois prochains mois. Et on peut donc interpréter votre prudence comme de la réticence.

«On parle d’une loi, donc il faut que nous soyons béton dans l’argumentaire pour passer au niveau du Conseil d’État concernant la proportionnalité et la nécessité d’une telle mesure. Pour cela, il faudra évaluer la situation telle qu’elle se présentera d’ici là, être précis, venir avec les chiffres, expliquer pourquoi, avec ce résidu de personnes non vaccinées et avec le taux d’incidence qu’on connait, cela reste une hypothèse à risque pour nos hôpitaux.

Je pense que cela se tient et que cela va passer. Et pour moi cela fait a priori tout son sens de travailler sur cette population puisqu’il reste actuellement 11% de non-vaccinés. Mais il faudra l’argumenter le moment venu. Ce n’est pas possible de juste affirmer que cela fait du sens en regardant le passé.

Vous avez déclaré récemment, lors d’une interview à Télécran à la fin de l’année, que vous vouliez pouvoir discuter de l’obligation vaccinale calmement une fois la pandémie terminée. Ne s’agit-il pas d’une volte-face de votre part?

«Cela reste vrai, ce n’est pas optimal, le mieux aurait été de ne pas en avoir besoin. J’aurais souhaité ne pas avoir à discuter de cette obligation vaccinale maintenant, au bout de deux ans de pandémie, alors que tout le monde est fatigué et que cela polarise énormément. Personne n’a envie d’imposer une obligation vaccinale. Mais il faut être lucide: si c’est le moment d’en discuter, il faut en discuter, et je ne me dérobe pas.

J’aurais souhaité ne pas avoir à discuter de cette obligation vaccinale maintenant, au bout de deux ans de pandémie, alors que tout le monde est fatigué et que cela polarise énormément.
Paulette Lenert

Paulette Lenertministre de la Santé

Pour éviter la vague que nous connaissons cet hiver, ne fallait-il pas rendre la vaccination obligatoire plus tôt?

«Très sincèrement, je pense que non. Au début de la campagne de vaccination, beaucoup d’aspects militaient en faveur d’une approche de conviction. Nous misions sur le volontariat dans l’espoir, comme la plupart des experts le préconisaient, d’atteindre un taux de vaccination globale de 75% afin d’être à même d’en finir avec la pandémie. C’est ce qui a été mis en place dans différents pays et c’était la position du gouvernement d’arriver à cette fin sur base du volontariat. Nous constatons maintenant que cela n’a pas marché et j’estime que c’est désormais le moment de se préparer.

Du reste, au Luxembourg, nous sommes actuellement à 90% de taux de vaccination pour les plus de 60 ans, ce qui est vraiment bien. Il faut y aller pas à pas, et je reste convaincue qu’il est important d’essayer par la conviction puis, si nous ne parvenons pas à atteindre le taux qu’il faut, de mettre en place l’obligation.

D’un point de vue épidémiologique, l’obligation vaccinale fait tout son sens depuis le début de la campagne vaccinale. Qu’est-ce qui, d’un point de vue politique, vous rend plus circonspecte?

«Pour moi, d’un point de vue juridique, un ultima ratio (l’usage de la contrainte en dernier recours, ndlr) ne correspond pas à la philosophie des politiques de santé publique actuelles, dont le but est de mettre le patient au centre des préoccupations, de l’impliquer, d’obtenir son adhésion. Énormément d’efforts sont faits dans ce sens pour émanciper le citoyen et le patient. Donc venir avec une obligation vient à contre-courant des tendances actuelles de la politique.

Venir avec une obligation vient à contre-courant des tendances actuelles de la politique.
Paulette Lenert

Paulette Lenertministre de la Santé

Et tout ce qui touche à la santé concerne des droits fondamentaux très forts, que cela soit d’un point de vue individuel – toucher à l’intégrité physique, c’est toucher à quelque chose de très précieux, aux droits qui nous sont les plus chers –, ou d’un point de vue politique, avec l’obligation très forte que nous avons d’assurer la santé publique avec tous les moyens possibles.

Or nous parlons quand même d’une injection, ce n’est pas anodin. Donc, juridiquement, éthiquement, il faut que l’argumentaire et l’examen de proportionnalité soient vraiment convaincants.

Vous êtes très populaire dans les sondages. Votre réticence vis-à-vis d’une telle obligation n’est-elle pas liée à une crainte de compromettre votre popularité en appliquant une mesure clivante dans l’opinion publique?

«J’essaie d’être pondérée, de faire ce qu’il y a de mieux pour le pays et ce qui est absolument nécessaire pour atteindre le but légitime que nous nous donnons. C’est cet éternel équilibre entre la sévérité des mesures et les finalités que l’on se donne qui a marqué la politique de gestion de cette crise au Luxembourg, depuis le début et jusqu’à maintenant.

La gestion de crise peut renverser la popularité du jour au lendemain.
Paulette Lenert

Paulette Lenertministre de la Santé

Par ailleurs, nous avions souvent des mesures moins incisives que dans d’autres pays. Or il fallait l’assumer: si cela foirait, cela pouvait aussi se retourner contre nous. La tendance était d’ailleurs par moment inverse dans l’opinion publique. Car la gestion de crise peut renverser la popularité du jour au lendemain. Ce n’est donc pas cela qui doit nous guider. Il faut être sûr de ce qu’on fait, de la finalité recherchée et de l’argumentaire qu’on va produire.

Avant le débat sur la vaccination obligatoire, le DP et déi Gréng, vos partenaires de coalition, se sont prononcés vite et clairement en faveur de l’obligation vaccinale. Le LSAP a annoncé sa position au dernier moment, avec une position bien plus prudente. A-t-il donné son accord sous la pression?

«Il y a eu beaucoup d’avis, sept ou huit, qui sont arrivés à la dernière minute, et j’estime que c’est un minimum de respect vis-à-vis des gens qui ont formulé ces avis dans des délais très brefs d’en prendre connaissance et d’être ouverts, quitte à évaluer les différents arguments jusqu’à la dernière minute. Je peux vous assurer que j’ai passé la moitié de la nuit à les lire. En fait, nous avons été assez rapides à y souscrire.

Le Premier ministre, Xavier Bettel (DP), a récemment participé à un podcast avec le Dr Schockmel, médecin spécialiste en maladies infectieuses aux HRS, dans lequel ce dernier vous critique directement, vous et votre ministère. Le duo que vous formez depuis le début de la crise s’effrite-t-il?

«Non, franchement, pas du tout. Nous avons eu des moments très durs ensemble. Cela va être très difficile de nous éloigner, je peux vous le garantir!

Il y a des différences de tempérament, tout simplement. L’épisode des avis sur l’obligation vaccinale en est un bon exemple. Tout le monde a des idées préconçues au départ et des gens sont plus enclins à les afficher tout de suite. Ce n’est pas mon tempérament. Je préfère retenir mon opinion, rester ouverte et lire ce que tout le monde écrit. Ensuite, je me fixe. C’est vrai que cela peut nous distinguer. Mais il n’y a pas de mésentente, nous étions toujours d’accord, et même rapidement, sur les grandes lignes.

Tout le monde vous imagine en tête de liste aux prochaines législatives. Ce qui ferait de vous une adversaire de M. Bettel ou des prétendants déi Gréng. Ces dissonances ne sont-elles pas les prémices de la campagne des législatives qui approche?

«J’espère que non, nous en sommes encore loin. Je ne l’ai pas encore vécu, c’est une expérience à faire… Mais il ne faut pas douter de cela maintenant. Pour moi et M. Bettel – et c’est le premier à l’affirmer –, nous sommes une équipe et nous allons faire équipe jusqu’à la fin de cette législature. C’est clair pour moi.»