«Je n’arrive toujours pas à croire qu’il y a la guerre dans mon pays», confie Alexandra, dont le mari est resté en Ukraine pour combattre. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

«Je n’arrive toujours pas à croire qu’il y a la guerre dans mon pays», confie Alexandra, dont le mari est resté en Ukraine pour combattre. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Alexandra, 33 ans, est arrivée au Luxembourg avec son petit garçon et sa petite fille de 11 et 5 ans au sein du bus coordonné par Julien Doussot. Recueillis par une famille luxembourgeoise, les Ukrainiens tentent de se reconstruire, mais n’espèrent qu’une chose: rentrer chez eux.

Alexandra est assise sur le canapé, sa petite fille de cinq ans Kaleriia est sur ses genoux et, à côté d’elles, se trouve le grand frère de Kaleriia, Bohdan, 11 ans. La famille ukrainienne est arrivée au Luxembourg ce dimanche 6 mars à bord du , CEO de Telecom Luxembourg International. «Mon épouse Tanya est Ukrainienne, et dès que l’on a vu les premières images de l’invasion russe, on a voulu agir», raconte-t-il.

Dans un premier temps, le couple pense se rendre à la frontière roumano-ukrainienne en voiture pour ramener ses amis. Ce sont, au final, 34 réfugiés, dont 22 enfants de 6 mois à 14 ans, qui seront rapatriés par le bus luxembourgeois via la Pologne et la Roumanie. «Et je tiens une nouvelle fois à remercier Sales-Lentz pour leur aide, nous avions cinq chauffeurs qui se relayaient, nous avons eu la chance de pouvoir voyager dans de bonnes conditions contrairement à d’autres personnes. Nous devions ramener encore plus de réfugiés, mais certains sont rentrés plus tôt ou plus tard». Le périple a tout de même duré plusieurs jours, dont 30 heures où le bus a été bloqué à la frontière hongroise, «parce que les gardes-frontière exigeaient des passeports biométriques, mais la plupart des familles ukrainiennes n’en ont pas», raconte Julien Doussot.

Si les passagers de son bus s’en sont sortis indemnes, malgré les heures d’attente, «nous avons aussi vu une dame d’un autre bus mourir devant nos yeux, alors qu’elle avait voyagé et patienté dans des conditions d’hygiène terribles. Grâce aux différents réseaux sociaux, nous avons pu retrouver plusieurs groupes de réfugiés à différents endroits, en Pologne, en Roumanie, et grâce à l’intervention du ministère des Affaires étrangères, , qui nous a mis en relation avec le représentant permanent du Luxembourg auprès de l’Union européenne, tout le monde a pu passer les frontières malgré le manque de passeports biométriques.»

Julien Doussot et son épouse accueillent dans leur appartement leur amie Alona, ses deux filles de 7 et 14 ans, Milana et Daniela, leur chien et leur chat. «Son mari Miro devait faire le voyage avec elles, mais il est finalement resté dans son pays pour combattre». Alexandra et ses deux enfants habitent à quelques centaines de mètres de là, chez Simone. «C’était une évidence pour mon mari et moi d’être famille d’accueil», explique la Luxembourgeoise. «Nous avons la place à la maison et nous avons déjà emmené Kaleriia à des cours de danse depuis son arrivée il y a quelques jours», ajoute-t-elle en montrant des photos de la petite fille en justaucorps. «Elle faisait de la danse, de la natation et de la GRS en Ukraine, alors elle est très contente de pouvoir en faire ici au Luxembourg», ajoute Alexandra.

Déjà quelques mots de luxembourgeois

La jeune femme de 33 ans possédait son propre institut de beauté en Ukraine, et habitait avec son mari et ses enfants la ville d’Irpin, à quelques kilomètres de Kiev. «Aujourd’hui, ma maison a été détruite, et j’espère tous les jours qu’on annonce la fin de la guerre pour pouvoir retourner dans mon pays», raconte en anglais Alexandra, très émue. «Ma famille est restée là-bas, mais je devais sauver mes enfants. C’est très dur d’avoir des nouvelles avec les coupures de réseaux ou les moments où ils doivent être sous-terre pour se mettre à l’abri, mais nous essayons de les appeler tous les jours.»

Dans la nuit de ce jeudi à vendredi, des bombardements ont eu lieu dans la ville de l’ouest de l’Ukraine où se trouvent les maris d’Alona et Alexandra, «mais ils n’ont heureusement rien eu», rassure Julien. Et même si son souhait le plus cher est de retourner dans son pays et de reconstruire ce qui a été détruit, Alexandra veut que ses enfants «aillent à l’école au Grand-Duché, c’est très important qu’ils continuent à étudier et à apprendre des choses.» Son jeune garçon a d’ailleurs déjà appris en quelques jours plusieurs mots en luxembourgeois comme «moien, äddi ou merci».


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Depuis le début de leur engagement, Julien Doussot et son épouse Tanya ont créé l’asbl Slava Ukrayini Luxembourg «afin, notamment, de recueillir des dons et d’encadrer l’arrivée des réfugiés, car beaucoup d’entre eux n’ont pas changé leurs ‘hryvnia’ (monnaie ukrainienne, ndlr) en dollars avant de partir et, désormais, il est très difficile, voire impossible de trouver une banque qui accepte de les convertir en euros.» L’asbl est d’ailleurs présente au Spring Break qui se tient jusqu’au 13 mars à Luxexpo The Box.

«Les Ukrainiens se battront jusqu’au bout»

Le chef d’entreprise a déjà également reçu des propositions d’emplois pour les réfugiés, «donc les choses s’organisent. Tous les scénarios sont possibles aujourd’hui. Peut-être que le conflit va s’arrêter rapidement, mais on n’y croit pas trop. Donc il faut mettre en place des choses pérennes, au niveau de l’emploi, de la scolarisation des enfants, et des logements.» Le ministère des Affaires étrangères avait d’ailleurs indiqué dans une récente réponse parlementaire que les capacités d’accueil des réfugiés du pays étaient à saturation, et que de nouvelles structures allaient être créées.

«Rien n’arrêtera Poutine, mais les Ukrainiens se battront jusqu’au bout, c’est pour cela qu’il faut que les Occidentaux interviennent», conclut Alexandra, qui dit tomber de fatigue, tout comme ses enfants, le soir. «L’Union européenne intervient déjà d’une certaine manière puisque certains pays comme l’Allemagne nous fournissent des armes. Mais l’armée russe bombarde les maisons, les hôpitaux, tue énormément de civils, d’enfants, on ne peut pas laisser faire. Je n’arrive toujours pas à croire qu’il y a la guerre dans mon pays, car nous habitons dans une démocratie.»