Michelle Glorieux (Ta-Da!) a reçu son prix des mains de Genna Elvin (Tadaweb). (Photo: Simon Verjus/Maison Moderne)

Michelle Glorieux (Ta-Da!) a reçu son prix des mains de Genna Elvin (Tadaweb). (Photo: Simon Verjus/Maison Moderne)

La Belgo-Américaine Michelle Glorieux, CEO de Ta-Da!, a remporté la troisième édition des Start-up Stories organisée par Paperjam. Une récompense décernée ce 15 décembre et qui vient couronner une année de succès pour sa solution d’apprentissage du langage à partir de papier interactif sonore.

Journaliste d’investigation à Nashville, aux États-Unis, professeur de langues, Michelle Glorieux a lancé Ta-Da! en 2018 avec cette confiance inébranlable lui permettant de déplacer des montagnes. Après Ilana Devillers et , Nicolas Legay et Aurélien Dobbels avec , sa start-up remporte la troisième édition des Start-up Stories organisée par Paperjam.

Michelle, commençons par le début: que fait votre start-up, hébergée au Luxembourg-City Incubator?

Michelle Glorieux. – «Nous développons des livres intelligents, des livres et depuis peu des dictionnaires, mais aussi d’autres supports, grâce auxquels les très jeunes enfants peuvent apprendre le langage par le son. Ils touchent le livre, qui émet un son, et ça les entraîne.

On vous voit beaucoup sur les réseaux sociaux, mais assez peu dans des événements ou des concours. Vous êtes focus sur le développement?

«Je n’ai pas le temps. C’est la vie des entrepreneurs du monde des start-up. La semaine dernière, le 2 novembre, nous avons débuté notre campagne sur Kickstarter (, ndlr). Et nous voulons lever 2 millions d’euros. En fait, le ministère de l’Économie nous apportera une subvention d’un million si nous levons un million d’euros par nous-mêmes. C’est pour un projet spécial sur lequel nous commençons tout juste à travailler.

Quel est ce projet? On peut en savoir un tout petit peu plus?

«Nous travaillons sur l’intelligence artificielle et la reconnaissance vocale. Nous avons déjà des prototypes qui fonctionnent très très bien.

À quoi cela va-t-il servir pour vos dictionnaires audio, riches de 1.000 mots, déclinés en 23 voix différentes?

«Cela amènera un autre moyen d’accéder à la joie de se lancer dans l’aventure du langage et de la culture sans écran. Et, ce qui nous excite encore bien davantage, c’est la possibilité d’avoir un outil de reporting beaucoup plus évolué dans le cadre de l’apprentissage. Prenez le dictionnaire, par exemple. Cela permettra d’envoyer un rapport, la nuit, au professeur, pour lui indiquer ce que l’enfant maîtrise vraiment bien ou pas, afin de vraiment customiser, personnaliser l’expérience d’apprentissage. C’est pour cela que nous n’avons pas participé à beaucoup d’événements. Nous avons eu une année très intense, avec de nombreux succès.

Le livre sans contact, «touchless» en anglais, a une spécificité…

«Oui, il n’existe aucun produit sur le marché pour apprendre le langage aux enfants de moins de 5 ans, or c’est le moment où les enfants sont les plus réceptifs à l’apprentissage des langues. Sans compter qu’être trop ‘collé’ aux écrans, à cet âge, n’est pas bon pour la santé.

Pour ceux qui n’auraient pas suivi cette fantastique année, vous pourriez nous en résumer les points principaux?

«Ça ne tient plus sur deux slides! Mais allons-y! Nous avons recruté un directeur opérationnel au Luxembourg, Del Lloyd, un directeur technique dans la Silicon Valley, Alex Freed, et un chief revenue officer à New York, Tim McCall, et des étudiants de l’Université du Luxembourg. Nous avons levé 400.000 euros auprès de neuf investisseurs pour imprimer nos six premiers titres, avec lesquels nous sommes allés sur le marché en avril. Depuis, nous avons vendu 11.000 exemplaires sans le moindre effort de marketing.

L’effet de cet incroyable accord avec la chaîne Barnes & Noble aux États-Unis?

«Oui, ce sont 700 librairies dans tous les États-Unis, le plus gros réseau de librairies. Mais nous avons aussi eu la possibilité de vendre nos livres chez Ernster, au Pall Center, chez Sichel Home, à la librairie Bicherhaischen, au magasin de jouets Holzhaischen, dans les pharmacies locales, à la librairie Du Tiers et Du Quart – et bientôt chez Abitare Kids.


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Nous avons aussi élargi notre gamme de livres de 6 à 11 ans. Dix autres seront bientôt prêts. Ces livres sont accessibles en français, en allemand, en espagnol, en anglais (pour les États-Unis), en mandarin, et nous avons notre premier livre en luxembourgeois qui attend d’être imprimé. Nous avons aussi développé 18 ebooks pour Apple. Un de nos livres est entré pour la première fois en 16e position dans la liste des best-sellers d’Amazon aux États-Unis, encore une fois sans marketing.

Qu’est-ce que vous avez dans les tuyaux, comme on dit, en dehors du premier livre en luxembourgeois?

«Nous sommes en discussion avec le système scolaire américain à Tampa, en Floride, pour intégrer notre série ‘The Language Adventures’, qu’ils ont découvert chez Barnes & Noble. Le premier dictionnaire parlant en anglais, développé par un linguiste de Harvard, Jesse Lewis, qui a reçu quatre Grammy Awards pour ‘Yo-Yo Ma’, doit sortir sous peu. Nous sommes à quelques semaines de finaliser à la fois le dictionnaire parlant en allemand avec l’École internationale allemande de la Silicon Valley et le dictionnaire parlant en espagnol avec l’Université autonome de Mexico et le triple lauréat des Latin Grammy Awards, Andres Landinez.

Autre fait amusant: au moment où le Luxembourg complète son dispositif pour développer les start-up de l’espace et, de manière générale, l’économie de l’espace, vous aussi, dans ce domaine de l’éducation par des livres sonores et interactifs, vous avez un projet «spatial»…

«Oui. Disons que nous nous intéressons à l’espace comme sujet. Nous venons de terminer le quatrième titre de la série ‘Language Adventures, Space’, avec la même équipe primée. La semaine dernière, nous nous sommes associés à Brian May, le guitariste de Queen, pour assurer la richesse pédagogique de ce sujet très pertinent et apporter également le vocabulaire de l’espace dans une variété de langues différentes aux enfants de 0 à 5 ans et plus, dans le monde entier. L’astronaute de la Nasa, Nicole Stott, nous a donné son accord pour être l’invitée vedette de la version anglaise de ‘Space’. Nous travaillerons aussi à des expositions interactives pour la Journée mondiale des astéroïdes dans deux musées, un dans la Silicon Valley et l’autre au Luxembourg. Nous serons également présents aux côtés de l’Asteroid Foundation lors de cette journée, qui a traditionnellement lieu en juin.

Depuis le début – et c’est probablement une bonne approche parce que le marché luxembourgeois est petit par nature –, vous revendiquez être une société globale… sans renoncer à votre attachement au Luxembourg, n’est-ce pas?

«Oui, cette année, comme nous l’avons vu, nous avons développé nos relations avec les États-Unis, à différents niveaux. Tout le monde est très investi dans le projet. Mais le Luxembourg reste définitivement ‘the place to be’. Nous sommes en train de voir comment organiser un événement avec un casting de voix d’enfants locaux, qui seront dans le dictionnaire vocal français et luxembourgeois. Tous ceux qui diront un mot correctement dans le microphone seront inclus dans la version finale. Bien sûr, le Covid nous oblige à rendre cela sûr. Nous avons aussi déjà établi des partenariats, au Luxembourg, pour lancer un programme préscolaire sur du papier tactile autour de la phonétique, des jeunes lecteurs et d’affichages pour la classe. Tout ce que l’on fait, c’est incroyable que cela n’existe pas. Avec mon équipe, nous voulons apporter tout cela aux systèmes éducatifs.

Tout est sur d’impressionnants rails. C’en est même étonnant!

«Nous n’avons pas de problème. Seulement de belles choses à apporter. Bon, notre seul souci est que nous avons besoin d’argent. De beaucoup d’argent, parce que nous sommes un acteur global. Aujourd’hui, nous avons beaucoup de marques d’intérêt pour notre technologie de la part de très nombreux pays, et nous sommes obligés de refuser, de dire ‘non’, de rester concentrés pour lever un million d’euros, de manière à toucher un autre million d’euros, à savoir la subvention de Luxinnovation.

Un million, ce n’est pas tant que cela en ce moment avec vos développements, aussi bien en termes de ventes que de partenariats ou de projets, si?

«De ce côté-ci de l’Atlantique, quand même… Mais quand j’en parle avec mon avocat et mes contacts dans la Silicon Valley, ils répondent: ‘Oh mais ce n’est rien, parlons-en!’ Le Luxembourg, c’est ma communauté. C’est ici que l’on m’a apporté tout le soutien dont j’avais besoin. Nous devons avancer. Si nous ne le faisons pas, quelqu’un d’autre va le faire. Quand vous regardez l’évolution des technologies de l’éducation, vous voyez à quel rythme cela va! Le confinement a montré l’impact de la technologie sur l’apprentissage, mais nous avons besoin de davantage de technologies. Tous les jours, je participe à des séminaires où les gens disent avoir besoin de solutions. Et tous les jours, je réponds que j’ai ces solutions.»