Hélène Ruiz Fabri se félicite d’une réputation internationale pour son Max Planck Institute Luxembourg, mais elle peine à recruter des chercheurs luxembourgeois. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Hélène Ruiz Fabri se félicite d’une réputation internationale pour son Max Planck Institute Luxembourg, mais elle peine à recruter des chercheurs luxembourgeois. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Le Max Planck Institute Luxembourg, dédié à la recherche en droit procédural, continue de grandir. Ouverture de son troisième département en 2024, déménagement d’ici 2027… Hélène Ruiz Fabri, directrice, dresse le bilan après sept ans d’implantation.

La Max-Planck-Gesellschaft, association allemande pour la recherche fondamentale en sciences dures, sciences de la vie et de la santé et sciences humaines et sociales, décernera mercredi 17 juin l’Otto Hahn Medal. Elle récompense les travaux de jeunes doctorants dans ses 84 instituts (79 en Allemagne).

Cette année, celui du Luxembourg, spécialisé en droit procédural, a présenté un candidat. En attendant les résultats, sa directrice, la professeure , fait le point sur les activités de l’institut.

Vous espérez recevoir l’Otto Hahn Medal mercredi prochain. Qu’est-ce que cela représenterait pour votre institut?

Hélène Ruiz Fabri. – «Pour l’institut du Luxembourg, très jeune, ce serait un symbole de réussite. La preuve qu’il a atteint un niveau de maturité.

Je pense que ça peut être un moyen de faire connaître l’institut. Pour que le grand public réalise que des modèles de recherche d’excellence concourent au rayonnement intellectuel du pays.

Justement, comment définir, concrètement, l’activité du Max Planck Institute Luxembourg?

«C’est de l’expertise. Par exemple, quand la Commission européenne réfléchit à la création d’une Cour multilatérale d’investissement, je suis invitée avec des chercheurs à faire un séminaire sur la question d’indépendance et d’impartialité des juges. C’est aussi un travail critique sur ce qui existe.

Cet institut s’intéresse au droit procédural. Ce sont les règles qui régissent les façons dont on doit faire les choses, un domaine sous-exploré. Il a pour objectif de révéler tous les enjeux qui peuvent accompagner ces règles.

L’institut . Quel bilan tire-t-il?

«Nous comptons entre 50 et 55 chercheurs. Ce sont des contrats à durée déterminée qui peuvent aller jusqu’à cinq ans. Il y en a 10 à 12 qui ont déjà leur doctorat et les autres sont des doctorants qui font leur thèse.

Nos programmes de recherche ont donné lieu à la publication de 190 chapitres d’ouvrages, 274 articles (hors blogs) et 40 entrées d’encyclopédies entre septembre 2012 et décembre 2019.

Qu’est-ce que l’institut apporte au pays?

«Nous avons acquis une réputation internationale. Ce qui donne au Luxembourg une visibilité en tant que participant à cet étage de la recherche mondiale. Nous avons des candidats du monde entier.

Est-il facile d’attirer ces chercheurs au Grand-Duché?

«Quand on publie une position (un poste, ndlr), on reçoit entre 80 et 90 candidatures. Jusqu’à présent, je n’ai jamais eu de difficultés à trouver de bons candidats. Mais ce n’est pas toujours évident de faire venir les gens au Luxembourg. S’ils ont deux ou trois opportunités, ils hésiteront peut-être à venir ici, car la vie est chère. L’Université rencontre moins ce problème puisqu’elle a reçu des logements. Pas nous.

Je regrette aussi que les Luxembourgeois ne s’intéressent pas aux instituts qui sont ici, au lieu de regarder ailleurs. Rien que dans mon département, il y a 15 nationalités différentes et un seul Luxembourgeois.

Le Max Planck Institute Luxembourg est financé par l’État. Quel budget recevez-vous chaque année?

«Le contrat prévoit que le gouvernement puisse donner jusqu’à 12 millions d’euros par an. Le budget grossit progressivement. Cette année, il tourne autour de 9,5 millions d’euros.

L’accord entre la société Max Planck et le gouvernement prévoyait aussi votre installation dans un bâtiment public. Vous deviez ainsi déménager avant 2020 dans l’ancien couvent du Limpertsberg. Au lieu de cela, vous êtes toujours en location au Kirchberg. Qu’en est-il de ce projet?

«Il s’est avéré que ces locaux du Limpertsberg étaient trop petits et les travaux de rénovation beaucoup trop coûteux. Finalement, le plan du gouvernement va être de rénover entièrement le campus Kirchberg, et parmi les nouveaux bâtiments construits, il y en aura pour la faculté de droit et l’institut Max Planck. On pense que le déménagement devrait avoir lieu vers 2025-2027.

D’ici là, quelles seront les prochaines actualités de l’institut?

«Nous allons accueillir à partir de la rentrée un ‘Max Planck fellow’, c’est-à-dire un universitaire qui va dédier une partie de son temps à une petite équipe de recherche. Il va y avoir de nouveaux recrutements de chercheurs sur cette base-là: un post-doc et deux doctorants.

La bibliothèque du Max Planck Institute Luxembourg compte environ 60.000 livres spécialisés en droit. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

La bibliothèque du Max Planck Institute Luxembourg compte environ 60.000 livres spécialisés en droit. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

En principe, à partir de 2024, il devrait y avoir la création du troisième département de l’institut. Il aura la même dimension que les deux départements existants: 10 research fellows, 10 doctorants, 5 post-docs et 2 personnes au support scientifique. Le recrutement de son directeur n’a pas encore eu lieu.

Pour le moment, l’institut n’a que deux départements de recherche. Le premier, dirigé par le professeur Burkhard Hess, est un département de procédures civiles européennes et comparées. Le mien est un département de droit international et de règlement des différends. C’est plutôt du droit procédural international. Le troisième sera consacré au droit régulatoire international, tout ce qui concerne la régulation financière.

Et en ce moment, comment vous organisez-vous pour poursuivre les recherches malgré le Covid-19?

«L’institut a fermé aux alentours du 15 mars. Tout le monde a été en home working, sauf quelques fonctions de support. Les bibliothécaires ont fait un travail formidable pour mettre rapidement en place un système permettant l’accès à distance aux ressources documentaires (plus de 60.000 livres). Après quatre semaines, les chercheurs pouvaient passer des commandes d’ouvrages et venir les retirer à la réception. Dès qu’on a pu, on a permis un accès ponctuel.

Nous sommes actuellement à 30% de l’effectif dans les locaux, pour remonter fin juin à 50%, avec une certaine flexibilité.»