Pour l’ex-président du CES, Jean-Jacques Rommes, il faudrait aller jusqu’à l’harmonisation pour les pays autour du Luxembourg, histoire de rendre la question du télétravail plus simple à aborder de manière globale. (Photo: Maison Moderne/archives)

Pour l’ex-président du CES, Jean-Jacques Rommes, il faudrait aller jusqu’à l’harmonisation pour les pays autour du Luxembourg, histoire de rendre la question du télétravail plus simple à aborder de manière globale. (Photo: Maison Moderne/archives)

À la veille de quitter la tête du Conseil économique et social, Jean-Jacques Rommes a livré, au printemps, une analyse plus nuancée des bienfaits et des méfaits du télétravail. Aujourd’hui, s’il se félicite des accords passés avec la Belgique, il regrette qu’on soit encore loin des recommandations du CES.

«Il faut d’abord féliciter les gouvernements belge et luxembourgeois d’être parvenus à un accord. C’est une bonne chose pour le télétravailleur.» est parfois critique, mais toujours fair-play. Surtout au moment d’évoquer qui travaillent au Luxembourg. «C’est encore assez éloigné de la situation que le CES avait espérée», nuance-t-il aussitôt.

, le 7 avril dernier, le Conseil économique et social avait synthétisé le fruit de ses discussions avec de nombreux acteurs du monde économique pour éviter que le débat ne soit limité à la question du nombre de jours par semaine qu’un frontalier pourrait effectuer de chez lui.

Pour le CES, impossible de dissocier la question de la fiscalité et celle de la sécurité sociale. «On a toujours parlé des accords en termes fiscaux, mais chacun de ces accords s’est accompagné d’un autre, sur le gel provisoire autour du seuil de 25% du temps de travail effectué depuis son pays de résidence pour devoir s’affilier à la Sécurité sociale de ce pays», insiste-t-il.

«Or, au CES, il nous semblait important de travailler à l’uniformisation des seuils sur le plan fiscal, d’abord parce que c’est plus facile de gérer la situation de ses employés, mais aussi parce que cela évite des discriminations entre les Belges, les Français et les Allemands», détaille M. Rommes. «Mais nous souhaitions aussi que l’on travaille sur le seuil des 25% pour s’affilier à la Sécurité sociale du pays de résidence du frontalier. C’est un seuil qui a une base beaucoup plus solide, puisqu’il émane d’un règlement européen. Mais qui n’est pas sans poser des problèmes aux entreprises si elles doivent commencer à payer la sécurité sociale des trois pays frontaliers.»

Des formalités supplémentaires, et surtout des coûts supplémentaires, de nature à nuire à la compétitivité.

Un jour par semaine, 350 millions d’euros perdus par an

«Ce qu’on ne dit pas beaucoup non plus, c’est que, si vous prenez 52 semaines, moins, disons, sept semaines de congé payé, cela fait 45 semaines. 34 jours de télétravail, cela ne fait pas un jour par semaine. Le frontalier, en accord avec son employeur, peut évidemment travailler plus souvent de chez lui, mais il devra payer des impôts dans son pays de résidence. Passer à deux jours par semaine est totalement irréaliste du point de vue de la sécurité sociale, puisque, là, le salarié bascule dans son pays de résidence pour toute l’année. Ce n’est plus proportionnel à la différence.»

«Mais le télétravail, ce n’est pas la panacée», lance l’ex-président du Conseil économique et social. «Il ne faut pas croire que plus de télétravail rend forcément le monde plus rose. Rappelez-vous que le bonheur des uns fait le malheur des autres. Il y a des employés qui ne peuvent pas en profiter, il y a des entreprises où c’est très compliqué à gérer, des secteurs d’activité qui en pâtissent…»

Dans son avis d’avril, le CES reprenait une étude de l’Horesca, qui estimait à 197.914 salariés (sur 460.000) ceux qui pouvaient passer en télétravail. Pendant la pandémie, 48% ont basculé en télétravail, 21% en mode hybride, tantôt physique, tantôt à distance, et 31% ont dû continuer à travailler comme si de rien n’était. Tout télétravailleur fait perdre 40 euros par jour à l’économie luxembourgeoise, 25 en hôtellerie et restauration, et 15 pour les autres dépenses. Soit 350 millions d’euros par an sur la base d’un jour par an pour ceux qui peuvent en profiter et des 2.000 emplois en moins, souvent des emplois difficiles à pourvoir. «Cette étude nous semblait crédible», assure M. Rommes. «C’est pour cela que nous l’avons reprise, tout en étant très clairs sur son origine.»