C’est la passion du père d’Yves Creutz, Marcel, qui a mené cette société de Weiswampach vers la gestion de fortune des footballeurs.  (Photo: FOVEART)

C’est la passion du père d’Yves Creutz, Marcel, qui a mené cette société de Weiswampach vers la gestion de fortune des footballeurs.  (Photo: FOVEART)

En marge de l’Euro, Paperjam et Delano vous proposent une série d’articles liés au football. Ce mardi, on s’intéresse à la gestion de fortune des footballeurs. Avec Yves Creutz de la société Creutz & Partners, qui s’est fait une spécialité de s’occuper des sportifs de haut niveau. 

«On regarde beaucoup l’Euro à la télévision en ce moment», sourit Yves Creutz, administrateur délégué de la société spécialisée en gestion de fortune, . Il faut dire que quelques-uns de ses clients évoluent actuellement sur les pelouses européennes. Et dans des équipes ambitieuses. «On va dire que l’on gagnera l’Euro, quel que soit le nom du vainqueur final…» lance-t-il tout sourire, tandis qu’il répond à nos questions. 

Au Luxembourg, la rumeur dit que vous faites partie des gestionnaires de fortune les plus spécialisés dans le domaine des sportifs de haut niveau. Qu’est-ce que cela représente en termes de clients?

Yves Creutz. – «Parmi nos nombreux clients, 10% sont des sportifs de haut niveau. Certains sont actifs dans leur première carrière, celle qui se déroule sur les terrains. D’autres dans leur deuxième, l’après-sport. Nous avons débuté en nous occupant de footballeurs. Mais nous sommes également aujourd’hui en train de faire nos premiers pas dans le cyclisme, le basket et le tennis.

Pourquoi et comment se spécialise-t-on dans un domaine comme celui-ci?

«Chez nous, c’est arrivé par passion! Celle que mon père, notre fondateur Marcel Creutz, vouait au football et au club allemand d’Aix-la-Chapelle. À une époque, il a même été membre du conseil d’administration de l’Alemannia Aachen et a vécu l’accession en première Bundesliga, la D1 allemande, dans les années 2000.

C’est ainsi que mon père, qui avait fondé un des premiers départements de gestion de fortune lorsqu’il travaillait pour la Deutsche Bank à Aix-la-Chapelle dans les années 80, s’est dit que cela pourrait être intéressant de gérer les actifs de certains footballeurs.

On considère que la carrière d’un footballeur dure habituellement de 10 à 12 ans. (…) Il est donc davantage pressé de se constituer un actif suffisant pour vivre sur le long terme.
Yves Creutz

Yves Creutzadministrateur déléguéCreutz & Partners

Gère-t-on un sportif de haut niveau comme un autre client?

«Oui et non. Nous servons évidemment lensemble de nos clients avec le même dévouement: quils soient athlètes, entrepreneurs familiaux, collectionneurs dart, familles fortunées ou jeunes investisseurs. Mais il existe certaines différences entre les premiers cités et les autres. La première est forcément liée au caractère court de la carrière d’un sportif de haut niveau. Pour un footballeur, on parle habituellement de 10 à 12 ans. Et au terme de celle-ci débute alors une deuxième carrière qui, elle, sera bien plus longue. Un sportif de haut niveau est donc davantage pressé de se constituer un actif suffisant pour vivre sur le long terme. Nous ne sommes pas leur agent, nous ne nous occupons pas de leurs engagements sur le terrain. Mais nous les aidons à épargner et à développer leur fortune sur le long terme.

De notre côté, nous avons une approche de type family office, on s’occupe à 360 degrés des besoins du sportif. Et à ce niveau-là, on peut séparer les athlètes pratiquant une discipline collective de ceux exerçant un sport ‘indépendant’ du style tennis, golf… Le soutien à leur apporter n’est pas le même. Une statistique dit qu’une personne avec dix millions d’euros de fortune habitera, en moyenne, durant sa vie, dans trois juridictions différentes. C’est encore plus vrai pour un footballeur qui est établi là où son club évolue et peut être amené à déménager internationalement au fur et à mesure de sa carrière. Or, dans un cas comme celui-là, vous avez besoin d’experts à vos côtés qui facilitent votre vie internationale. C’est notre rôle.

La situation est donc différente pour un joueur de tennis, un golfeur ou boxeur?

«Oui. Du fait qu’ils ont des organisations patrimoniales différentes. Mais aussi des sources de revenus qui peuvent provenir d’un peu partout dans le monde, suivant leurs résultats. Si je prends l’exemple d’une tenniswoman qui participe à l’Open d’Australie, à Roland-Garros et à l’US Open, elle recevra donc ses ‘prize money’ en provenance d’Australie, de France et des États-Unis. Elle aura donc besoin d’une expertise fiscale capable de s’adapter à son parcours sportif. Tout en n’oubliant pas qu’en bougeant un peu partout à travers le monde, elle ne parviendra sans doute pas à rester 50% du temps dans son lieu de résidence. Elle aura donc clairement besoin d’un accompagnement spécifique qui sera différent de celui d’un footballeur professionnel.

Nous ne sommes pas leur agent, nous ne nous occupons pas de leurs engagements sur le terrain. Mais nous les aidons à épargner et à développer leur fortune sur le long terme.
Yves Creutz

Yves Creutzadministrateur déléguéCreutz & Partners

Quels types de produits proposez-vous à un footballeur de haut niveau?

«En fait, on n’a pas de produits à proposer, mais des solutions qui peuvent s’adapter aux besoins propres de chacun de nos sportifs. La première chose que nous faisons lorsqu’un athlète nous rejoint, c’est un diagnostic patrimonial. Et ce, en fonction de ses actifs, de ses ambitions, de la direction qu’il veut prendre ou du moment qu’il envisage pour arrêter sa première carrière sportive. Cela nous apporte une connaissance interne de la situation actuelle et à venir du sportif qui nous sollicite. Et forts de ce constat personnel, nous nous occupons ensuite de réaliser au mieux ses projets. Tout en faisant appel, si nécessaire, à des experts supplémentaires.

Mais vous devez avoir l’une ou l’autre spécialité quand même?

«Nous sommes des investisseurs en ‘blue chip’ long terme. Nous investissons donc dans des sociétés solides à forte capitalisation sur le plan mondial, tournées vers des marchés comme celui de la consommation (Nestlé, Unilever…), du luxe (le groupe Richemont, LVMH…) ou du domaine pharmaceutique (Pfizer ou Novartis). A contrario, nous ninvestissons pas dans des entreprises de transport et évitons de manière générale dinvestir dans des entreprises qui sont avant tout dominées par une compétitivité en matière de coûts. Il est important que l’on puisse comprendre le modèle d’affaires des sociétés pour lesquelles nous optons. Nous avons donc une approche conservatrice à long terme.

Pour la gestion de fortune des sportifs de haut niveau, le Luxembourg se situe parmi les marchés les plus intéressants sur le plan mondial.
Yves Creutz

Yves Creutzadministrateur déléguéCreutz & Partners

Les sportifs qui vous emploient savent dans quels investissements leurs avoirs sont utilisés?

«Bien sûr. C’est même une de nos forces puisque les sociétés ‘blue chips’ dans lesquelles nous investissons sont généralement connues de tout le monde. Citons Nike, Kellogg’s, Adidas, Microsoft, Apple, Starbucks…

Une étude menée en 2012 par le cabinet allemand Schips Finanz énonçait qu’à l’époque, 50% des footballeurs tombaient en faillite après la fin de leur carrière sportive. Cela commence à dater un peu, mais le chiffre est frappant. Selon votre expérience, comment a évolué la situation depuis?

«Les salaires ont augmenté de manière inflationnaire depuis 2012 dans le foot. La situation est dès lors peut-être moindre aujourd’hui… Si je regarde comment cela se passe au niveau de nos clients, je remarque qu’ils sont très prudents avec leurs avoirs. Le style ‘tête brûlée’ que l’on pouvait retrouver à l’époque, voici dix ans, est beaucoup moins présent. En même temps, nous sommes là pour les aider à épargner. Du coup, ceux qui ont tendance à jeter l’argent par les fenêtres ont un comportement pas très compatible avec ce que nous faisons. Nous essayons plutôt de stimuler les réflexes qui peuvent éviter ces faillites… Ceux qui n’ont pas réfléchi à tout cela avant la fin de leur première carrière tombent parfois de haut.

Les footballeurs restent souvent mal entourés. Dès qu’ils gagnent bien leur vie, ils retrouvent beaucoup d’amis et leur famille a tendance à s’agrandir…
Yves Creutz

Yves Creutzadministrateur déléguéCreutz & Partners

Vous parliez d’une prudence plus accrue. Les joueurs seraient mieux entourés/conseillés aujourd’hui?

«Non. Ils restent souvent mal entourés. Dès qu’ils gagnent bien leur vie, ils retrouvent beaucoup d’amis et leur famille a tendance à s’agrandir… Tout le monde leur demande quelque chose. Cela les rend méfiants. Et on remarque d’ailleurs qu’ils sont souvent contents de trouver un partenaire, qu’il s’agisse de nous ou d’un concurrent, dans lequel ils peuvent avoir pleinement confiance.

Vous êtes généralement sollicités directement par les sportifs ou bien plutôt par ceux qui les conseillent?

«En principe, ce sont les sportifs qui viennent nous voir. Souvent d’ailleurs, ils ont été aiguillés par d’autres collègues. C’est le bouche-à-oreille qui amène des clients. En général, quand un sportif arrive chez nous, on le garde sur le long terme. Pour ne pas dire pour toujours [il sourit].

On va dire que l’on gagnera l’Euro, quel que soit le nom du vainqueur final…
Yves Creutz

Yves Creutzadministrateur déléguéCreutz & Partners

Et vous avez de nombreux clients présents lors de l’Euro de foot qui se dispute en ce moment?

«On va dire que l’on regarde beaucoup la télévision, oui [il sourit]. Le secret professionnel m’empêche de vous citer des noms. Les footballeurs que nous représentons viennent essentiellement d’Allemagne, de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg. Mais on va dire que l’on gagnera l’Euro quel que soit le nom du vainqueur final… [il sourit à nouveau].

Et la gestion de fortune luxembourgeoise liée au sport a aussi bonne réputation qu’on peut le penser? On retrouve des stars de premier plan comme Lionel Messi, Cristiano Ronaldo, Roger Federer, LeBron James… parmi les clients présents chez nous?

«Oui! Le Luxembourg est très reconnu dans ce domaine. Le Grand-Duché a et aura aussi à l’avenir une carte à jouer. On se situe parmi les marchés les plus intéressants sur le plan mondial, en étant la plus grande place financière transfrontalière d’Europe, le deuxième pays au monde abritant le plus de fonds d’investissement derrière les États-Unis… Et on possède une ‘tool box’ des plus complètes.»

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