Depuis une douzaine d’années, l’Université de Luxembourg propose son Master in Wealth Management. D’abord concentré sur une année, il s’étale aujourd’hui sur deux ans, de façon à pouvoir intégrer les nombreuses nouvelles matières que les spécialistes de la gestion de patrimoine doivent désormais maîtriser. «Les métiers de la gestion du patrimoine ont toujours été au carrefour de différentes compétences, notamment de la finance et du droit», explique Jang Schiltz, qui dirige ce master au sein de l’Université de Luxembourg. «Au cours des dernières années, l’augmentation des textes réglementaires ainsi que la digitalisation importante de cette activité ont toutefois rendu nécessaire la maîtrise de nouvelles compétences, notamment en informatique ou en compliance et gestion des risques. Cela a également conduit à une hausse des coûts, menant à un phénomène de consolidation: les petites banques qui ne peuvent plus assumer ces coûts sont rachetées par de plus grands acteurs.»
Pour Jang Schiltz, le cœur de métier du wealth management n’a pourtant pas fondamentalement évolué. «Il s’agit toujours de faire fructifier le patrimoine confié par des personnes fortunées et d’assurer sa transmission», poursuit-il. «Certes, on voit que les clients de la banque privée sont plus soucieux de ce qui est fait de leur argent, qu’ils sont notamment plus sensibles aux questions de durabilité. Mais l’essentiel reste tout de même de leur fournir un rendement suffisant.» Quant à la digitalisation, elle n’a pas non plus fondamentalement changé la donne. «Les nouvelles générations sont nées avec un téléphone en main. Il est donc indispensable de leur fournir des solutions digitales. Mais le contact personnel, les réunions en face à face restent indispensables dans cette industrie», ajoute Jang Schiltz.
Logement et conséquences de la pandémie
Là où le secteur du wealth management est confronté à un réel défi, c’est en ce qui concerne le recrutement. Ce problème, qui touche l’ensemble des acteurs, concerne aussi l’université, qui peine à trouver les étudiants qui, demain, constitueront les forces vives de l’industrie locale. «Nous manquons aujourd’hui de logements qui permettraient aux étudiants de se loger à un prix raisonnable», relève Jang Schiltz. «Nos logements universitaires sont pris d’assaut et d’abord réservés aux étudiants qui viennent de plus loin. Cela pose beaucoup de problèmes aux étudiants potentiels de la Grande Région, qui souvent décident de ne pas étudier chez nous ou ne viennent pas beaucoup en classe.»
Le phénomène est le même pour les jeunes professionnels qui souhaiteraient s’installer dans le pays. Et pour ne rien arranger, le Covid a conduit un certain nombre de jeunes à arrêter les études ou d’employés à démissionner. «Nombreux sont ceux qui ont décidé de tout quitter pour une autre vie, ce qui aggrave ce problème de ressources humaines», poursuit le professeur. Pour faire face à cette situation, Jang Schiltz en appelle à l’État, tout en reconnaissant que ce problème de coût du logement – mais aussi de mobilité, par exemple – est une conséquence de la croissance effrénée de la population au Luxembourg, et qu’il touche l’ensemble des secteurs d’activité.
Des étudiants vite engagés… ou débauchés
La raréfaction des profils qualifiés pousse les acteurs de la place financière à venir débaucher les étudiants au milieu de leur cursus. «De manière générale, nos étudiants trouvent du travail dans les six mois qui suivent leur formation, s’ils ne sont embauchés tout de suite par la société dans laquelle ils ont réalisé leur stage», explique Jang Schiltz. «Depuis quelques années, on constate toutefois un phénomène nouveau: les entreprises recrutent des étudiants avant même la fin de leurs études. Pour certains étudiants, ces propositions s’avèrent en effet séduisantes et, s’ils sont quelques-uns à opter pour un mi-temps leur permettant de terminer leur parcours scolaire, d’autres choisissent de travailler à temps plein et ne terminent pas leur formation.»
Aujourd’hui, environ 35 étudiants intègrent chaque année le Master en Wealth Management de l’Université de Luxembourg. À ce nombre, il faut ajouter ceux qui suivent le Master en Finance de l’Université. «Au total, ce sont environ 130 à 150 étudiants en finance qui sortent chaque année de l’Université et qui peuvent rejoindre une entreprise du secteur au Luxembourg, ou ailleurs. Nous continuons à développer notre offre et travaillons actuellement à la création d’un Master ‘Anti-Money Laundering’, un projet multidisciplinaire avec des aspects financiers, légaux, mais aussi informatiques. Malgré ces efforts, le nombre d’étudiants formés chaque année reste insuffisant pour répondre aux besoins de l’industrie…», conclut Jang Schiltz.