Frank Mausen, managing partner et Patrick Mischo, senior partner  chez Allen & Overy . (Photo: Gael Lesure)

Frank Mausen, managing partner et Patrick Mischo, senior partner chez Allen & Overy . (Photo: Gael Lesure)

Allen & Overy prend ses marques dans son nouveau siège inauguré ce jeudi. Un outil de travail flambant neuf dans l’immeuble Infinity, à l’entrée sud du Kirchberg. Pour le duo à la tête du cabinet d’avocats, Patrick Mischo (senior partner) et Frank Mausen (managing partner), le déménagement favorise de nouvelles méthodes de travail et coïncide avec la montée en puissance du domicile luxembourgeois dans les grandes transactions internationales.

Retrouvez la première partie de ce grand entretien .

Quelle place occupe l’intelligence artificielle dans votre travail?

– «Nous utilisons largement la legaltech, notamment au travers de notre incubateur basé à Londres et baptisé Fuse. Une application des technologies dotées d’IA que nous utilisons concerne les procédures de due diligence et l’analyse de documents de très grands volumes. Une autre application, FundsFlow DocMaker, est la création automatisée de documents au départ de données fournies par le client, notamment dans le secteur des fonds d’investissement alternatifs. Les documents générés seront ensuite vérifiés par les avocats. La technologie va nous aider à accélérer certaines étapes de nos prestations en jouant sur un prix qui doit rester concurrentiel.

Recherchez-vous davantage de profils technologiques au sein de vos équipes?

P.M. «Nous disposons du support d’experts basés à Londres et à Belfast, ainsi que de notre groupe de travail legaltech local. Mais il s’agit bien de considérer davantage ce type de profils à l’avenir. L’apprentissage ou du moins des notions de codage deviendront aussi des prérequis importants pour les juristes afin que chaque métier puisse comprendre l’autre.

– «Si vous ne parlez pas la même langue, vous avez du mal à communiquer. Nous constatons que les start-up legaltech hébergées au sein de Fuse à Londres sont souvent fondées par d’anciens avocats. Cela permet de penser à des solutions véritablement bénéfiques pour le client, notamment dans la phase finale des transactions où les changements de documents entraînent souvent des pertes de temps.

À l’inverse, la technologie pourrait-elle «disrupter» votre métier?

P.M. «Comme tous les secteurs, nous serons impactés. À nous de voir comment nous utilisons les technologies en faveur de nos clients et pour rendre le travail encore plus gratifiant pour nos équipes, sachant que la concurrence est rude pour recruter les juristes talentueux qui maîtrisent une matière amenée à se complexifier.

La présence au bureau n’est plus un marqueur obligatoire du travail effectué. Quand la confiance règne, les gens collaborent comme il faut.
Patrick Mischo

Patrick Mischosenior partnerAllen & Overy

Le vrai sujet est de retenir les recrues…

P.M. «Cela a toujours été un sujet. Si vous les rémunérez correctement, si vous les respectez et les formez bien et si vous leur proposez des dossiers et des clients intéressants, il n’y a pas de raison que les recrues ne restent pas. Mais bien les valoriser ne passe pas uniquement par le salaire, tant s’en faut. Dès que nous avons lancé le projet de déménagement, nous avons mis le restaurant d’entreprise sur la table de nos réflexions. Et les premiers retours nous confortent dans le choix d’un restaurant ouvert, humain, proposant une grande variété de menus… et situé au plus bel étage de notre bâtiment, avec une vue imprenable sur la ville.

F.M. «Nous devons rester à l’écoute pour améliorer les choses. Nous devons prendre en compte les nouvelles habitudes de travail, avec notamment des espaces adaptés comme nos breakout rooms dans notre nouveau bâtiment. Notre taux de départ relativement bas est un bon indicateur en ce sens.

Comment vous adaptez-vous aux attentes de la nouvelle génération?

F.M. «Là aussi, tout est une question d’écoute. La flexibilité nous semble être l’une de leurs exigences principales. Une flexibilité dans la gestion de leur temps de travail. Tout le monde est équipé de laptop chez nous, et le télétravail est devenu un usage normal. Chacun est suffisamment professionnel et mature pour s’organiser en confiance et, in fine, donner le meilleur de soi-même.

P.M. «Nous avons fait beaucoup d’efforts pour promouvoir cette manière de travailler, ce qui induit, pour les plus ‘âgés’, des changements culturels. La présence au bureau n’est plus un marqueur obligatoire du travail effectué. Quand la confiance règne, les gens collaborent comme il faut.

La vague d’arrivées d’acteurs due au Brexit ou au succès de l’alternatif n’est pas une bulle.
Frank Mausen

Frank Mausenmanaging partnerAllen & Overy

Comment percevez-vous le moral de vos collègues à Londres en raison du Brexit?

F.M. «Nos collègues sont relativement confiants, même si j’imagine que beaucoup auraient préféré rester. Le droit anglais est le droit leader dans le monde des affaires, et il va le rester. L’impact du Brexit sera plutôt à analyser dans 5 voire 10 ans. C’est encore trop tôt aujourd’hui pour l’estimer. Dans l’immédiat, le Brexit est bénéfique pour le Luxembourg, qui est apparu comme un domicile de confiance pour de nombreux acteurs britanniques ou internationaux qui avaient leur QG européen à Londres.

Mais d’autres éléments continuent de jouer en faveur du Luxembourg comme son orientation vers l’international, son multilinguisme, l’approche multiculturelle de sa main-d’œuvre… La vague d’arrivées d’acteurs due au Brexit ou au succès de l’alternatif n’est pas une bulle. L’environnement légal, le droit, l’infrastructure technique et les moyens humains sont bien en place pour faire en sorte que la tendance perdure.

Allen & Overy Luxembourg fêtera ses 30 ans en avril prochain. Que représente cet âge?

F.M. «Nous pouvons en être fiers et surtout nous remémorer l’histoire écrite par les dirigeants successifs. Nous étions un petit cabinet au commencement pour être intégrés en 2000 à Allen & Overy. Nous nous inscrivons dans cette lignée entrepreneuriale en ajoutant notre approche personnelle et en répondant aux défis actuels avec l’ensemble de l’équipe.

Le Luxembourg a toujours été le pays des chemins courts, d’une forme de pragmatisme qui doit rester de mise.
Patrick Mischo

Patrick Mischosenior partnerAllen & Overy

Serait-il envisageable que le cabinet ouvre des satellites, à savoir des sociétés dédiées à des services comme la domiciliation?

F.M. «Notre cœur de métier reste le conseil juridique. Nous sommes des avocats et nous voulons concentrer notre énergie, nos efforts et nos investissements sur notre cœur de métier. Nous n’envisageons donc pas d’ouvrir de structures annexes.

L’année 2020 sera marquée par la visite du au Luxembourg. Faut-il la redouter?

P.M. «C’est une visite très importante et nous revenons sur la question de la réputation. C’est très important d’être en conformité avec les règles, mais la vraie question est, comme évoqué, leur application. En tant que professionnels du droit, nous devons veiller à ce que les acteurs du secteur financier aient mis en place les dispositions et procédures pour faire en sorte qu’elles soient respectées.

Les clients ont-ils fait leurs devoirs?

F.M. «Les clients ont été sensibilisés et deviennent de plus en plus professionnels. Il suffit de voir la place qu’a prise la compliance dans la gouvernance des entreprises.

Qu’attendez-vous des responsables politiques en ce qui concerne votre métier?

P.M. «Nous constatons tout d’abord le dynamisme retrouvé dans le dialogue avec l’ensemble du secteur financier. Nous encourageons les politiques à aller dans cette voie. Le Luxembourg a toujours été le pays des chemins courts, d’une forme de pragmatisme qui doit rester de mise. La complexité des règles exige que les autorités comprennent ce qui se passe sur le terrain et qu’elles en tiennent compte, le cas échéant, dans les projets de loi qui sont écrits par les ministères.»